Chapitre 18 / La geisha oubliée
Alors qu'ils parcouraient les rues sombres de la ville, le silence pesait dans la voiture de l’ancienne tueuse. James observait Atsuko avec une intensité particulière, ses yeux scrutant chaque mouvements et détails, chaque expression sur son visage. Il avait toujours été intrigué par cette femme énigmatique, mais maintenant, alors qu'il était plongé au cœur de ses plus lourds secrets, il ne pouvait s'empêcher de ressentir une admiration mêlée à un sentiment étrange qu’il ne parvenait à expliquer.
Atsuko, de son côté, conduisait avec ses mains fermement agrippées au volant. Elle avait l'air impénétrable, mais James pouvait voir une lueur d'émotion dans ses yeux sombres.
Les rues désertes défilaient autour d'eux, leurs lumières scintillantes jetant des reflets fantomatiques sur le pare-brise de la voiture. À l'intérieur, l'ambiance était électrique.
« Adauchi était mon nom d’emprunt », expliqua Atsuko d'une voix pleine de remords, son regard fixé sur la route devant elle. « C'était le nom que j'utilisais dans mon ancienne vie, lorsque j'étais impliquée dans des affaires plus... sombres. »
James observait sa coéquipière intensément. Ses yeux bleus, en écharpe de glace, ne parvenaient pas à se défaire d’elle tandis qu’elle continuait ses confessions et le sens de ce nom.
"Adauchi..." répéta-t-il, laissant le nom rouler sur sa langue comme s'il cherchait à en saisir le sens caché.
Assise à l'arrière de la voiture, Miyū ressentait une pluralité d'émotions. La peur, d'abord, avait engourdi ses membres, la laissant figée dans un état de choc alors qu'elle revivait les moments terrifiants de son enlèvement. Mais cette peur avait cédé la place à une détermination farouche.
Pourtant, même au milieu de tous ces ressentiments, Miyū était confuse. La voila qui se retrouvait à devoir confier sa vie à deux inconnus : un américain froid et une femme encore plus froide dont elle ne connaissait que le nom qu’elle revissait pour tuer. Le trio gagnant…
Malgré tout la geisha était soulagée. Son enfer semblait s’adoucir.
***
Le bâtiment, situé dans un quartier discret de la ville, se dressait devant eux, ses murs de briques ternes dissimulant les secrets qui se cachaient à l'intérieur.
Atsuko coupa le moteur de la voiture, jeta un regard rapide à Miyū, puis descendit de la voiture suivi de James et de la geisha. Leurs pas résonnant à l’intérieur du bâtiment, l'atmosphère était calme, mais teintée d'une énergie puissante, comme si le lieu lui-même palpitait d'une vie propre.
Atsuko conduisit ses compagnons à travers le dédale de couloirs et d'escaliers qui menaient à son bureau, leurs ombres dansant sur les murs alors qu'ils avançaient. À chaque pas, Miyū sentait son cœur battre un peu plus fort alors qu’ils s’approchaient de leur destination. C’est ainsi qu’elle connu enfin l’identité de la japonaise qu’elle suivait, en lisant les lettres sur la porte que déverrouillait Atsuko Sugiyama. Ça lui fit le même effet qu’un coup de poing donné en plein visage. Elle connaissait ce nom. Toutes les pièces du puzzle s’assemblaient dans son esprit pendant qu’elle entrait dans l’appartement qui servait également de bureau. Miyū fit volte-face.
« Sugiyama. Ce n’est pas possible. Mais oui c’est pour ça qu’ils vous cherchent ! »
Les deux privés se regardèrent, incrédules tandis que la jeune femme reprenait. « J’ai surpris un jour un homme qui parlait à une des geisha de la maison de thé. Il disait qu’il était furieux parce que son patron avait une piste sur la survivante du clan Sugiyama. », Miyū débitait des phrases avec une nouvelle lueur dans le regard. L’adrénaline l’engouait.
« À l’époque je travaillais sur une thèse de doctorat portant sur l'histoire et la culture des geishas à Kyoto », reprit-elle. « J'ai découvert des documents et des témoignages qui semblaient indiquer l'existence d'un carnet secret, renfermant des informations sensibles sur l'histoire de certaines geishas et leurs liens avec la pègre mais pas du tout à fait. Le carnet en question était le journal d’un geisha travaillant pour le clan Sugiyama. Je l’ai complétait avec mes propres recherches. »
Elle marqua une pause, cherchant à mesurer la réaction de ses interlocuteurs avant de poursuivre.
« Il semble que certains éléments de la pègre aient été mis au courant de mes recherches », continua-t-elle, sa voix légèrement tremblante. « Ils ont dut m’enlever pour récupérer le carnet et faire taire toute personne ayant eu connaissance de son existence. »
Elle baissa les yeux, se sentant submergée par l'ampleur de la situation. Mais la présence d'Atsuko et de James lui offrait un certain réconfort, lui donnant la force de continuer à partager son histoire.
« Je ne savais pas à quel point cela était dangereux jusqu'à présent », avoua-t-elle faiblement.
Le regard d'Atsuko s'assombrit légèrement alors qu'elle écoutait les paroles de Miyū. Elle se sentait responsable des malheurs que la jeune femme enduraient. Elle resta silencieuse un instant, laissant les mots de Miyū résonner dans l'air chargé d'émotion du bureau. Puis, elle prit la parole.
« Je suis désolée de ce qui vous est arrivé, Miyū »
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