Le Boyau

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Résumé des chapitres précédents : Franck est un spéléologue spécialisé dans les explorations dangereuses. Il a été sollicité par son ancienne compagne Marie pour sécuriser une grotte dans la mine de Naïca au Mexique.

L’ascenseur grillagé descendait dans le conduit. L’objectif était clair : cartographier la cavité pour identifier les éventuels risques d’effondrement et ressortir au plus vite. Franck transpirait sous sa combinaison étanche. Dans moins d’une minute, ils seraient sur place. Autour de lui, méconnaissables derrière les masques de leurs combinaisons orange, Marie, Miguel, un des responsables des galeries de la mine, Juan, un expert en cristallographie, et Julie, une jeune ingénieure en matériaux. L’ascenseur industriel s’arrêta sèchement au bout de sa course. Sobrement éclairée par des ampoules jaunes faiblardes, la galerie s’enfonçait dans la terre. Comme le forage était récent, les aménagements devenaient de plus en plus rustiques à mesure qu'ils avançaient dans le tunnel. Le bruit environnant était impressionnant malgré l'atténuation des casques. L'air résonnait d'un brouhaha indistinct, généré par le ronronnement des pompes, les respirateurs des combinaisons et les cliquetis lointains du matériel minier. L'ambiance était tout sauf intimiste.

Un projecteur éclairait l’entrée de la géode. Franck pénétra le premier dans l’époustouflante formation minérale, où chacun de ses mouvements balayait les parois du faisceau de sa lampe frontale : les cristaux étaient partout. Le groupe avançait en enjambant des formations titanesques, entre une transparence parfaite et une couleur laiteuse selon les angles. Arrivés à ce qui semblait être le fond de la géode, un nouveau passage se révéla. Un boyau étroit et profond, à peine cinquante centimètres de diamètre, du genre de ceux dont les spéléologues se méfient. Franck avait connu bien pire lors de ses précédentes explorations, pourtant traverser celui-ci serait problématique : les parois étaient recouvertes de pointes tranchantes comme des rasoirs. Dans la radio, Franck entendit la voix de Marie qui grésillait légèrement.

  • Je vais chercher des tapis, on va voir ce qu’il y a là-dedans.

Il y décela un enthousiasme qu’il connaissait bien. Elle ne reculerait pas.

***

Allongé sur le ventre, protégé par les épais tapis étendus sur les pointes des cristaux acérées, Franck progressait doucement dans le tunnel. Malgré toutes ses précautions, il entendit plusieurs fois son casque crisser contre le plafond aux aspérités tranchantes. Le spécialiste se contorsionna pendant une dizaine de mètres environ pour déboucher dans une toute nouvelle salle. Au bout de la corde derrière lui, Miguel avançait lentement. Lorsqu'il émergea par l'ouverture, Franck resta bouche bée face au spectacle stupéfiant qui s’offrait à lui. En dehors de la lueur de sa lampe frontale, c’était le noir absolu. La clarté des projecteurs de la salle principale parvenait faiblement par le tunnel, sans réussir toutefois à percer l’obscurité de la nouvelle cavité.

Cette seconde salle était haute de plafond, probablement plus de dix mètres. Contrairement à la croissance anarchique de la première salle, les cristaux des parois formaient ici un tapis continu et homogène de petites pointes brillantes. Le sol de la cavité évoquait une dalle de verre laiteuse. En son centre, une monumentale colonne triangulaire s'élevait depuis sol et se perdait dans l'obscurité au dessus d'eux. Elle avait la géométrie d'un prisme parfait, de près de trois mètres de côté, dont chaque face était anormalement lisse, d’une finition quasi surnaturelle. Après leur avoir passé les sacs de matériel, Juan l’expert cristallographe leur emboîta le pas. Sa réaction fut de la même teneur face au pilier monolithique : « Espléndido ».

Julie se faufila sans difficulté à travers le boyau, puis Marie s’engagea à son tour. Miguel, le spécialiste des galeries minières, s'agitait. Franck l’entendait dans la radio échanger des phrases à un rythme incompréhensible avec l’équipe restée dehors. Bien qu’il n’en comprît pas le contenu, le ton du mineur était clairement inquieté. Sans signal précurseur, un craquement sec se fit entendre.

  • ¡Sal de ahí rápido Marie!

L’ordre était sans équivoque, il y avait danger. Marie accéléra dans le boyau. Encore deux mètres et elle serait avec eux. Un autre craquement retentit, Marie se figea, terrorisée.

  • Ça se fissure de partout Franck, sors-moi de là !

Il eut juste le temps d’attraper ses bras et de plonger en arrière avant que le boyau ne s’effondre. Tous s’attendaient à ce que la grotte cède à son tour, sonnant la fin de l’expédition. Voire la fin tout court. Il se recroquevillèrent en position de sécurité, prêts à recevoir à une avalanche de pierres sur leurs casques. Pourtant le calme revint rapidement. Les faisceaux des lampes frontales striaient un nuage de poussière volante au volutes apaisées. Franck se massa le coccyx, malmené par sa chute. La respiration rapide et profonde de Marie saturait la radio grésillante, tandis que Juan marmonnait quelque chose qui s’apparentait à une prière. Le groupe était pris au piège, dans une grotte inexplorée, au fin fond d’une mine mexicaine. La voûte tenait encore bon. Mais pour combien de temps ?

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