Une balade en forêt
Après dix minutes de trajet, je m’arrête devant la forêt où j’ai l’habitude de marcher. Même si le lieu est ouvert au public, je me sens chez moi, comme si toute cette végétation m’appartenait. Cela fait maintenant près de dix ans que je viens ici, seule. Aucun ami, aucun amant, ni même aucun membre de ma famille ne m’avait accompagné. Cette forêt est un refuge pour moi, un endroit où je peux m’exprimer tout en restant silencieuse. Un espace où je me sens moi-même, où aucune parcelle de terrain, aucun végétal ni animal ne m’est inconnu. Un lieu où je peux me perdre sans pour autant m’égarer. Cette forêt fait comme partie de moi. Je connais tous ses secrets et mystères. Elle ne me cache rien, tout comme je n’ai rien à lui dissimuler. Je pourrai même aller plus loin, en affirmant qu’elle est moi, et je suis elle.
Une fois encore, je suis perdue dans mes pensées. Je viens de marcher quelques minutes sans faire attention où j’allais, et pourtant je sais exactement où je me trouve. J’admire les arbres, leurs cimes qui commencent à jaunir. Plusieurs espèces de volatiles se trouvent sur les branches, mais beaucoup commencent à se préparer au long voyage qu’est la migration. Certains affirment que l’hiver est triste, que la nature meurt. Mais pour moi elle se transforme, devient plus fragile certes, mais c’est ce qui me pousse à être là pour elle. Je marche, traînant les pieds dans les quelques feuilles mortes orangé et admirant une nouvelle fois la nature vivre autour de moi. Elle s’est habituée à ma présence au fil du temps. Les écureuils s’approchent de moi, les oiseaux me sifflent pour me dire bonjour, les papillons se posent sur mon front.
Les feuilles du script à la main, je croise les bras pour me couvrir de la légère brise qui m’accompagne. J’entends le sifflement de l’air entre les branches, créant une petite mélodie autour de moi. La faible lueur du soleil m’éclaire le visage, réchauffant juste assez ma peau blanche pour faire ressortir mes tâches de rousseur.
Après ma petite randonnée, je décide de m’atteler à la lecture du scénario. L’histoire narre l’aventure d’une femme, vivant dans la pauvreté, et élevant seule ses deux enfants. Le seul moyen de survivre et de protéger les siens est de rejoindre un gang dans une histoire de trafic en masse de plusieurs drogues. Seulement, l’un des enfants meurt, de fatigue et de faim. Elle protège alors le dernier de toutes les menaces extérieures. Le scénario ainsi que les dialogues sont vraiment captivants, mais je ne vois absolument aucune originalité pour le moment. Je poursuis cependant ma lecture, vadrouillant toujours parmi les bois, sans même faire attention au temps qui passe.
Proche de la dernière page, j’entends mon ventre crier famine. Sortie de l’histoire, je rigole en posant ma main sur mon abdomen, le caressant comme pour le calmer. Je jette un œil à l’heure affichée sur mon téléphone. 12H36. Oui, il était temps de rentrer. Je regarde le ciel, le soleil est juste au-dessus de moi, brillant comme à son habitude. Mais des nuages, menaçants, s’avancent vers moi, couvrant progressivement le ciel. L’un d’eux, plus sombre que ses congénères, ressemble fort à un serpent qui remonte cette longue mère de nuage pour parvenir jusqu’à moi. Après avoir observé l’environnement, je me tourne pour faire demi-tour et rejoindre mon véhicule. C’est alors que ma tête commence à tourner. De nature hypoglycémique, je dois régulièrement me remplir le ventre. Mais le rôle que j’ai accepté me demande de m’amincir pour y correspondre physiquement. Je marche alors, quelques minutes passent, et je sens la fatigue me gagner. Ma tête tourne et je m’aide des arbres de la forêt pour progresser. Et c’est en m’appuyant sur un tronc que je m’entaille la main. Inquiète, je regarde l'étendue de la blessure, et ce que je craignais arriva. Je tombe dans les pommes, m’affalant sur un tapis de feuille morte, et perds progressivement connaissance.
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