Fuir à tout prix

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  Tout en fuyant cet horrible endroit, je regarde en arrière pour m'assurer que personne ne me poursuit. Seulement, l’étrange cabane est rapidement recouverte d’une brume épaisse. Je ralentis alors ma course et regarde l’environnement autour de moi. La forêt avait de nouveau changé. Mais cette fois-ci, c’était encore plus étrange. L’air semble être teinté par une lumière bleu turquoise, pâle et sombre, offrant une ambiance nocturne et hivernale, mais aussi mortuaire. Je regarde mon téléphone. Malheureusement, celui-ci ne s’allume plus. Plus de batterie ? Cassé ? Ne pas pouvoir recevoir de l’aide accentue cette sensation de danger. Les arbres nus sont comme abîmés par le temps, recourbés de nouveau vers moi pour m’attraper. Le bois craque au moindre souffle de vent, et l’imposant brouillard recouvre le sol pour entraver ma perception. La boule au ventre et la gorge nouée par la peur et l’angoisse, je m’enfonce prudemment dans ces bois. La brume est moite est poisseuse, je sens la transpiration s’agglutiner sur chaque partie de mon corps.

  Soudain au loin, j’entends la vieille femme rire de vive voix. Un rire sadique qui ne présage absolument rien de positif. Prise de peur je reprends alors ma course, ma vue toujours obstruée par la brume. Je m’enfonce encore, peu à peu dans l’inconnu, mais j'entends encore la femme rire de plus belle. Un coup je l’entends sur ma gauche, rire aux éclats comme si elle venait de me retrouver et je fuis à l'opposé pour m’éloigner. Puis, quelques mètres plus loin, voilà que je l’entends en face de moi. Cette sorcière semble être partout, parfois même au dessus, cachée au milieu des branches, prête à se ruer sur moi comme un vautour vers sa proie sur le point de rendre l’âme. J’ai l’impression de tourner en rond et de me perdre. Ces bois me rendent folle.

  C’est alors que pour la première fois, j’entends un son animal. Puis deux, puis trois. Des oiseaux, des musaraignes, des grenouilles. Il me semble être éloignée du danger et de retrouver la conviavilité que m'offre habituellement mon sanctuaire. Pourtant, j’entends un cours d’eau proche de moi. Ce satané brouillard m’empêche de le percevoir, et j’ai peur de tomber dedans. Je me saisis alors d’une des branches d’un tronc mort et m’en sers comme une canne pour m’aider à avancer. Je perds peu à peu mes sens. La vue, l’ouïe et l’odorat, remplacés par la peur et la folie. Bien que le goût soit lié à l’olfaction, il ne m’est d’aucune utilité. Il ne me reste que le toucher pour m’en sortir. Je tâte le terrain pour me repérer, mais je ne décèle qu’une terre meuble, presque boueuse. J’entends à ce moment une jeune femme pleurer. Inquiète, j’hésite un instant à ce que je dois faire.

  - С помощью…

  Il me semble l’entendre parler au loin. Terrifiée par la situation, je me décide quand même à intervenir.

  - Если вы хотите… Кто-то…

  Je me rapproche peu à peu des gémissements, toujours aider de la branche pour me guider. À travers le brouillard, je perçois une silhouette sombre, affalée par terre. J’entends peu à peu, à mesure que je me rapproche, les pleurs de cette personne. Au son de sa voix, elle semble être une jeune femme d’environ mon âge.

  - Жаль… Пожалуйста, помогите мне…

  Je ne comprends absolument pas ce qu’elle essaye de me dire. Et pourtant, je sais pertinemment qu’elle demande de l’aide. Je m’approche alors, le brouillard se disperse à ma présence, formant un cercle autour de cette personne et moi. Elle est entièrement vêtue d’un voile noir ce qui m’empêche de la discerner. J’arrive néanmoins à percevoir la peau blanche de son nez ainsi que quelques mèches blondes qui dépassent de sa capuche. Même camouflée je me rends compte que cette jeune femme est magnifique. La demoiselle est en pleurs, allongée sur le sol comme si elle venait de se blesser. Je me penche vers elle et lui prend le bras à travers son châle.

  - Ne vous en faites pas, je vais vous aider.

  Elle hoche la tête comme pour me remercier et s’appuie sur moi pour se relever. C’est alors que sa main glisse délicatement vers la mienne, m’apercevant à ce moment que le corps de la jeune femme est totalement squelettique, en état de décomposition. Au moment de ma stupeur, l’inconnu m’empoigne la main avec une force telle que je me retrouve à sa merci. Elle se retourne rapidement vers moi, me choppe à la gorge comme un vulgaire animal, ses ongles longs et tranchants se plantent légèrement dans ma nuque, et son visage se rapproche à seulement quelques centimètres du mien. Je remarque alors avec effroi que l’inconnue qui était jusque ici une jeune femme blonde à l’apparence juvénile, était en fait une créature hideuse et cadavérique, ne possédant qu’un seul œil au centre de son visage et où la peau semble s’être décomposée depuis plusieurs centaine d’années. Ce globe oculaire immense me fixe sans pouvoir cligner des paupières, et la mâchoire, tremblante, retenue par quelques tendons, se referme de manière irrégulièrement pour faire claquer ses dents. La créature se rapproche dangereusement de moi, prends une grande inspiration et me jette d’une voix d’outre tombe :

- Будь ты проклят, что перешел мне дорогу. Я предлагаю тебе шесть несчастий, которые постигнут тебя до рассвета !

  La créature claque alors six fois des dents, lâchant à chaque fois un nuage de poussière infecte et colorée. Je tente désespérément de retenir ma respiration, mais son emprise me pousse à inspirer ce qu’elle me crache. Je suis terrorisée. Je sens ses ongles froids dans mon corps s’enfoncer lentement, comme les crocs d’un serpent qui déversent son venin. Malgré le visage décharné, la créature semble sourire de la torture qu’elle me fait subir. Elle se relève, me soulevant par la même occasion, avant de me jeter quelques mètres plus loin avec une force prodigieuse, et j'atterris douloureusement. Lorsque je regarde dans sa direction, la monstruosité me fixe sans bouger, lévitant au-dessus du sol, totalement enveloppé dans son vêtement à l’exception de sa tête, les cheveux flottant comme des algues marines. J’entends alors chuchoter, autour de moi, en moi, je ne sais pas. Mais quelque chose m’incite à m’enfuir de là. Plus je fixe la créature, plus elle semble me sourire sadiquement. Mais à aucun moment elle n’a l'intention de m’attaquer. Elle incarne le mauvais œil.

  Dans un silence, je recule pour garder le cyclope en vue, la main sur mon cou lacéré, avant de me retourner et de courir dans la direction inverse. Un rire obscène résonne dans la forêt, ou c’est peut être mon imagination qui me rend folle. Mais après seulement quelques mètres, mon endurance me lâche et je me retrouve à marcher dans cette forêt lugubre. Le brouillard est revenu, s’accrochant à mes vêtements, à ma peau, à ma cheville. Non. La sensation accompagnée d’un tremblement et d’un bruit de terre est tout autre chose. Je sens que quelque chose me tire en arrière, ou plutôt en dessous. Je regarde à mes pieds et aperçois la tête d’un cadavre sortir du sol et se rapprocher dangereusement de mon mollet. Ses dents pourries liées par la bave et la chair des gencives putréfiées tentent dans un râle de se planter dans ma jambe. Paniqué, je crie tout en piétinant son bras et sa tête de sorte à ce qu’il me lâche. Son crâne, aussi flasque que de la gelée, éjecte sous mes coups ses yeux de ses orbites. Ce qui semble être une goule se retrouve baignée dans son propre sang noir, un liquide plus visqueux que le notre, semblable à de la sève. Mais je n’ai pas le temps de souffler que ses confrères semblent rappliquer. Autour de moi surgit dans un bruissement, un troupeau de ses créatures. Les voilà qui sortent de la terre, des arbres morts ou encore au fin fond de la forêt. Ils semblent se multiplier, leurs yeux jaunes traversant l’épais brouillard. Mais contrairement au premier, leur vitesse semble plus rapide. À l’instar des fauves, ils m’encerclent, s’avançant près de moi pour m’orienter vers une direction. Comme des prédateurs prêts à fondre sur moi, je recule lentement, évitant tous gestes brusques, les mains devant pour instaurer une distance et me défendre.

  - Tout doux. On se calme.

  Comme s’ils allaient m’entendre. Ou même me comprendre, ce ne sont pas des chiens. Mais au moment où je décide de prendre la fuite, le sol s'affaisse sous mes pieds et je dévale une pente sur plusieurs mètres en me cognant à divers obstacles. Les goules ne lâchent pas l’affaire et se ruent à ma poursuite, grognant et aboyant comme des animaux. Je me relève difficilement, les jambes tremblantes par la peur et la fatigue. Et au moment où je pense que tout est fini, je les vois ralentir. Les créatures semblent effrayées, conscientes qu'elles ne sont plus sur leur territoire, et que quelque chose de bien plus dangereux se trouve dans les environs. J’entends alors le bois craquer, comme si les branches d’un arbre se meuvent pour s’étirer et s’emparer de quelque chose. Ou de quelqu’un. Je me retourne et je découvre quatre grands bras se déployer comme une araignée, ainsi que deux cornes protubérantes émerger de ce qui semble être un lac. Je n’ai pas le temps de comprendre ce qu’il se passe que deux des bras m’agrippent et m’emportent loin de la rive. J’essaye de me débattre, je lui hurle de me lâcher, mais rien à faire. Je pleure et je commence à prier pour que Dieu me vienne en aide. Je n’ai plus la force de me battre et je le laisse peu à peu m’entraîner vers le fond, sans même prendre la peine de retenir ma respiration. Et je m’évanouie.

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