Ennemi dans la place
Gérard, toute superbe ravalée, regarde béatement la belle métisse qui vient d’ouvrir la porte. Salima est conforme à sa terre d’origine : l’Île de France. Une francilienne métissée à souhait, père marocain et mère italienne un brin colorée par un voyage de noces « libertin » au Gabon de la grand-mère maternelle. Bien sûr, Gérard n’a pas ces informations. Lui voit une femme élancée, au port de reine, aux cheveux bouclés limite crépus, toujours indociles, à la peau sans pareille et aux yeux de braises, qui le foudroient. Il baisse les yeux.
Salima, croyant que Gérard se repent, laisse sa bonne nature reprendre le dessus.
— Bon, je sais que tu es phobique des chats (haussement du sourcil gauche de Gérard, tête penchée à gauche pour Birm) mais Sushi est un amour. Je ne peux pas te laisser, ne serait-ce qu’envisager de lui faire du mal ! Je peux t’aider ?
Et Salima de parler, demander pourquoi il est là, tout en faisant entrer un Gérard qui a du mal à rester sur ses gardes que ce soit à l’encontre de la femme ou de sa féline compagne. Birm / Sushi suit tout cela avec une délectation notable, surtout sachant ce qui va suivre.
— Je dois remettre un document important au Gênois... Je veux dire, à Mr le Maire.
— Je suis désolée Gérard. Tu sais bien que Didier t’aurait reçu malgré l’heure tardive. C’est un homme attentif aux besoins des habitants du village…Simplement, il est chez Mr le Préfet et ne rentrera pas avant deux bonnes heures.
Entre les louanges à Didier et son absence, Gérard est à deux doigts de s’étrangler de frustration. Birm sent une écœurante odeur de jalousie se répandre autour de lui. Et ses vibrisses frémissent devant la détestation et la rancœur qu’exsudent son ennemi. Doublement ennemi, car ici, il est aussi l’ennemi de ses deux-pattes.
— Je vais te demander de partir maintenant Gérard. Je lui donnerais le dossier demain.
— Non ! … Je veux dire, ne t’embête pas, je vais le déposer sur son bureau en haut de la pile comme ça il le verra au matin.
— Euh, je ne crois pas qu…, essaye d’interrompre Salima
« Mammm… » suivi d’un bong retentissant annonça l’arrivée non maitrisée du deuxième quatre-pattes de la maison.
— Oh, Noam, mon loulou…tu ne t’es pas fait mal, demanda Salima à son rejeton, abandonnant au milieu de la pièce un Gérard qui voit là sa chance.
— Je fonce le déposer dans le bureau et je ressors, dit-il déjà à mi-chemin du couloir.
— Mais Gérard…
Très vite, il ouvre la porte, entre. Il adorerait jeter un œil sur les dossiers mais il aperçoit le reflet jaune de la lune dans les yeux de la créature avancée dans l’embrasure de la porte, et ressort en essayant de lui flanquer un grand coup de pied, puis claque la porte en priant pour que sa queue y reste coincée. Raté !
—Me revoilà. Tu vois, c’était rapide ! Bon, je te laisse, dit-il en reculant. Je vois que tu es très occupée. C’était un plaisir de te voir ! Au revoir.
Birm baisse la queue. Un round de perdu.
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