Chapitre 37 (quatrième partie)

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Alors que Kaïra prend un peu de repos, Siwu a entraîné Owen dans les jardins. Le jeune homme était de toute façon curieux d'y retourner. Les pas de son petit ami les conduisent vers la roseraie et le jeune Gardien sent son cœur se serrer à l'idée de revoir le lieu où la licorne et Maître Gafori ont péri.

- Owen, je voulais te montrer quelque chose, dit Siwu en chemin. Tu sais combien les miens aiment la magie, mais là, je pense que c'est encore un truc de Gardien qui s'est produit. Enfin, sans doute y trouveras-tu une explication, car moi, je n'en ai pas, et pourtant, je connais bien des histoires et des légendes qu'on appelle ainsi alors qu'elles ne sont que vérités.

- Cela est certain, Siwu.

Le Gronfall fait quelques pas, silencieux, puis reprend :

- Quand je suis arrivé au palais, avec les deux suivantes de la reine et Limur, bien vite, Dame Hilayna m'a confié une mission. Elle m'a dit que les honneurs avaient déjà été rendus aux deux conseillers de la reine qui avaient péri, que les morts avaient été enterrés, mais que les dépouilles de Maître Gafori et de la licorne lui posaient problème. Je me demandais bien en quoi deux morts pouvaient poser problème. Ils ne parlent plus, ne mangent plus, n'ont plus jamais soif. Peut-être, simplement, peuvent-ils encore rêver, mais cela, on ne peut en être sûr. Je lui ai dit cela et j'ai ajouté "Ils ne peuvent bouger, Dame Hilayna !" Et elle m'a répondu : "C'est bien mon souci". Je n'ai pas compris jusqu'à ce que je vienne ici, accompagné par deux gardes.

Tout en marchant et devisant, ils ont gagné le lieu où, dans le courant de l'été, Owen, Olaf et Alora avaient sacralisé les corps de la licorne, du maître jardinier et des deux conseillers. Là, désormais, se trouve un petit tertre entouré d'un cercle de pierres blanches. Siwu explique :

- Il était impossible de bouger les deux corps. Ceux des conseillers avaient pu être enlevés sans difficulté et enterrés dans le carré des morts. Mais pas celui de la licorne, ni celui de Maître Gafori. Pour la licorne, je me suis dit que c'était sans doute lié à l'autre monde. Mais le jardinier...

- Il est mort pour la protéger. Sans doute doivent-ils reposer côte à côte, désormais, dit Owen qui cherche lui aussi une explication à cet étrange phénomène. Qu'avez-vous fait alors ?

- Tu imagines bien qu'ils auraient dû être déjà... comment dire... un peu "décomposés" ? N'est-ce pas ? Après ce temps passé là... et bien non. On aurait dit qu'ils dormaient... la tête de la licorne posée sur la main du jardinier, lui comme la protégeant de son corps. C'était émouvant à voir, et tu sais qu'il en faut beaucoup pour m'émouvoir. Alors, j'ai suggéré à Dame Hilayna que nous les enterrions sur place, ce qui fut fait. D'où ce petit tertre, car bien entendu, nous n'avons pas pu creuser autour d'eux. Nous les avons donc ensevelis sous la terre et entouré le tertre avec les pierres blanches, comme Dame Hilayna pensait qu'il fallait faire. Nous avons pris pour cela les pierres que vous aviez utilisées pour sacraliser l'endroit.

- C'était une très bonne initiative, Siwu. Je pense qu'on ne peut guère faire mieux, ajoute Owen, les sourcils froncés.

Siwu hoche la tête et dit encore :

- Mais voilà maintenant qu'il pousse une drôle de plante sur le tertre. Tu peux expliquer cela ?

Owen voit bien la jeune pousse, vigoureuse et belle, qui sort de terre. Bien que l'on soit en automne, elle porte des bourgeons et déjà quelques jeunes feuilles se devinent, prêtes à s'épanouir. Il reste un moment silencieux, alors que Siwu l'observe.

- Alors ? demande le Gronfall avec une pointe d'impatience. Tu connais cette plante ?

- Je pense la connaître, dit Owen. Mais je verrai cela demain, en proposant une promenade à la reine. Elle aura à cœur de revoir ses jardins et je pense qu'elle sera aussi émue d'entendre ton histoire.

- Je pourrai venir avec vous ?

- Il faudra bien que tu lui expliques tout ce que tu m'as expliqué..., dit Owen avec un léger sourire.

Siwu soupire.

- Comme tu veux... Mais je te préviens, ce ne sera que la première des longues histoires que j'aurai à raconter à la reine... Mais dis-moi...

A son ton, Owen comprend que son ami va totalement changer de sujet, comme il en a parfois l'habitude, ce qui rend les Gronfalls souvent si difficiles à suivre dans leurs cheminements.

- L'héritier a déjà combien de lunes ?

- Bientôt quatre.

- Hum, pas mal. Jolie performance.

Owen lève un sourcil étonné et Siwu éclate d'un grand rire.

**

Le soir est tombé sur Rankir. Petit à petit, les bruits de la journée s'estompent. Le ciel est encore clair vers le Ponant, mais le soleil est déjà couché. Dans le ciel s'allument les premières étoiles et c'est tout naturellement que Kaïra lève les yeux pour trouver celle d'Owen.

Le jeune homme la tient entre ses bras, debout devant la fenêtre de la chambre royale. Appuyée contre lui, les mains d'Owen reposant sur son ventre arrondi, elle contemple les cieux et la lumière douce qui souligne la beauté de ses jardins.

- Que vous a raconté Messire Siwu, tout à l'heure ? Je vous ai vu parcourir les jardins en sa compagnie...

- Il m'a fait part de certaines choses, mais il vous les racontera lui-même demain.

- J'aurais aimé me promener un peu dans mes jardins ce soir, mais il est déjà trop tard.

- Nous irons demain, de bonne heure. J'ai pu voir que vos rosiers portaient encore quelques belles fleurs.

- Maître Gafori n'est plus pour en prendre soin, soupire Kaïra avec tristesse.

- Mais un des jeunes jardiniers qu'il a formé a survécu. Et je l'ai croisé également. Il veille particulièrement sur vos roses... N'ayez pas de soucis, dit Owen en resserrant son étreinte autour d'elle.

Kaïra ferme un instant les yeux, puis les rouvre, retrouve l'étoile plus brillante.

- Savez-vous ce que je pense de votre étoile, mon aimé ?

- Non...

- Qu'elle vous représente bien. Pour moi, l'amas d'étoiles à gauche est l'Ordre des Gardiens. Et sur la droite, c'est tout l'infini du ciel, à l'image de notre monde et peut-être aussi du mystère de l'autre. Et votre étoile, c'est vous, en chemin vers ce monde, vers le nôtre, le mien. C'est vous présent à ce monde. Comme un lien, aussi, entre l'Ordre et le monde.

Owen sourit. Il n'avait jamais imaginé cela, mais en regardant le ciel à son tour, il songe que l'explication de Kaïra donne désormais tout un sens à son choix.

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