Chapitre 10 / Née du chaos
Alors qu'Atsuko feuilletait le carnet, ses pensées la ramenèrent involontairement vers son passé tourmenté.
Dans les méandres du temps, le souvenir de cette nuit funeste était gravé dans l'esprit d'Atsuko comme une blessure béante, impossible à refermer. Elle se revoyait enfant, innocente et insouciante, alors que le crépuscule engloutissait lentement le ciel de Kyoto.
Elle se souvenait du silence qui avait précédé l'horreur, de l'atmosphère lourde de tension qui planait dans l'air. Puis, tout avait basculé. Elle revoyait encore les flammes dévorant les demeures ancestrales du clan Sugiyama, les cris de terreur qui résonnaient dans la nuit, le goût âcre de la vengeance qui lui brûlait les entrailles. Elle se rappelait chaque détail avec une précision cruelle, chaque visage disparu gravé dans sa mémoire comme une cicatrice indélébile.
Des hommes armés de katanas et de fusils d'assaut avaient envahi leur lieu de vie, réduisant tout sur leur passage en un tourbillon de violence et de destruction.
Les cris de terreur de sa famille résonnaient encore dans ses oreilles, déchirant le voile de la nuit. Atsuko avait assisté, impuissante, à la chute de ce qu’elle avait toujours connu, de ses parents, ses frères, ses amis... Tous emportés par la folie meurtrière de leurs assaillants.
Atsuko se revoyait s'enfuir, traquée par l'ombre de la mort, pieds nus, martelant le sol gelé de la nuit. Elle avait couru, loin de la tragédie qui avait englouti sa famille, loin des flammes dévorantes qui avaient consumé sa vie.
Une guerre de clan, une trahison funèbre et destructrice.
Depuis ce jour maudit, Atsuko avait vécu dans l'ombre, une fugitive condamnée à errer dans les ruelles sombres de la ville, toujours sur le qui-vive, toujours prête à affronter les démons de son passé. Elle avait juré d’un jour venger les siens, de faire payer ceux qui avaient osé s'en prendre à sa famille, mais chaque jour qui passait lui rappelait la cruauté implacable du destin.
Les souvenirs de cette nuit fatale étaient intimement liés à un autre aspect sombre de la vie d'Atsuko : son entraînement impitoyable au combat depuis son plus jeune âge. Après la suppression de son clan, elle avait été recueillie par un ancien membre de la pègre japonaise, un homme mystérieux et taciturne qui avait vu en elle un potentiel inexploité.
Dès lors, Atsuko avait été plongée dans un monde d'ombres et de secrets, un monde où seuls les plus forts survivaient. Sous la tutelle de son mentor, elle avait appris l'art du combat à mains nues et armée, perfectionnant ses compétences avec une détermination sans faille. Chaque coup, chaque mouvement, était exécuté avec une précision mortelle, son corps devenant une arme.
Et puis, il y avait eu ses débuts en tant que tueuse à gages, une transition brutale dans un monde où la richesse était synonyme de longévité. Sous le nom d'emprunt d’Adauchi (vengeance), elle avait parcouru les rues sombres de Kyoto, traquant ses cibles avec une détermination implacable. Chaque mission était une épreuve de courage et de sang-froid, chaque mort un poids sur sa conscience déjà tourmentée.
Mais malgré la noirceur de son existence, Atsuko avait trouvé un certain réconfort dans les ténèbres qui l'entouraient. Le combat était devenu son refuge, sa seule échappatoire face à un monde qui semblait déterminé à la détruire. Chaque victoire, chaque adversaire vaincu, était une affirmation de sa force et de sa détermination à survivre, contre vents et marées.
Maintenant, alors qu'elle se tenait devant le carnet révélateur, les souvenirs de ses années passées à parcourir les rues de Kyoto la hantaient de nouveau. Elle se souvenait de chaque vie qu'elle avait prise, de chaque âme qu'elle avait condamnée à l'oubli. Mais malgré le poids du passé qui pesait sur ses épaules, Atsuko savait qu'elle ne pouvait pas reculer. Elle devait affronter les démons qui la poursuivaient, si elle voulait un jour trouver la rédemption qu'elle cherchait désespérément.
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