34. Maître et disciple - Partie 7

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Mezhelan jeta un dernier coup d'œil sur le lac, repensant à l'impressionnante démonstration de la magicienne. La précision et la force qu'elle avait démontrées étaient autant de preuves irréfutables de son talent. Se concentrant, il visualisa un endroit dans ses souvenirs et, tout en forçant un sourire, tendit à nouveau la main vers elle. Ce geste spontané et répété ne demeurait qu'une formalité pour naviguer de manière précise et sécurisée entre deux destinations.

Eärwen attrapa sa main avec un éclat de curiosité dans les yeux.

Ils franchirent ensuite le portail et, en un instant, se retrouvèrent au milieu d'une étendue de sable doré.

La magicienne souleva ses pieds enfoncés dans le sable dans un geste de surprise : "Nous sommes toujours en Centralie ?" interrogea-t-elle avec une pointe de doute.

"Oui. Je ne peux me téléporter que dans des lieux que j'ai déjà vus et que je peux visualiser clairement… Cela fonctionne aussi pour les endroits dans mon champ de vision. L'effort de visualisation est moindre dans ce dernier cas, rendant la formation du passage plus rapide et moins difficile…" expliqua-t-il en admirant la vue. Le changement d'époque et de météo lui donnait l'impression de redécouvrir ce paysage lui-même.

"Cela semble vivant, presque mouvant sous nos pieds. C'est surprenant et tellement différent de ce à quoi je suis habituée. Il y a de tels endroits chez vous ?" s'étonna-t-elle.

"Nous sommes vers le centre de notre royaume. Cet endroit m'avait marqué aussi, tant il semble surréaliste. J'ai le sentiment que les locaux ne savent pas l'apprécier à sa juste valeur, ils n'y voient qu'un vaste terrain inexploitable." Ils absorbèrent un moment la beauté du lieu en se déplaçant péniblement dans les dunes, avant que Mezhelan ne dessine une autre porte : "Voyons voir ce que vous penserez de la suite." dit-il.

Ils traversèrent le passage et se retrouvèrent cette fois dans une forêt dense et humide, où la canopée des arbres géants bloquait presque toute la lumière du soleil. L'air était chargé de l'odeur de la terre humide et du chant d'oiseaux exotiques.

"C'est la forêt d'Ankara." précisa Mezhelan : "Cette fois, nous sommes au sud-est. C'est un écosystème riche et complexe qui abrite certaines espèces d'animaux que l'on ne trouve nulle part ailleurs." Le changement de décor était saisissant, offrant un contraste frappant avec les précédents.

Eärwen sourit, inspirée par tant de diversité en si peu de temps : "Je n'ai jamais vu autant de choses différentes en une seule journée. Chaque lieu me fascine."

Mezhelan nota chez elle une expression quasi enfantine, dénotant avec l'attitude fière et affirmée qu'elle avait affichée jusqu'à présent. Mais cette facette plus accessible et humaine lui plaisait. Il traça une nouvelle ouverture dans l'air en lui adressant un regard qui valait plus que des mots.

Eärwen attrapa sa main avec enthousiasme.

Ils émergèrent sur les sommets désertiques d'une montagne, surplombant un océan de nuages. Et le soleil partageait, à cette heure, une lumière rosée onirique.

Avec un certain amusement, Mezhelan remarqua qu'elle croisait les bras sur elle-même, gênée par le changement soudain de climat. Puis, il commença à raconter : "C'est le mont Sodden, la montagne la plus élevée de notre royaume. Nous savons qu'il en existe encore de plus hautes, mais elles se trouvent dans les pics infertiles à l'est."

La magicienne, les yeux rivés vers cette mer blanche, semblait subjuguée par ce qu'elle voyait. Elle leva spontanément les bras tandis que des nuages prenaient vie, se regroupant pour former les silhouettes distinctes et majestueuses de deux êtres marins. La brume ondulait de manière hypnotique, comme si les créatures nageaient dans les airs.

Mezhelan suivait chacun de ses gestes d'un regard attentif. Ils semblaient tellement naturels, presque instinctifs, comme si elle ne faisait qu'un avec l'élément qu'elle contrôlait : "Vous manipulez la brume avec une telle adresse… J'aimerais savoir créer des illusions aussi réalistes. C'est leur précision et leurs détails qui ont permis à Amos de s'éveiller si rapidement. C'était une étape cruciale dans son apprentissage, et c'était très impressionnant."

Eärwen se tenait droite, mais flattée par le compliment. Elle libéra son sort en répondant : "Merci. J'ai toujours adoré faire ça, c'est ma manière de rendre ce monde un peu plus doux."

"Et vous réussissez à merveille. Je ne vous remercierai jamais assez pour votre aide." insista-t-il. Lorsqu'il la vit frissonner, il ouvrit à nouveau une porte et lui offrit sa main pour l'inviter à partir.

Ils atterrirent dans un port familier sur lequel soufflait l'air marin.

Eärwen regarda dans la baie en remarquant : "Un endroit que je connais."

"Un endroit fort surprenant. En Centralie, nos croyances ne sont pas tournées vers l'océan." raconta Mezhelan, dont le regard suivait un puissant bateau aux voiles complexes : "Je n'avais jamais vu de navire aussi grand avant d'arriver ici, voyez-vous…" puis se tourna vers la ville en poursuivant : "Et je pense aussi que souvent, la beauté est toute relative, car nous ne parvenons plus à apprécier ce qui est sous nos yeux. Vous sembliez agréablement surprise devant les façades de maisons d'Iserlohn, moi, ce sont celles-ci qui me fascinent." affirma-t-il, les yeux tournés vers les toits épousant la nature. Il appréciait particulièrement l'atmosphère de cette ville, l'espace et la sérénité apportés par les petits cours d'eau serpentant entre les maisons.

La femme esquissa un sourire, les yeux tournés vers l'horizon : "C'est vrai que cela a aussi son charme." admit-elle.

Ce dernier saut venait conclure leur escapade, qui, bien qu'ils n'aient pas vu le temps passer, avait duré plusieurs heures.

De retour au palais, Eärwen paraissait émerveillée par les possibilités offertes par les portails et ne se privait pas d'en faire part : "Cela change tout. Imaginez les applications pour nos royaumes, les opportunités d'échange d'informations et de connaissances. Nous pouvons dialoguer instantanément et nous voir quand nous voulons !" exprima-t-elle en longeant les couloirs.

"Je suis heureux que vous voyiez le potentiel." répondit Mezhelan, sur ses talons. Il n'avait pas créé ce sort dans ce but, mais devait admettre qu'il offrait des possibilités qu'il n'avait pas envisagées : "Lorsque j'ai commencé à travailler sur la téléportation, c'était dans le but de m'éviter les temps de trajets entre mes missions, mais votre vision des choses est très intéressante. J'espère que nos échanges permettront d'enrichir encore nos points de vue, pour le bien de nos royaumes."

Eärwen continua de marcher devant lui à bon rythme, un léger sourire aux lèvres.

Ils retrouvèrent la reine-mère et le roi, accompagnés du prince Tarian, d'Edyrn et Amos, dans une salle d'audience richement décorée.

La magicienne, toujours pleine d'enthousiasme, s'empressa de raconter ce qu'elle avait vu grâce aux portails de son confrère : "Votre Majesté, Altesse." commença-t-elle avec une révérence : "Cette journée a été plus que fascinante. J'ai vu des paysages que je n'aurais jamais crus possibles et des possibilités impensables jusqu'alors… Elles sont infinies ! Nous pourrions échanger des connaissances et des ressources en un instant, renforcer nos alliances et explorer des territoires inconnus."

Le roi, intrigué, échangea un regard avec sa mère : "Cela semble en effet prometteur, Dame Eärwen, cet entrain que je ne vous connaissais pas en témoigne."

"Nous savions que cette rencontre serait bénéfique, mais cela dépasse nos espérances. Cet arcane pourrait transformer nos relations et ouvrir de nouvelles voies de coopération." ajouta la reine-mère.

La femme hocha vigoureusement la tête.

"En revanche, il reste primordial que cet art reste limité à quelques élus recensés. Nous pouvons facilement imaginer comment elle pourrait être dénaturée à des fins d'infiltration, d'espionnage ou d'attaques surprises." souligna le roi de manière plus critique.

"Évidemment, Majesté." acquiesça Eärwen en accord.

Le prince Tarian était particulièrement attentif : "Une journée bien remplie, à ce que je vois. Vous avez séduit la magicienne de la mer, Maître Mezhelan." remarqua-t-il, n'ayant droit pour seule réponse qu'à une forme d'embarras de sa part. Il poursuivit : "Pour finaliser cette visite de manière mémorable, nous pensions organiser une joute magique en public dans la capitale. Cela renforcerait non seulement nos liens, mais montrerait aussi les compétences de nos mages respectifs."

Légèrement surpris par la proposition, Mezhelan échangea un regard avec Eärwen : "Une joute magique en public ? Cela pourrait être un grand spectacle, en effet, mais me semble aussi un peu… dangereux ?" commenta-t-il.

Eärwen n'était visiblement pas du même avis, puisqu'elle hocha aussitôt la tête, ravie par l'idée : "Nous prendrons des dispositions mon cher, ce serait une occasion unique de confronter nos méthodes personnelles."

Edyrn approuva d'un signe de tête : "Ça pourrait également inspirer le peuple, je suis certain que notre souverain, le roi Vardan, adorerait l'idée. C'est un symbole fort de coopération."

La reine-mère, observant attentivement le magicien, interrogea : "Maître Mezhelan, seriez-vous disposé à participer à cette joute et à montrer à notre peuple ce que vous savez faire ?

Mezhelan, ne se sentant pas la possibilité de refuser, inclina légèrement la tête en signe d'acceptation : "Cela serait un honneur, Altesse. Je ferai de mon mieux pour représenter mon royaume."

La reine-mère sourit : "Alors, c'est décidé. Nous organiserons cette joute pour célébrer notre entente de toujours, et immortaliser glorieusement la fin de cette visite diplomatique."

Les préparatifs commencèrent dès l'acceptation de Mezhelan, suivie d'une excitation palpable dans l'air du palais. Des artisans s'affairaient à préparer l'arène de la capitale en conséquence, pour que rien ne puisse arriver à la foule dans les gradins. Les serviteurs du palais diffusaient activement la nouvelle en ville concernant cet événement à venir, et l'excitation montait parmi les habitants, impatients de voir une confrontation entre mages. De par sa notoriété dans la capitale Cyzique, la magicienne de la mer était malgré tout très largement soutenue.

Mezhelan et Eärwen, eux, se préparaient mentalement et physiquement à cet affrontement amical. Ils passèrent des heures à discuter des usages et mesures de sécurité, bien qu'il n'y en eût pas énormément, hormis de ne pas tuer l'autre. La joute devait suffisamment dévoiler leurs compétences pour en faire une représentation marquante et sensationnelle.

Le jour venu, l'arène, un vaste amphithéâtre circulaire creusé à flanc de colline, était bondée de visiteurs impatients. Les gradins étaient en bois brut, montés sur une ossature solide et ponctués de braseros enflammés. Le sol, constitué de coquillages concassés mêlés à du sable clair, craquait sous les pas des concurrents qui s'affrontaient dans des combats de chevalerie servant à attiser la ferveur du public. Des marchands parcouraient les rangées animées, vendant des galettes de seigle chaudes, du poisson séché et des cornes de bière moussante, leurs cris rivalisant avec ceux du public.

Mezhelan observait de loin, ressentant une appréhension inhabituelle peser sur ses épaules. Il avait l'habitude des défis, mais jamais sous l'œil avisé d'un roi étranger et face à une magicienne aussi talentueuse qu'Eärwen. Une défaite serait également celle de tout son royaume, alors la famille al'Cynan pourrait-elle lui tenir rigueur ? Il refoula ces pensées, resserrant ses doigts autour du manche de sa dague.

Peu à peu, une ambiance tribale s'installa, portée par les chants graves et lancinants qui s'élevaient des spectateurs accompagnant des coups de tambours de plus en plus puissants. Ces gens, suspendus aux premiers signes annonciateurs de la joute finale, martelaient le sol ou frappaient dans leurs mains en cadence, comme pour presser le clou du spectacle : les prouesses magiques.

Dans la tribune royale, la reine-mère, le roi, le prince Tarian, Edyrn et Amos, entourés de dignitaires et de nobles, attendaient eux aussi avec une impatience palpable le début de ce duel.

Eärwen et Mezhelan firent finalement leur entrée, sous une salve d'acclamations. Ils s'inclinèrent respectueusement l'un vers l'autre, avant de se mettre en position.

"Bonne chance, Maître Mezhelan." encouragea la magicienne d'un sourire courtois.

"À vous aussi, Dame Eärwen." répondit-il en inclinant légèrement la tête.

Le signal de départ fut donné par le roi, et Eärwen commença par créer une illusion complexe de brume, dissimulant sa position. Des racines surgirent aussitôt du sol, se dirigeant vers son adversaire.

Mezhelan réagit rapidement en invoquant un mur de feu pour les réduire en cendres avant qu'elles ne l'atteignent, puis lança une rafale pour disperser la brume. Il enchaina en faisant apparaître un portail derrière lui et disparut, réapparaissant non loin d'elle, prêt à attaquer.

La femme sembla voir venir la manœuvre et éleva un bouclier de givre juste à temps pour bloquer une boule de feu.

La glace s'évapora au contact des flammes, créant un nuage de vapeur qui obscurcit l'arène.

La foule était en extase, admirant la maîtrise et la stratégie des deux mages.

Profitant de la confusion, Eärwen fit apparaître des clones illusoires d'elle-même, chacun lançant des projectiles gelés.

Difficilement capable de discerner le vrai du faux, Mezhelan créa un tourbillon de vent autour de lui, repoussant les projectiles réels et dissipant les illusions.

"Impressionnant, Maître Mezhelan !" lança Eärwen, sa voix résonnant dans l'arène. Elle tendit les mains vers le ciel, invoquant une pluie de lames glacées.

Mezhelan décida alors de tenter une approche plus directe, estimant que les lames ne tomberaient certainement pas sur la position de l'invocatrice. Il utilisa un portail pour apparaître silencieusement derrière elle et tenta une attaque à la dague, sachant qu'elle ne sentirait pas d'énergie et n'anticiperait probablement pas cette action. Dans cette situation, la magie seule ne suffirait probablement pas à la surprendre.

Mais Eärwen fit surgir immédiatement une paroi de givre entre eux, stoppant son offensive à la dernière seconde.

Le magicien manipula son feu pour fondre la glace, transformant l'eau ainsi obtenue en un fouet aqueux qu'il dirigea contre elle.

Surprise, la magicienne fut momentanément désarçonnée, mais reprit très vite l'ascendant sur l'attaque, regagnant peu à peu le contrôle de son élément.

Mezhelan avait conscience qu'il n'aurait jamais le dessus sur ce terrain et abandonna la résistance pour combiner feu et vent, créant rapidement une saisissante tornade de flammes qui s'éleva dans les airs, en vaporisant toute présence d'eau autour d'eux.

Eärwen fit un pas en arrière en levant les yeux au ciel. Une trace de peur traversa son regard tandis que ses cheveux argentés flottaient au vent. Elle contre-attaqua en invoquant soudainement une vague démesurée qui s'abattit lourdement sur lui, éteignant les flammes et trempant le malheureux de la tête aux pieds.

La scène incongrue amorça des rires dans la foule.

Le mage était parvenu à se maintenir sur ses jambes malgré la force en jeu, et un léger plissement au coin de ses lèvres trahissait une stupéfaction amusée : "Bien joué." admit-il en s'essuyant le visage, préparant déjà la prochaine offensive. Il façonna des lances glacées, grâce à l'eau désormais abondante, et les projeta vers sa cible.

Eärwen se mit à courir pour esquiver sans perdre de temps, créant de multiples copies d'elle-même sur son passage.

Mezhelan ferma les yeux un instant, se concentrant intensément sur les flux magiques, et repéra la vraie parmi les clones. Il ouvrit un portail juste devant elle pour en ressortir. L'humidité ambiante compliqua énormément la création de la nouvelle boule de feu qu'il expédia sur elle. L'admiration qu'il ressentait pour sa puissance était mélangée à une frustration tenace.

Encore une fois, Eärwen utilisa l'eau pour éteindre les flammes, neutralisant efficacement son élément.

Vu les circonstances, il paraissait évident à Mezhelan qu'il venait de perdre son allié privilégié dans ce duel : 'Son eau est ingérable… Et moi ? Que suis-je sans mon feu ?' pensa-t-il, avant de rapidement repousser cette pensée en multipliant les attaques de vent, son autre allié, ainsi que celles de glace. Il la vit disparaître derrière un large mur de givre pour se mettre à l'abri et esquiva au dernier moment d'autres racines sortant du sol. Courant instinctivement en premier lieu, il s'arrêta tandis que les racines lui grimpèrent le long des jambes en l'enserrant fortement. Il savait bien que depuis sa cachette, elle n'avait pas pu voir qu'il s'était laissé prendre volontairement.

La magicienne réapparut du coin du mur avec une légère surprise, mais s'approcha avec une satisfaction certaine : "Vraiment ?" commenta-t-elle.

Mezhelan serra les dents à cause de la pression exercée sur ses jambes. Et il devait absolument garder les mains libres. Il avait conscience de jouer sa dernière carte, mais avait également un sourire étrange lorsqu'il écartait les mains devant lui en faisant un intense effort de visualisation.

Eärwen tomba immédiatement dans le vide, ou plutôt, dans un portail, disparaissant dans les ténèbres.

Il y eut des exclamations immédiates parmi la foule dans les gradins, tout le monde retenait son souffle. Ce n'était ni admiration pure, ni condamnation, mais un mélange troublé des deux.

Envahi d'un mélange de fierté et de soulagement, Mezhelan concentra ensuite son feu au maximum. L'humidité de l'air semblait défier chaque flamme qu'il convoquait. Mais il persista dans un nuage de vapeur d'eau, jusqu'à ce que les racines se tordent lentement sous la chaleur, cuisant à petit feu. Désormais libre, il marcha en direction de l'estrade dominante afin de s'adresser au roi : "Votre Majesté, avec votre accord, je sors de l'arène pour la récupérer."

Ne sachant que dire, le roi hocha légèrement la tête.

Le magicien se téléporta sur le port. Non loin, sa consœur nageait dans la baie, se dirigeant laborieusement vers les rives. Il ne put s'empêcher de s'accroupir pour la taquiner : "L'eau est-elle bonne ?"

Eärwen s'accrocha péniblement aux quais, peinant à remonter, avec une expression contrariée. Puis, elle saisit la main qu'on lui proposait avant d'admettre à son tour : "Bien joué."

Mezhelan dessina une porte, et ils apparurent devant l'estrade royale, main dans la main, maintenant aussi trempés l'un que l'autre.

Après un léger suspense pour les spectateurs, ils commencèrent à saisir ce qui avait pu se passer en voyant leur magicienne réapparaître trempée jusqu'aux os. Et il y eut de nouveaux visages amusés dans le public. Ça ressemblait à une petite vengeance mesquine.

Le roi se leva de son siège, puis tendit le bras en l'air, signalant la fin de la joute. Il déclara l'égalité, remercia les nombreux participants et le public, et finalisa son discours : "Cette dernière joute symbolise ce que nous espérions : une amitié renforcée, forgée dans le respect et l'excellence. Félicitations à nos deux champions."

Les applaudissements retentirent dans les gradins pendant que Mezhelan et Eärwen échangeaient un regard respectueux, empreint de reconnaissance mutuelle. La joute avait non seulement diverti le peuple, mais avait aussi solidement joué son rôle en soulignant la relation qui unissait les deux royaumes.

Les mages retournèrent au cœur de l'arène pour saluer le public, leurs pas sur le sol désormais détrempé, puis s'approchèrent l'un de l'autre en s'inclinant respectueusement.

"C'était un duel très divertissant, Dame Eärwen. J'admets y avoir trouvé un certain plaisir." exprima Mezhelan.

"Le plaisir était partagé, Maître Mezhelan. Vous êtes un adversaire redoutable, mais je vais avoir besoin d'un brin de toilettes par votre faute." répondit-elle en tentant d'arranger ses cheveux.

C'était un rare mélange d'amusement et de moquerie qui se peignait sur le visage de Mezhelan, avant qu'ils ne rejoignent la tribune royale, où la reine-mère et le roi les félicitèrent pour leur prestation.

"Vous avez fait une fantastique démonstration à notre peuple." s'enthousiasma la reine.

Tarian semblait également ravi et félicita de bon cœur : "C'était incroyable. Mon père sera déçu d'avoir manqué ça. Vous nous avez magnifiquement représenté, Maître Mezhelan."

"Merci, Altesse." dit le mage. Ce voyage lui avait par ailleurs permis de mieux connaître et de mieux comprendre le prince, qui était loin d'être aussi terrible qu'il l'avait cru lors de leur première rencontre. Une animosité silencieuse avait grandi pendant des années envers lui, à cause de l'attention particulière que le roi lui portait au détriment de ses propres enfants. Une animosité qui pouvait se comprendre, et qui avait enfin pu être dissipée avec Tarian al'Cynan. Il espérait que les choses s'amélioreraient de même avec sa sœur et son frère aîné, le prince héritier. Mais s'ils ressemblaient tous deux un petit peu à Tarian, alors ce n'était pas impossible.

Le soir, en route vers le palais, ils contemplèrent l'édifice majestueux se détachant dans le manteau de la nuit. Les multiples fenêtres, illuminées par des lanternes et des torches, scintillaient au loin en projetant une lueur dorée sur la ville en contrebas. Leurs reflets lumineux, à la surface des nombreux points d'eau de la capitale, créaient une scène enchanteresse.

À l'arrivée, ils apprécièrent le banquet organisé par la reine-mère en l'honneur des deux mages. Mezhelan et Eärwen, désormais un peu plus que de simples alliés, se promettaient de s'apprendre mutuellement la magie qui intéressait l'autre. L'homme voyait en elle une collaboratrice exceptionnelle, une partenaire de réflexion comme il n'en avait jamais eu.

Prochainement : Amos

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