Chapitre 14 / Les fossoyeurs de la pensée

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La forêt de Kyoto se dressait sombre et imposante devant Atsuko et James McAllister alors qu'ils avançaient entre les arbres centenaires, suivant l’intuition de la japonaise. Dans le carnet il était mention de l’emplacement du clan Sugiyama. Aucuns détail précis sur le lieu en question mais Atsuko faisait face aux méandres de ses souvenirs d’enfance. Chaque bruissement de feuille semblait murmurer des sorts oubliés, des malédictions et chaque rayon de lumière filtrant à travers le feuillage évoquait des souvenirs d'un temps révolu.

Atsuko sentait le poids des années s'abattre sur ses épaules alors qu'elle avançait dans la forêt, ses pas lourds de la mémoire du passé. C'était ici, parmi les arbres majestueux et les rivières aux paisibles murmures, que se dressait autrefois le domaine du clan Sugiyama, son clan, sa famille autrefois puissante qui régnait en maître sur ces terres.

Chaque pas la rapprochait un peu plus de la vérité qu'elle avait longtemps cherché à enterrer, une vérité qui la hantait comme un spectre invisible. Les souvenirs d'un passé qu'elle aurait préféré oublier remontaient à la surface, laissant derrière eux un goût amer dans sa bouche. Elle se rappelait les jours heureux de son enfance, lorsque les rires résonnaient dans les salles de la demeure familial, lorsque le futur semblait brillant et plein de promesses. Mais ces jours-là étaient révolus, engloutis par les flammes de la trahison.

Fantôme de l’âme. Les souvenirs frelatés disparaissent dans ce cimetière où les fossoyeurs de la pensée meurs les uns après les autres.

Alors qu'ils avançaient, James observait silencieusement la détresse qui grandissait sur le visage d'Atsuko, une détresse qu'elle tentait désespérément de dissimuler derrière un masque d'indifférence. Il savait que cette aventure la torturait, que chaque pas la rapprochait un peu plus du gouffre de son passé tourmenté.

Lorsqu’ils arrivèrent enfin, l’endroit qui fut le cœur battant du clan Sugiyama, un domaine luxuriant où le pouvoir et l'influence s'étendaient comme une toile tissée avec soin, il ne restait que des vestiges de la grandeur passée. Les bâtiments autrefois majestueux étaient réduits à des ruines silencieuses, des témoins muets des événements tragiques qui s'étaient déroulés autrefois entre ces murs. Les colonnes de pierre s'élevaient vers le ciel, leurs silhouettes décrépites se dressait comme des fantômes figés dans le temps.

La végétation avait repris ses droits sur les lieux, recouvrant les murs sous un tapis de verdure luxuriante. Les herbes folles poussaient entre les pierres fissurées, les racines des arbres s'enroulaient autour des colonnes comme des serpents étouffants.

Chaque coin de la forêt semblait imprégné de l'histoire tumultueuse du clan Sugiyama, chaque brin d'herbe portait les cicatrices invisibles des batailles passées. Atsuko avait la gorge nouée. Les images de cette nuit là lui revenaient par volées. Pour elle, cet endroit n'était pas seulement un lieu chargé d'histoire, mais aussi le reflet de son propre passé tourmenté. Chaque pierre, chaque arbre semblait lui rappeler les erreurs et les tragédies qui avaient marqué sa vie, les choix difficiles qu'elle avait dû faire pour survivre dans un monde impitoyable.

James observait Atsuko avec une attention religieuse alors qu'ils progressaient à travers les vestiges du domaine des Sugiyama. Son regard scrutait les expressions fugitives qui traversaient le visage d'Atsuko, cherchant à percer le voile de son masque pour découvrir les tourments qui se cachaient en dessous.

Il remarqua la tension qui crispait les muscles de ses épaules, les lignes de soucis qui creusaient son front pale, les lueurs fugaces de douleur qui assombrissaient ses yeux lorsqu'elle posait son regard sur les ruines qui les entouraient. C'était comme si chaque pierre, chaque colonne ébréchée ravivait les cicatrices invisibles de son âme tourmentée.

Pourtant, malgré la détresse qui semblait la consumer, James pouvait percevoir une lueur dans les yeux d'Atsuko, une force intérieure qui la poussait à continuer malgré les obstacles. C'était cette détermination qui l'avait attiré vers elle, qui l'avait convaincu de rester à ses côtés dans sa affaire.

Alors qu'elle se frayait un chemin à travers les vestiges, les souvenirs de la vengeance qu'elle avait mené avec tant d'ardeur lui revinrent. Elle se revoyait, jeune et impétueuse, suivant la piste des traîtres avec une détermination sans faille, une fureur brûlante pulsant dans ses veines à chaque pas. Mais malgré tous ses efforts, malgré les années passées à chercher justice, elle n'avait jamais réussi à découvrir qui avait mené l'attaque contre les Sugiyama. Elle n’arrivait pas a se souvenir, comme si le traumatisme en avait scellé le nom.

Pourtant, alors qu'elle se tenait maintenant parmi les ruines du domaine familial, ce fameux nom lui revint soudainement à l’esprit comme une bête insaisissable dans les recoins les plus sombres de son être.

C'était le nom du conseiller le plus proche du chef du clan, un homme autrefois respecté et craint pour sa sagesse et son influence. Un homme dont la trahison avait scellé le destin tragique des Sugiyama, précipitant leur chute inexorable dans les abysses de la désolation.

Atsuko ressentit une onde de colère la traverser alors qu'elle prononçait ce nom maudit dans le silence de la forêt. Elle savait maintenant qui était responsable de la destruction de son clan, qui avait semé les graines du chaos qui avaient englouti sa famille tout entière.

« Ryuzo Tanashi »

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