Chapitre 1 / L'appel de l'obscurité
La pièce qui servait de bureau à Atsuko Sugiyama était son sanctuaire, imprégné de l'essence de ses enquêtes passées et des secrets révélés. La décoration sobre et fonctionnelle reflétait l'esprit ordonné de la détective, où chaque objet avait son importance, sa place et chaque dossier était soigneusement classé.
Le bureau en bois sombre, massif, trônait au centre de la pièce. Son plateau usé par le temps portait les stigmates de nombreuses heures passées à étudier des affaires complexes. Chaque éraflure racontait une histoire. Sur le dessus, un encrier en céramique était posé à côté d'un carnet de notes élimé, témoins silencieux de ses réflexions et de ses pensées les plus intimes.
Une étagère en chêne occupait l'un des murs, sur toute sa longueur, chargée de dossiers soigneusement alignés. Chacun d'entre eux renfermait les détails minutieux d'une affaire passée, des notes manuscrites, passant de photographies en rapports d'investigation. Des piles de livres sur la criminalité et la psychologie humaine étaient empilées à côté, prêtes à être consultées à tout moment.
Derrière le bureau, un tableau de liège recouvrait une partie du mur, couvert de photographies, de notes et de cartes épinglées avec soin. C'était là qu'Atsuko traçait les liens entre les différents éléments de ses enquêtes, reliant les indices pour former une image cohérente de la vérité cachée.
L'atmosphère de la pièce était empreinte d'une tension palpable, comme si chaque objet renfermait un secret bien gardé. Le silence était seulement troublé par le tic-tac régulier d'une horloge ancienne, accrochée au mur et marquant le passage inexorable du temps.
Dans ce sanctuaire de l'obscurité, Atsuko se sentait à l’aise. Comme si elle était en communion avec les mystères qui peuplaient la ville de Kyoto. C'était ici, dans cet espace chargé d'histoire, qu'elle trouvait la force et la détermination nécessaires pour affronter les ombres qui la guettaient dans les ruelles de la ville.
Assise derrière son bureau, Atsuko contemplait la ville de Kyoto engloutie par la nuit, les lumières des néons dansant dans les reflets des flaques d'eau.
Atsuko était une femme énigmatique, aux traits fins et au regard perçant, qui avait choisi une voie hors des sentiers battus. Elle avait troqué son passé trouble de tueuse à gage pour devenir détective privée, préférant traquer la vérité plutôt que les vies. Mais les ombres de son passé ne cessaient de la hanter, comme des spectres insaisissables qui planaient dans les recoins les plus sombres de son esprit.
Son bureau était à son image : ascétique et efficace.
Le téléphone sonna, interrompant le silence pesant de la pièce. D'un geste vif, Atsuko décrocha, son visage impassible ne laissant rien transparaître de l'émotion qui la saisissait à chaque appel.
"Atsuko Sugiyama à votre écoute," annonça-t-elle d'une voix calme mais déterminée.
À l'autre bout du fil, une voix tremblante et fébrile l'informa de la disparition de la geisha, Miyū, qui était une figure emblématique du quartier dont la présence rayonnait à chaque apparition.
Selon les premières informations téléphoniques, elle avait été vue pour la dernière fois quittant la maison de thé où elle travaillait habituellement, dans le quartier de Gion, aux alentours de minuit la nuit dernière. Elle avait été aperçue marchant d'un pas pressé, comme si elle était préoccupée par quelque chose. Miyū n'était pas du genre à disparaître ainsi sans laisser de trace. Réputée pour sa discipline et sa ponctualité, elle avait toujours été présente à ses engagements professionnels et n'avait jamais fait défaut à ses obligations. Sa disparition soudaine semblait donc être un événement totalement inattendu.
La personne à l’autre bout du fil n’avait pas plus d’informations, et demandait l’aide de la détective en précisant que la police ne prenait pas au sérieux cette disparition : « il faut attendre 48heures pour déclarer quelqu’un disparu. ».
Suite à cet appel Atsuko Sugiyama se leva et claqua la porte de son bureau.
La pluie avait cessé, mais une fine brume enveloppait toujours les rues pavées de Gion, conférant à l'atmosphère une drôle d’aura.
Arpentant les ruelles étroites du quartier, Atsuko marchait d'un pas décidé, son manteau sombre flottant derrière elle tel un manteau de noirceur. Son esprit était en ébullition, son intuition lui soufflant que la maison de thé où Miyū avait été vue pour la dernière fois détenait les réponses qu'elle cherchait.
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