Chapitre 18 : L'épreuve du Blanc Cerf (première partie)

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Les jours ont passé. Toute une lune s'est écoulée depuis que les messagers sont partis porter l'appel de la reine. Dans trois jours aura lieu l'épreuve. Le choix. Définitif. Si, les premiers temps, Kaïra ressentait une étrange impatience, espérant voir Owen revenir, l'échéance se rapprochant, elle perd espoir. Dans trois jours, il lui faudra avoir trouvé un époux. Et Owen ne pourra rien empêcher. Maîtresse Alana, Maîtresse Agora et Maître Olek ne le pourront non plus. Mais elle se dit qu'au pire, il y aura bien parmi les prétendants un qui soit plus noble de cœur, plus juste et plus généreux que Bramé ou Galiané.

"Sans doute l'avenir de mon peuple, la paix dans mon royaume sont-ils à ce prix... Je le savais, Owen... Je vous ai donné et vous m'avez donné ce que nous pouvions... Ce sera dur pour moi, mais c'est ainsi. Et si mon corps doit être pris par un autre que vous, mon cœur, lui, sera vôtre à jamais."

Elle se tient debout, devant la fenêtre ouverte de sa chambre, par ce début d'après-midi très ensoleillé. Les roses de Maître Gafori embaument l'air et leur parfum monte jusqu'à sa fenêtre.

Toute la ville bat d'une étrange activité, d'une frénésie rarement connue. Depuis déjà une bonne semaine, les gens se rassemblent, venant de tous les coins du royaume, et d'au-delà du royaume. Il a fallu installer un grand camp dans la plaine pour accueillir tout ce monde, prétendants, escortes ou simples curieux. Les princes Bramé et Galiané sont déjà arrivés, de même que des nobles des autres royaumes, dont un de Petimont, Messire Eymeric, que Dame Hilayna juge bien plus valeureux et capable que leurs fougueux voisins.

Face à toute cette agitation, Kaïra reste calme, presque résignée. Chaque heure qui passe la rapproche de l'échéance, et il lui semble qu'Owen s'éloigne un peu plus. Elle se dit qu'elle n'a pas le droit de perdre confiance en lui, qu'elle doit garder espoir, mais l'amertume gagne en son cœur : n'a-t-elle pas accepté un délai trop court ? N'était-il pas trop loin pour venir à temps ? A-t-il simplement entendu parler de cette épreuve ? A-t-il bien reçu sa pensée, via le disque sacré ? Peut-être l'a-t-elle mal utilisé...

Ses tourments n'échappent pas à Dame Hilayna, mais celle-ci ignore le sens profond de son désarroi. Le saurait-elle qu'elle ne pourrait peut-être pas la réconforter. Elle les explique par la crainte de l'inconnu, la difficulté du choix, et c'est la raison pour laquelle elle se renseigne discrètement, mais soigneusement, sur tout prétendant qui lui semble valable.

**

C'est la veille de l'épreuve que Siwu, Owen et la licorne arrivent en vue des murs de Rankir. La plaine bruit d'agitations, de couleurs, de cris. Owen comprend aussitôt la raison de ce vaste rassemblement et se demande comment passer inaperçus. Connaissant bien les environs, il fait un détour pour s'abriter dans un bois. Au pire, il y croisera des Aériens, au mieux, personne ne les remarquera. Il se doute que des Gardiens des Origines sont présents, peut-être Olaf est-il là, et peut-être aussi le Grand Maître. Il ne doit pas être repéré. Ce qu'il s'apprête à faire va à l'encontre des règles premières de l'Ordre des Gardiens.

Une fois installés, il parle un bon moment avec Siwu, pour déterminer la façon dont ils vont s'organiser pour le grand jour. Leur voyage s'est bien passé, la licorne s'est montrée docile, mais silencieuse. A plusieurs reprises, Owen lui a rappelé sa promesse : il l'aidera à retourner dans son monde. De toute façon, dès que le Grand Maître aura connaissance de sa présence, il fera tout son possible pour cela, Owen en est certain.

Ils prévoient de se lever très tôt le lendemain, afin de pouvoir entrer aisément dans la ville et s'approcher du palais. Pour la suite, ce sera à Owen de décider et d'agir, seul. Il confie à Siwu la garde d'Ingir et place discrètement dans l'une des poches de la selle de son cheval son disque sacré, car il ne peut le porter sur lui : les autres Gardiens sentiraient aussitôt sa présence. Il doit rester inconnu le plus longtemps possible.

Alors que le sommeil le gagne, étendu sur un doux lit de mousse, il songe à Kaïra. Demain, il la reverra. Quoi qu'il arrive. Demain.

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