Chapitre 32 (deuxième partie)
Un homme assiste, de loin, à l'entrevue entre le prince et le Gardien. Il remarque aussi que ce dernier se rend fréquemment auprès du jeune homme et semble prendre plaisir à parler avec lui. Même s'il juge le prince bien loin de pouvoir menacer les intérêts de ceux qu'il sert, il rend cependant compte à sa maîtresse de ces échanges. Les nouvelles, en provenance de Rankir, alertent aussi cette dernière.
Un soir, alors qu'il prend le frais à sa fenêtre, Onev voit passer d'étranges ombres dans le jardin qui s'étend devant ses yeux. Intrigué, il s'y rend et se glisse sous les arbres. Elles le mènent vers une clairière où elles sont nombreuses à se rassembler, peut-être une vingtaine de ce qu'il peut compter. Il reste le plus discret possible, mais déjà s'inquiète : il ressent de sombres prémonitions.
Il assiste alors à une cérémonie dont le déroulement lui glace le sang. Une mélopée aux chants sinistres s'élève et des ombres plus sombres que la nuit se distinguent autour d'un grand feu. Ces ombres ne sont pas celles des hommes ou des femmes qu'il a suivis, mais semblent sortir du néant. Onev comprend alors qu'il assiste au rassemblement de serviteurs du Seigneur des Ténèbres. Quand il pense que la cérémonie prend fin et songe à regagner le palais avant que les participants n'y retournent à leur tour, il se sent soudain entouré et comme entraîné vers le cercle d'ombres. Malgré toute sa force et sa résistance, il ne peut que succomber sous les coups qui lui sont portés.
Au matin, on commence à s'inquiéter de son absence au palais. Son corps ne sera retrouvé qu'en fin de journée, bien loin de l'endroit où il est tombé. Sa dépouille est ramenée au palais et soigneusement lavée et embaumée, puis placée dans une petite pièce. Ignorant tout des cérémonies de deuil des Gardiens, la princesse Jébora ordonne cependant deux jours de deuil et des funérailles dignes d'un haut dignitaire du royaume.
Jarbek est l'un des rares, au palais, à ressentir une vraie tristesse à l'annonce de cette mort et il viendra se recueillir durant de longues heures auprès du corps du Gardien. Se doutant que le Grand Maître ou d'autres Gardiens viendront tôt ou tard à Sala, il prend soin de rassembler les affaires d'Onev et de les mettre précieusement à l'abri dans sa propre chambre, ignorant cependant qu'il protège ainsi un bien des plus précieux : le disque d'Onev.
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- Trouvez l'arme du Gardien. Il ne nuira plus. Mais il nous faut son arme.
L'homme, maigre et élancé, acquiesce et s'éloigne. C'est l'heure la plus sombre de la nuit et il vient de prendre connaissance de l'ordre de son maître. A cette heure, il n'y a guère de monde à veiller au palais, juste quelques gardes. Sans bruit, utilisant les ombres, il se glisse dans les couloirs, les escaliers, longe des chambrées, pour parvenir enfin à la pièce où était hébergé Maître Onev. Là où doivent se trouver encore ses quelques affaires. Le corps du Gardien repose dans la crypte sacrée, et il n'a pas encore été procédé à l'embaumement. Ce sera fait demain. Il a bien aperçu le corps et sait pertinemment que le Gardien ne portait pas d'arme. Il devrait la trouver aisément.
Tout aussi silencieusement qu'il a cheminé, il commence à fouiller la pièce. Elle ne contient pas grand-chose, mais cela ne l'inquiète pas : il sait que les Gardiens voyagent léger et celui-ci avait peu d'affaires avec lui. Il ouvre l'armoire, soulève le matelas, tire même les rideaux et regarde aussi sous le tapis. Il ne trouve rien. Seuls le mobilier et la literie sont encore en place. Il s'agace, fouille encore... Des bruits de pas dans le couloir le font cesser et il colle son oreille contre la lourde porte de bois. Ce n'est qu'un garde qui fait sa ronde, mais cela suffit à lui remettre les idées au clair : les biens du Gardien ont disparu.
Patiemment, il attend que le garde se soit éloigné, puis il quitte la pièce et retourne auprès de son commanditaire.
- Rien, mon maître, je vous assure. Il n'y avait rien dans la chambre... Plus un seul vêtement, pas même la sacoche qui était accrochée à la selle de son cheval. Je n'ai rien trouvé...
- Je te croyais plus efficace que cela, Darek...
La voix de l'homme se fait suppliante.
- Je vous assure...
Mais ses mots se terminent en un sordide gargouillis. L'homme tombe mort aux pieds de celui qu'il servait.
- Il va falloir que je m'en occupe moi-même, grogne l'assassin.
Mais il ne pourra que constater, de lui-même, qu'en effet, la chambre du Gardien est vide et que même le harnachement de son cheval a été retiré de l'écurie. Nul ne pourra trouver l'endroit où cela a été caché et, de toute façon, l'annonce de l'arrivée imminente des Gardiens des Origines fera passer cette question au second plan.
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