Eauprofonde, Taverne du Portail Béant

Avant d'entrer dans l'établissement de Durnan, Ardan chasse de la main quelques poussières sur son bouclier. L'éclat de son équipement est plus vif encore. À l'image de sa sainte réputation, le paladin prêche par l'exemple : il est persuadé que les gens ressemblent à ce qu'ils sont.

L'entretien fréquent de ses armes et armures est un signe de bonne humeur chez lui. Quand Ardan prend le temps de s'occuper de son matériel, c'est que tout va bien.

Le paladin entre dans la taverne avec un étranger de la même profession, un haut-elfe du nom de Bastian Doraen. Ce dernier est éprouvé depuis plusieurs semaines ; la tranquille assurance d'Ardan ne déteint pas sur lui, son regard attentif montre sa fatigue nerveuse.

Les deux compagnons sortent d'un entretien avec deux Ducs de guerre, où Ardan a reçu l'ordre formel de servir Bastian, en surplus de ses engagements envers l'Alliance des Seigneurs. Comme toutes ses missions, le vertueux Ardan entend accomplir cette tâche particulière avec loyauté.

- Ardan ! s'écrie Durnan. Tu viens me voler un de mes meilleurs clients, je suppose.

- Sous quelle table est-il ? soupire l'homme blond à l'armure brillante, en guise de réponse.

Durnan se détourne, sentant qu'il ne gagnera rien à indiquer où cuve le meilleur compagnon du paladin. Ardan devine la présence de la voleuse dans l'ombre de la salle, la seconde personne qu'il voulait trouver. Mais il ne voit pas encore la première : le nain Urter est-il donc vraiment sous une des tables ?

- Yvoen, demande le paladin à l'elfe silencieuse qui s'est approchée de lui, peut-être pour jauger le poids de la bourse de Bastian. As-tu vu Urter ?

D'une inclination de la tête, la voleuse Yvoen désigne une table avec plusieurs chopes, et un individu en cape de velours sombre. Ardan fait quelques pas, et remarque enfin Urter derrière les récipients vides. Le prêtre nain est ivre mort ; et son compagnon de beuverie, dont la cape dissimule une tête cornue, a un petit sourire en coin.

- Permets-tu que j'emmène mon ami dehors ? fait négligemment Ardan au tieffelin attablé avec lui. Il a besoin de marcher un peu.

- Tu fais ce que tu veux, paladin. Urter n'a plus soif, et il est heureux de me laisser son marteau.

- Tu n'escroqueras pas mon ami, même si c'est un ivrogne, menace Ardan.

- Il faut pourtant qu'il me paie, dit calmement le tieffelin.