L'Espion

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Résumé des chapitres précédents : Juan, Miguel, Franck, Julie et Marie faisaient partie d'une expédition qui visait à sécuriser une grotte dans une mine. Suite à un effondrement, ils ont émergé dans un désert inconnu. Après avoir perdu connaissance, ils se sont réveillés dans un village de montagne. Les habitants y parlent une langue inconnue et cet endroit est bercé par le cycle de deux soleils. Par un concours de circonstances obscur, Julie a appris la langue locale. Le groupe s'est fait capturer par des soldats chevauchant des griffons, qui les ont emmenés vers une forteresse. Julie ayant résisté à plusieurs interrogatoires par le seigneur des lieux, Marie se fait emmener à son tour.


Tandis que le jour baissait, les prisonniers entendirent enfin revenir les deux femmes, escortées par plusieurs soldats. Lorsqu'elles apparurent dans le cercle de lumière de la torche du couloir, la scène les horrifia. Marie était couverte d’ecchymoses et d'éraflures et Julie se laissait traîner, inconsciente.

Juan se précipita auprès de Marie qui s'effondra en gémissant. Elle avait les dents couvertes de sang et la lèvre ouverte. Son arcade sourcilière était bleue, elle respirait avec difficulté. Julie se réveilla quelques minutes plus tard en hurlant et pleurant. Elle avança à quatre pattes vers Marie toujours allongée, incapable de bouger.

- Je suis désolée Marie, se lamentait-elle en oscillant d'avant en arrière, traumatisée, je suis désolée, répétait-elle en lui tenant la main

Face à la résistance de la jeune femme aux interrogatoires, leurs geôliers avaient entrepris de malmener Marie pour briser les barrières de Julie, qui avait fini par craquer. L'inquisiteur en avait profité pour lui remplir la tête d'images horribles de gens torturés et brûlés vifs, par pur sadisme. Les visions ne limitaient pas aux images, les détails des scènes qu'il lui avait fait subir allaient jusqu'à l'odeur de chair brûlée. Julie ne décrocha pas un mot pendant plusieurs jours, les yeux dans le vide. Franck avait également de la peine à bouger, très affaibli par la fièvre. Le groupe faisait peine à voir.

Après deux semaines d'absence totale d'événement, un personnage inhabituel entra dans le bloc de cellules, brisant la monotonie de l'enfermement. Il vint se planter en clopinant devant leur grille. Le visiteur inattendu contrôlait nerveusement autour de lui, comme s'il craignait d'avoir été suivi ou découvert. Il ne portait pas la tenue des soldats, et s'apparentait plutôt à une sorte d'intendant, voire un domestique. Il fit tinter un objet métallique contre les barreaux de la geôle pour attirer leur attention.

- Hé, vous dans la fellule, chuchota-t-il avec un défaut de prononciation marqué

Aucun ne sut comment réagir, Julie était de toute façon la seule à pouvoir lui répondre.

- Est-fe que vous me comprenez ? demanda-t-il

- Oui, je vous comprends, répondit Julie en se levant péniblement, mais vous devez déjà le savoir. Elle s'approcha de la grille, il manquait quelques dents au pauvre hère.

- Ve fais que vous vavez été interrovés, est-fe que vous pouvez me dire fe qu'ils voulaient favoir ? Le bougre paraissait un peu simplet

- En quoi cela vous intéresse-t-il ? Demandez donc à ceux qui l'ont fait ! refusa Julie et s'éloignant de la porte

- Dites-le moi, et ve vous vaiderai

- Pourquoi est-ce que je vous croirais ? Vos congénères n'ont pas été franchement sympathiques avec nous

- Des perfonnes puiffantes aiment favoir fe qui fe paffe dans fette fortereffe et tout le monde f'intéreffe à vous, f'est mon rôle de leur dire

- Vous nous aiderez vraiment à sortir d'ici ? demanda Julie sur un ton un peu plus sympathique

- Moi ve ne peux pas, non, dit-il en secouant la tête

- Du coup, quel intérêt pour nous de vous parler ? se résigna-t-elle

- Felui qui me paye, lui, peut vous faire fortir

- Qui vous paye ?

Le simplet marqua un temps d'arrêt, posant son index sur sa lèvre. La réflexion sembla intense. Il finit par conclure :

- Ve ne peux pas le dire, dit-il en secouant à nouveau la tête

Julie hésita. Elle n'avait pas grand chose à perdre de toute façon, elle exposa rapidement la situation à ses camarades, qui acquiescèrent

- Le maître des lieux, un certain Gidas Ballin, m'a posé des questions sur l'endroit d'où nous venons. Il voulait savoir comment nous faisions pour fabriquer ou faire fonctionner des objets que le guérisseur a vu dans ma tête

- Oh, d'accord, commenta-t-il l'air fasciné. Il prit deux barreaux dans ses mains et fixa Julie, le visage coincé entre les montants de métal

- Ils s'intéressaient surtout à des choses liées à la guerre et la magie. Celui qui me questionnait a prononcé des noms et des mots que je ne connais pas.

Un bruit au loin fit sursauter le simplet qui se hâta dans le couloir : c'était l'heure du pain et de l'eau. Julie le regarda filer, déçue. Elle s'assit résignée contre le mur, écoutant le simplet se faire réprimander dans le couloir, puis les pas se rapprochèrent. Le garde posa une miche de pain et un seau d'eau, jeta un coup d'oeil furtif dans la cellule, puis disparut à son tour. La jeune femme reconnut à peine son propre visage dans le reflet dans son bol, tant ses traits étaient tirés, et ses yeux cernés. Elle entama sans conviction le pain insipide du jour.

Cet épisode improbable fut suivi de plusieurs semaines de calme plat. L'homme édenté avait-il menti ? Les membres du groupe s'amaigrissaient à vue d'oeil, sombrant peu à peu dans le désespoir. L'air paraissait malgré tout peu à peu moins glacial qu'à leur arrivée, l'hiver devait se terminer.

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