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Un chuchotis aérien, dans l’ombre de la forêt : « Nabuo ! Nabuo ! » La voix douce d’un ange, portée par les notes éparses, étouffées, d’un shamisen.
« Nabuo ! Nabuo ! »
Qui se retourna et furèta d’un regard curieux, au travers de la dentelle des feuillages.
« Kae, est-ce toi ? Toi que je n’ai pas vu depuis deux lunes ? »
Un petit rire étrange, un mouvement de feuille, un frôlement, comme une farce de Yokai.
Nabuo le samouraï suivit l’écho sensuel de son prénom. Les yeux plein d’étoiles, il se souvint du corps d’ambre de Kae, de son magnifique visage : un joyau dans l’écrin de sa vie.
Il aperçut sa silhouette au travers des écorces, filant jusqu’à la clairière où ils s’aimèrent une nuit, avec tout l’emportement que suppose l’interdit.
Elle l’attendit, la peau nacrée des promesses d’une jeunesse prodigieuse.
« Que tu es belle, Kae ! J’aimerais t’embrasser. Mais pourquoi portes-tu cet étrange voile devant la bouche ?
- Me trouveras-tu toujours aussi belle sans mon voile ?
- Tu es la plus merveilleuse de toutes les femmes, Kae ! Et ta bouche est le plus beau fruit que la terre eût porté. »
Alors Kae, d’un geste aussi lent que minutieux, fit dériver le voile, dévoilant l’immonde cicatrice qui parcourait son visage diaphane.
« Me trouves-tu belle à présent ? demanda Kae en s’avançant vers lui.
Terrorisé, le samouraï crut qu’il s’agissait d’une hallucination, du jeu malsain d’un oni : à peine dégaina-t-il son arme qu’un katana transperça son ventre. Et Kae de sourire au-delà de son visage, ouvrant sa plaie aux odeurs délétères.
Une larme sucrée oscillait dans le charbon de ses yeux.
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