Chapitre 20 (deuxième partie)
- Comment ça, la reine est déjà sortie ? Mais quelle est donc cette lubie, Naïna ?
- Madame, la reine était réveillée tôt et elle a émis le souhait de se promener dans les jardins, avec Nijma…
- Avec Nijma seule ?
- Et bien...
- Cessez de triturer ainsi vos mains ! Comment allez-vous faire pour vêtir correctement la reine avec des doigts tordus !
Dame Hilayna s'avance vers les fenêtres et voit la reine, accompagnée de Nijma, revenir tranquillement vers le palais en devisant.
"Qu'est-ce qui lui passe par la tête en ce moment ? Je peux comprendre son besoin de sortir un peu, mais enfin… Est-ce bien l'heure de le faire ? Le Conseil va nous attendre…"
Peu après, la reine regagne ses appartements et affronte le regard autoritaire, mais quelque peu inquiet, de sa dame de compagnie. Ne lui laissant pas le temps de prendre la parole, elle dit :
- Dame Hilayna, je vous salue. Etes-vous prête à m'accompagner au Conseil ?
- Majesté, oui, répondit-elle d'un ton revêche. Je suis prête. Pardonnez ma remarque, mais…
- Mais vous jugez que j'ai eu une étrange idée que d'aller me promener ce matin ?
- Et bien...
- Dame Hilayna, l'aube était magnifique, il aurait été dommage que je n'en profite pas. Un peu de fraîcheur avant une longue journée ne peut que m'être bénéfique. Maintenant, allons, vous ne voudriez pas que l'on soit en retard, n'est-ce pas ? Nous avons une décision importante à prendre aujourd'hui.
- Certes, Majesté. Certes.
Et la grande dame sort, précédant sa jeune souveraine qui a le temps d'échanger un petit regard complice avec Naïna et Nijma.
**
Les trois conseillers sont présents lorsque la reine et Dame Hilayna font leur entrée. La licorne a suivi la jeune souveraine. Elles ont en chemin croisé les trois Gardiens qui se tiennent prêts à être reçus quand la reine souhaitera les entendre. Elle les salue avec déférence et plaisir, puis gagne la Salle du Conseil.
Elle y prend sa place après avoir répondu au salut des trois conseillers. Lorrek est le premier à parler :
- Majesté, la journée d'hier a été très fructueuse, mais longue. Nous espérons que vous êtes bien reposée.
- Merci, Seigneur Lorrek, je vais bien. J'aimerais m'entretenir avec vous un moment, avant que nous ne recevions les Gardiens.
- Comme il vous plaira, Majesté. Ils ont connaissance de l'identité du dernier prétendant, mais ne nous l'ont pas révélée. Ils le feront ici, devant nous tous, à moins que vous ne souhaitiez que cela se passe autrement.
- Non, ce sera très bien. Sachez d'abord que j'ai été très touchée, personnellement, par les demandes de chacun. Certaines ont bien entendu retenu mon attention plus que d'autres, et si notre décision ne peut se prendre à la légère, et que j'ai bien à l'esprit qu'il s'agit aussi d'un acte politique, je ne voudrais pas non plus que soient négligés l'avenir de mon royaume et ma propre personne. Celui que j'accepterai pour époux devra aussi présenter des qualités qui feront de lui un soutien pour moi, une présence et une protection.
- Bien entendu, Majesté, dit Lorrek. Nous sommes là pour vous aider dans votre choix, mais vous aurez le dernier mot. Néanmoins, si vous le permettez, nous avons déjà établi une liste à vous soumettre.
- Je vous remercie pour ce travail. Pouvez-vous nous en donner la lecture, s'il vous plaît ?
- Volontiers, Majesté.
Lorrek énonce alors le nom d'une vingtaine de prétendants, parmi lesquels figurent aussi bien de jeunes nobles d'autres royaumes, que des gens simples, issus du peuple.
- A côté de ces personnes, Majesté, nous relevons bien entendu les demandes des princes Bramé et Galiané, même si vous nous avez dit être peu décidée à épouser l'un d'entre eux. Mais nous ne pouvons pas non plus les négliger.
- Bien entendu, Seigneur Lorrek. Je vous remercie cependant de les avoir mises un peu à part. Mais vous n'avez pas pris en compte la dernière demande ?
- Et bien, nous voulions votre sentiment à ce sujet. Car cette demande est vraiment très particulière.
A cet instant, Kaïra se tourne vers la licorne qui s'est assise un peu à l'écart dans la salle.
- Si nous ignorons encore l'identité de cet homme, nous ne pouvons nous permettre d'ignorer la valeur de son présent. Je pense que nous serons tous d'accord pour dire qu'il est le plus précieux et le plus rare que l'on pouvait m'apporter. Je garde aussi à l'esprit le message qu'elle m'a délivré. Lui aussi est important.
- C'est vrai, intervient Flonara. Nous avons tous, et la population aussi, été frappés par ce cadeau et par la façon dont il vous a été offert. Bien que nous ne connaissions pas encore l'identité de cet homme, nous devons considérer sa demande avec intérêt. Je ne pense pas qu'il s'agisse de quelqu'un de mal intentionné vis-à-vis de notre souveraine, son attitude était très respectueuse. Mais nous ne pourrons rien décider à son sujet sans l'avis des Gardiens.
- Cette demande était en effet la plus étonnante de la journée, intervient Dame Hilayna. Mais cet homme a aussi tenté de vous approcher, Majesté, sans y avoir été invité.
- Il a simplement voulu me saluer. Son geste n'était pas répréhensible.
- Mais un peu osé.
Kaïra retient un soupir. Elle sait qu'elle doit manœuvrer avec habileté et, surtout, qu'il est nécessaire que le Conseil apparaisse uni face aux Gardiens. Convaincre les siens n'est qu'une première étape.
Van'dal intervient à ce moment-là. Il n'a encore rien dit :
- Voilà déjà, Majesté, les noms de ceux que nous avons relevés. Est-ce que ce choix vous paraît judicieux ? Y a-t-il d'autres personnes auxquelles vous avez été sensible ?
- Ce choix me paraît déjà intéressant. J'y ajouterai cependant, car la valeur de son cadeau m'a touchée, ce jeune paysan de chez nous, et son panier de fleurs. C'était un cadeau très simple, mais qui m'a émue.
- Nous pouvons l'ajouter.
- Merci, Seigneur Lorrek. Je suis par ailleurs d'accord avec votre liste. Comme vous l'avez souligné aussi, nous ne pouvons éluder les demandes des princes de Salarin.
- Nous ne pouvons les refuser dans un premier temps, mais, Majesté, je vous rappelle les pressions que ces hommes exercent sur vous !
- C'est un rappel judicieux, Dame Hilayna, dit Kaïra en se tournant vers sa gouvernante. Je vous l'ai déjà dit, je n'apprécie ni l'un, ni l'autre. Mais notre choix devra aussi contribuer à apaiser les tensions avec nos voisins, pas à en provoquer de nouvelles.
Van'dal hoche la tête en signe d'assentiment : à nouveau, la jeune souveraine fait preuve de clairvoyance. Elle poursuit :
- Dame Hilayna, j'aimerais connaître votre avis personnel en ce qui concerne cette liste, mais aussi sur le déroulement de la journée d'hier.
- Je n'ai pas les connaissances de vos trois conseillers, Majesté, mais je pense que cette liste est juste, qu'elle vous offre aussi de réelles opportunités. Hormis les deux princes, aucun des prétendants qui ont été retenus n'a d'ambitions démesurées. Certains jeunes nobles pourraient être aussi de sérieux appuis.
- Merci de votre avis, il m'est précieux. Je crois que nous pouvons maintenant demander aux Gardiens de nous rejoindre.
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