Chapitre 2.2
Encore une fois, je me poste près du lac Enko. D’un coup, le vide se crée dans ma tête. Comme si rien ne s’était passé. Je retire mon bonnet pour laisser le vent s'immiscer dans ma chevelure. Cette fraîcheur me fait du bien et timidement, j’ouvre les yeux, pour laisser l’air s’y frotter. Ils me piquent, me brûlent et finissent par larmoyer. Ce n’est qu’une réaction physique mais sentir les larmes quitter mes paupières a pour effet de presque amoindrir le poids qui me pèse.
Tout le temps gaspillé dehors après avoir quitté Fuyu, mon portable vibre – sûrement des appels de Rei – mais aucune réaction de ma part. J’estime qu’il mérite bien de mariner, le temps que ma colère s’apaise un peu. L’appétit m’est entièrement coupé. Tout ce que je veux, c’est m’enfermer dans ma chambre et roupiller, pour oublier tout ça.
Et c’est finalement ce que je fais, une fois rentrée, saluant brièvement Rei sans le regarder et l’informant que je pars siester. Cloitrée dans ma chambre, j’y reste jusqu’au milieu d’après-midi, à l’heure où Fuyu devrait normalement quitter les locaux de l’école.
Rei passe quelques fois prendre de mes nouvelles. Et toujours, il se fait envoyer bouler. Plutôt poliment.
Si je ne pense pas à Rei et Fuyu, mes divagations se dirigent irrémédiablement vers maman. Qu’est-ce qu’il se passe avec elle ?
Assise confortablement sur mon futon et dos au mur, je ferme les yeux pour essayer de me figurer ma mère. Pas moyen de me rappeler quand exactement je l’ai vue pour la dernière fois mais son regard, toujours aussi captivant et magnétique, lui, est marqué à jamais dans mon esprit. Ses grands yeux noirs forment deux perles ensorcelantes sur un visage nacre aux pulpeuses lèvres, toujours peinturées d’un rouge vif diabolique sont les choses dont je parviens à me souvenir parfaitement. Malgré les brèves rides qui se dessinent timidement lorsqu’elle sourit et son âge bien plus élevé que ce qu'elle accepte de montrer ou d’assumer, ma mère est quelqu’un d’agréable à regarder. Plus que ça, elle s'ancre dans les yeux et même dans l’âme de ceux qui croisent son regard.
Elle n’est pas magnifique pour autant. Elle ressemble à toutes les autres femmes qu’on peut croiser dans la rue. Mais contrairement au reste, elle a décidé de se créer sa propre beauté. Celle qui se révèle petit à petit, à mesure qu’on croit l’apprivoiser. Et elle a réussi. Quand il y a quelques années, elle nous a annoncé qu’elle s’était à nouveau trouvé quelqu’un, Sonoka avait déjà cinquante ans. On est restées perplexes et surtout impatientes à l’idée de rencontrer l'inconscient qui irait se lancer dans une relation avec ma mère. Moi qui m’attendait à un type aussi malveillant qu’elle – ça ne pouvait être que ça – , nous sommes tombées des nues quand s’est présenté l’homme le plus gentil du monde. Un gars venu d'Indonésie initialement installé au Japon, on ne sait plus trop pourquoi, qui a prolongé son séjour jusqu’à obtenir une carte de résidence, en emménageant avec elle. Cinq ans qu’ils sont ensemble, sans que la moindre crise ne pointe le bout de son nez. Lorsqu’ils se sont mis ensemble, j’étais déjà en France, donc je n’ai jamais expérimenté la vie avec eux puisqu’à chaque fois que je rentrais, c’était chez Fuyumi. Si j’allais chez ma mère, ce n’était que pour récupérer des affaires, ensuite ramenées dans ma petite chambre à Paris.
Pourtant, je lui en dois une, à cet homme. Nicolas de son prénom me propose toujours son aide, quand l’occasion se présente. Il n’a pas hésité à me prêter de l’argent, lorsque je nageais dans la précarité au tout début de mes états, alors que ma situation provoquait une grande indifférence chez ma mère. Il s’est même un jour porté garant de me filer un coup de main pour mes cours, ayant effectué quelques années de langues antiques, à l’université. Si Sonoka le maltraite comme Joseph, je n’en serais guère étonnée.
Seulement voilà, il ne semble pas du tout souffrir ou porter des signes de violences. En fait, j’ai fini par comprendre que maman n’en a un peu rien à faire de lui et doit surtout craindre de finir seule sa vie, devoir faire face à elle-même chaque soir, quand elle rentre. A l’époque de l’expulsion de Joseph, elle a eu bien plus de respect pour lui que Masa et s’est remise en couple un an après. Puis ça s’est succédé : elle a commencé à voir pleins d’autres hommes, quelques fois en même temps. Je penche surtout pour la flemme de s’engager et la crainte du qu’en dira-t'on que du respect pour Joseph. C’était comme si ni mon père, ni celui de Fuyu avaient un jour existé. Ses relations ont commencé par se faire de plus en plus courtes pour s’espacer et un paquet de copains plus tard, elle s’est lassée et s’est concentrée sur nous et son travail. Ma soeur et moi étions donc à milieu d’imaginer qu’elle se maquerait à nouveau. Nicolas est plutôt beau : il fait même plus jeune que son âge et il est gentil. Aujourd’hui, c’est tout ce qui compte. Se trouver quelqu’un avec qui ça ne se passe pas trop mal, pour avoir la garantie de ne pas avoir à crever tout seul. Et si l’amour peut s’inviter, tant mieux. Nicolas a sérieusement l’air d’aimer et de tenir à ma mère. Et elle fait semblant de lui rendre cela.
Elle se fiche totalement de lui que je finis même par régulièrement l’oublier, moi aussi, alors qu’il m'estime mieux que mon propre père. Fuyu et moi parlons d’eux comme “les parents”. Parce que c’est plus simple, que ça fait plaisir à Nicolas.
Qu’est-ce qu’elle cache encore ? Pourquoi elle doit revenir dans ma vie ? Ne l’ayant plus revue depuis mon retour, je ne m'en portais pas si mal.
Je retourne la question longtemps dans ma tête, comme avec Fuyu. Encore une fois, ça va être quelque chose pondu d’un autre univers auquel même mon esprit tordu n’aurait pas pensé.
Rei frappe à la porte. Putain, je l’ai oublié, lui !
Agacée et inquiète qu’il ne finisse par se douter d’un truc, je prends une grande inspiration en quittant le lit. Je me regarde à travers le petit miroir posé sur la commande et m’entraîne à sourire sobrement, pour ne pas éveiller les soupçons.
Après un rapide débat intérieur, je déverrouille la porte de mon antre et tombe sur un Rei aux sourcils froncés. Il a l’air de se faire du souci pour moi, comme son expression s’allège dès que j'apparais dans l’entrebaillement du battant. Un petit rictus hésitant collé au visage, j’analyse mon beau-frère : son épouse est enceinte. Non, non, ce doit être un mauvais rêve.
— Tu vas bien ? il articule timidement.
L’espace d’une seconde, ma colère part se cacher à l’autre bout du monde pour céder sa place à toute la peine qu’il me fait. Il souffre et doit se battre contre lui-même pour retrouver la volonté de vivre… non ! Ce n’est pas une raison.
Malgré moi, mes yeux l'accablent d’un regard inquisiteur.
— Où est Pochi ? Je ne l’entends plus depuis tout à l’heure.
— Il fait une sieste.
— Et toi, tu fais quoi ?
Ma question abrupte et sans grand rapport avec le reste le laisse pantois quelques instants mais il tousse, histoire de se donner le temps de réfléchir à une réponse :
— Bah… en fait… rien. Je ne faisais rien.
J’arque les sourcils, suspicieuse. Non mais qu’est-ce qu’il a encore fait comme bêtise ? A mon regard approbateur, il se justifie, d’une manière un peu laborieuse :
— Je ne suis pas comme toi, plein d’énergie, pour… faire des trucs productifs et tout ça, tu sais.
— A ce sujet… Fuyu va arriver un peu en retard. Elle boit un verre avec ses collègues…
Au moins, nous nous accordons sur ce point : c’est tellement louche et imprévisible qu’il tire une tête encore plus désorienté que la mienne, lorsqu’elle me l’a annoncé. Je le devance :
— Ouais… je sais.
— Mais qu’est-ce qu’il lui arrive, à Fuyu ?
— Bah, j’en sais rien, c’est ta meuf, non ?
Ma réponse lui coupe tous ses sens, puisqu’il écarquille les yeux et recule d’un pas pour regarder autour de lui.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé avec Fuyu, tout à l’heure ?
Cette dernière question, qui est plutôt un ordre qu’il me donne, me fout des frissons monstre.
— Je vais aux toilettes… Je reviens.
Heureusement, il est bien trop courtois pour me retenir ou m’accuser de me défiler.
Sérieusement, c’est ce même type qui a menti sur un sujet aussi grave à ma sœur ? Si seulement je pouvais avoir au moins sa vision des choses pour trancher. Le Rei qui raconte le bobard de l’année n’a rien à voir avec le Rei que je viens de quitter. Pourquoi il a fait ça !
Enfermée dans la minuscule pièce, je m'assois sur la cuvette rabattue et me bénie d’avoir mon téléphone dans la poche à ce moment-là. Alors que je déteste faire ça, je le sors pour écrire à Fuyu.
Princesse Mononoké : Eh, tu m’expliques pourquoi tu pars boire un coup avec tes collègues ? C’est pas ton genre !
N’espérant pas obtenir de réponses tout de suite, mon portable manque de me filer entre les doigts quand en bas de la messagerie, il est indiqué que ma sœur est en train d’écrire.
La sorcière qui dit chocolatine : Mais Yuna, mais t’es bête ou quoi ?
Je cligne des yeux.
La sorcière qui dit chocolatine : Grosse maligne, toi qui es si intelligente, tu penses vraiment que je vais aller boire ? J’ai rendez-vous par rapport à ma grossesse. Maman connaît un praticien discret qui permet des avortements sans justification et l’autorisation du mari qui va vite me traiter.
Maman est au courant ! Et depuis quand ? Je ne sais rien de cette histoire. Ni où elle en est dans sa grossesse et encore moins comment et depuis quand elle est au courant. Mais maman, si.
La sorcière qui dit chocolatine : Je te préviens, tu n’as pas intérêt à en toucher un mot à Rei. Je viens de quitter l'école. J’en ai pour quarante minutes de bus.
Princesse Mononoké : Et c’est à ce sujet que tu devais me parler de maman ?
La sorcière qui dit chocolatine : Non, autre chose.
J’attends désespérément que son pseudo accompagné de la formule m’indique qu’elle écrit, pour me donner plus de clés de compréhension et me sortir de ma paranoïa mais rien. Pire ! Elle se déconnecte.
Princesse Mononoké : Bah j’espère que je ne te dérange pas hein ! T’embête pas pour donner plus de détails, c’est gratuit.
La sorcière qui dit chocolatine : À la maison. En attendant, tu te tais.
Princesse Mononoké : J’aimerais t’y voir. Ton mec est à deux doigts de me harceler.
Elle est revenue sur la conversation mais a l’air de bugger devant mon message, puisqu’elle ne donne aucun signe de vie, quelques secondes. Je m’impatiente. Ce n’est pas le moment de me lâcher.
Princesse Mononoké : Tu prépares ça depuis combien de temps, en fait ?
Vraie question.
La sorcière qui dit chocolatine : Je suis trop fatiguée pour réfléchir. démerde-toi. T’es douée pour baratiner les gens madame-j’ai-un-master-en-lettres. Tu trouveras.
Et elle quitte définitivement l’application, malgré mes protestations sur plusieurs messages rageux en guise de réponses. Je soupire d’énervement. Va encore falloir se creuser les méninges. Quelque part, c’est flatteur que Fuyu se repose entièrement sur moi et me confie la tâche d’assurer ses arrières. Pas question d'abandonner et décevoir ma sœur.
Au moins, cette discussion mouvementée a le mérite de me requinquer. Après avoir fait mine d'activer l’arrivée d’eau pour me laver et tirer la chasse, pour quitter innocemment les petits coins. En me nettoyant les mains, j’inspecte rapidement le couloir : Rei n’y est plus. Peut-être qu’il n’a même plus la force de me tenir tête ? Je trottine silencieuse jusqu’à ma chambre mais manque de bol, la porte menant au salon est grande ouverte, sur Rei, assis par terre, la tête dirigée vers la porte et donc moi, Pochi près de lui. On aurait dit le Parrain.
En déglutissant, je comprends vite ce qui m’attend. Nerveusement et en traînant des pieds, je m’avance jusqu’à être face à lui.
— Tu veux un thé ?
Si Fuyu croit que mon talent caché, c’est de baratiner les gens, on peut dire qu’elle a raison.
Le soulagement d’avoir pu dissiper les doutes de Rei et justifier nos bizarreries, à Fuyu et moi est tel, qu’enfermée à nouveau dans ma chambre, je continue de peiner à y croire.
Lui raconter que Fuyu est tellement secouée par les reproches du directeur de l’école que Haru, sa gentille collègue, l’a invitée à boire un coup pour se changer les idées a suffit. Si j’avais su que c’était si simple. Par chance, il a brièvement déjà entendu parler de Haru et semblait stupéfait de me voir l’appeler si posément par son prénom. Et connaissant Fuyu et son passé, la savoir si ébranlée par ça ne l’étonnait pas. Il a même fini par culpabiliser de ne pas avoir pensé à lui proposer quelque chose après le travail.
Et j’aurai mille fois préféré ce plan, que de laisser seule ma soeur alors qu’elle se rend à un rendez-vous pour programmer un avortement, effectué dans l’illégalité, quand son mari pense qu’elle passe du bon temps.
Mais Fuyu est ainsi : elle veut tant être aimée et donner l’amour qu’elle a en elle, quitte à puiser dans ses ressources vitales qu’elle cesse tout bonnement de s’écouter. Parfois, je me demande si Rei le sait ou s’en doute, au moins un peu. C’est sûrement le cas, mais tout ce que je vois en lui, c’est quelqu’un de bien trop rongé par les maux de ses maladies et de ses conséquences, pour se préoccuper d’autres choses. Et plus je divague, plus je me dis que ce stupide cancer n’a pas seulement bousillé Rei, mais Fuyu et beaucoup plus que je ne l’aurais imaginé.
Pourquoi maman encourage-t-elle ma sœur, là-dedans, sans essayer de la persuader de parler à Rei, régler à deux cette question et traverser ensemble main dans la main cette épreuve ?
Pour détourner l’attention de Rei de tout cela, je fouille les dossiers de mon ordinateur pour en trouver un en particulier. Timidement, je m’approche de lui et lui demande s’il serait curieux de lire les poèmes japonais qu’a écrit Valérian, mon ancien camarade de promo en prévision de sa thèse de doctorat. Il semble sérieusement emballé et on s’y met.
Quand rentre enfin Fuyu, la fatigue se lit instantanément sur son visage, alors qu’à l’accoutumé, elle affiche un faciès joyeux et satisfait de sa journée de travail. Ses pantoufles à peine chaussées, Pochi fonce vers elle, pour la saluer à sa manière mais elle se détourne de sa route et lui somme sévèrement d’aller jouer ailleurs. Une mine affligée et abattue se dessine jusqu’au bout de son museau. Il baisse tristement les oreilles dans un couinement et se dirige vers Rei, plus loin, qui s’approche de sa femme. Je suis avachie sur le canapé, prenant toute la place, en matant les vieux épisodes de Saigo kara Nibanme no koi. Une chance que TSS ait eu la merveilleuse idée de les diffuser en ce vendredi soir ! Je suis même allée me renseigner sur Internet à propos du programme des autres chaînes et même Fuji TV ne le fait pas ! Regarder une nouvelle fois ma série d’adolescence en est d’autant plus savoureux.
Mais l’arrivée de Fuyu me coupe complètement de mon visionnage et surtout son comportement avec Pochi.
Elle a envoyé promener Pochi !
Je bondis de ma place pour la saluer, malgré tout et gratouille affectueusement le sommet de la tête de mon cabot, au passage.
Rei se tient devant elle, aussi paumé que moi.
— Fuyu ! Alors, ton verre ? Rei a préparé une soupe miso !
Son regard sombre ne prend même pas la peine de se tourner vers Rei et elle maugrée simplement :
— Je suis fatiguée. Je vais me coucher. Désolée de vous être fatigués pour moi.
Elle n’ajoute plus rien et traîne des pieds jusqu’à sa chambre, sûrement.
— Vas faire la table et… je vais parler à Fuyu.
A mon tour de s'engouffrer dans le couloir. Je pivote à gauche pour rejoindre la porte au fond du couloir. Celle-ci est à moitié fermée. Avant de me décider d’y entrer, je souffle. Je n’entre jamais dans la chambre de ma sœur, du moins plus depuis qu’elle est mariée. Avant, lorsqu’elle vivait toujours chez maman, avec moi, c’était mon QG, le squattant si souvent quitte à la faire hurler. Ainsi, j’ai presque l’impression de braver un interdit. Autrefois, la chambre de mes parents, puis celle de ma mère était également un temple sacré, qu’il ne faut pas profaner, sous peine de recevoir une lourde sanction.
— C’est moi…
— Yuna ? souffle sa petite voix éteinte. Entre.
Elle est étendue dans son lit, les mains relevées vers son buste et d’ailleurs, elle ne me regarde même pas : ses yeux sont braqués sur le plafond qu’elle fixe.
Je prends la peine de fermer la porte derrière moi.
Ses collants sont jetés de part et d’autre dans un coin de la pièce. Face à son côté du lit, il y a un pouf. Avant de m’y asseoir, je ramasse le collant, le plie et le pose au-dessus d’un meuble au hasard.
La chambre est à l’image du couple : les murs bleu marine installent dès l’entrée une ambiance posée et calme, avec des meubles de couleur chataîgne, si bien disposés qu’ils agrandissent la pièce, alors que je suis certaine qu’elle est plus étroite que la mienne. Ça sent la main et l'œil de Rei.
— Alors ? je chuchote, craignant d’être entendue.
Enfin, je m'affale sur le pouf. Il est si doux ! C’est comme recevoir un massage express au dos et aux hanches.
— Bah quoi ?
Elle reste dans la même position, sans sourcilier ou me regarder.
— Tu sais. C’est bon ?
Heureusement, nous avons la présence d’esprit de parler français pour être certaines que Rei ne comprenne rien, s’il se met en tête d’écouter aux portes. C’est moche, mais nous n’avons pas le choix.
— Oui. C’est bon. La semaine prochaine. Le jour de ton anniversaire.
Étrangement, je sens comme un craquement en moi, à cette annonce. Sur ses mots, Fuyumi se redresse.
— Tu viendras avec moi, n’est-ce pas ? On ira manger un gâteau après.
J’hésite à demander si c’est pour fêter l’avortement ou mes vingt-quatre ans…
— Et pourquoi tu ne demandes pas à Rei ? Puis, au moins, vous parlerez de cette histoire d’être stérile. Il te le doit bien.
Son regard courroucé en dit long sur ce qui se joue dans sa tête, en entendant cette réponse.
— Ne dis pas de bêtises.
— Allez… Si j’étais toi, je lui dirai.
— Sauf que tu n’es pas moi.
Malgré la tournure délicate que la discussion prend, Fuyu parvient à faire preuve d’un calme olympien. Ce qui est plus qu’admirable.
— Bien sûr que je vais t’accompagner. Pour qui tu me prends ?
Elle me gratifie d’un sourire plein de gratitude, avant de retourner à sa fausse sieste.
— Je vais aider Rei.
Alors que je me lève du pouf pour quitter la chambre, Fuyu m’interpelle.
— Attends !
Elle est à nouveau debout mais cette fois, elle balance ses jambes hors du lit.
— Je… honnêtement, je ne sais pas si j’arriverai à rester avec lui, après ça.
Et c’est comme si mon monde s'effondrait.
— J’avais besoin de te le dire parce que je n’ai pas arrêté de penser à ça, toute l’après-midi… Mais en même temps, je ne peux pas vivre sans lui.
Annotations
Versions