Les traits sur le mur (wip)
Résumé des chapitres précédents : Juan, Miguel, Franck, Julie et Marie faisaient partie d'une expédition qui visait à sécuriser une grotte dans une mine. Suite à un effondrement, ils ont émergé dans un désert inconnu. Après avoir perdu connaissance, ils se sont réveillés dans un village de montagne. Les habitants y parlent une langue inconnue et cet endroit est bercé par le cycle de deux soleils. Par un concours de circonstances obscur, Julie a appris la langue locale. Le groupe s'est fait capturer par des soldats chevauchant des griffons, qui les ont emmenés vers une forteresse. Julie s'est fait emmener hors de la prison par des gardes et s'est faite interroger par le seigneur des lieux Gidas Ballin.
Lorsqu'elle reprit ses esprits, Julie appela à l’aide à pleins poumons, en vain. Après quelques minutes d'inconfort, elle entendit des pas se rapprocher derrière elle, puis une porte claqua. Julie tourna sa tête, vrillant son cou au maximum et aperçut furtivement une tenue similaire à celle de l’homme qui l’avait soignée.
- Bonjour ma chère, entama-t-il avec une voix d'une douceur suspecte. Comme nous allons passer quelques temps ensemble, je me dois de vous dire que tout cela n'a rien de personnel. Maître Ballin m'a demandé des réponses, et je dois lui en apporter.
- Mais qu'est-ce que vous me voulez, à la fin ?
- D'où venez-vous ? Mon disciple a vu dans votre esprit des chariots en métal se déplacer sans chevaux, et des châteaux gigantesques qui touchent le ciel. Personne ne dispose de ce genre de pouvoir sur le Continent Ouest.
- C’est n’importe quoi ! Vous n’avez jamais vu de voiture ?
- Je ne sais pas ce qu’est une « watur », mais vous allez bientôt me le montrer.
Il posa ses mains sur les tempes de la jeune femme. Julie fut projetée dans une sorte de cinéma en trois dimensions, comme lorsque le guérisseur avait saisi sa main dans les montagnes. Les bords des scènes étaient flous, la seule portion nette était celle sur laquelle elle focalisait son attention. Les séquences s'enchaînaient à grande vitesse. L'intrus fouillait dans sa tête à la recherche de quelque chose. Elle se força à se concentrer sur des souvenirs sans importance, espérant pouvoir tromper celui qui sondait son esprit. Dans le même temps, elle essayait de retenir le maximum de visions qui lui arrivaient pour en apprendre plus sur le lieu où ils se trouvaient. La séance dura quelques minutes et l’inquisiteur, apparemment satisfait, quitta les lieux. Deux gardes vinrent chercher la jeune femme et la ramenèrent dans la cellule.
***
Les prisonniers virent revenir la jeune femme avec un certain soulagement.
- Est-ce que tu as vu ou entendu quelque chose qui pourrait nous aider à sortir d’ici ? demanda Marie
- J’ai aperçu l’extérieur, nous sommes à flanc de montagne, il y a de la verdure au loin. Cet endroit est rempli de gardes, je ne pense pas que nous aurons une chance de sortir par la force. Pour le moment nous sommes bel et bien prisonniers.
Le lendemain, Julie fut à nouveau enlevée pour une séance d'interrogatoire. Pour le reste de l'équipe les heures se suivaient et se ressemblaient. Seule consolation palpable, l'air semblait s'adoucir à l'extérieur. La cascade d'air glacial tombant de la meurtrière s'était tarie. Après une dizaine d'alternances de lumière et d'obscurité dans la geôle, Juan craqua. Le dos contre la pierre, la tête pendante entre les genoux, le fier Mexicain pleurait à chaudes larmes. Miguel s'assit à côté de lui, et entreprit de le réconforter dans leur langue natale.
- Il n'y a pas de honte à se lâcher Juan. Nous vivons des moments très difficiles.
- Je n'en peux plus de ces murs, ma famille me manque. Ils doivent être terriblement inquiets, ou peut-être qu'ils me croient déjà mort.
- Ta femme sait que tu es fort, elle n'abandonnera pas aussi facilement.
- Regarde moi, j'ai l'air de quelqu'un de fort comme ça ? demanda Juan en relevant la tête, les yeux rouges et gonflés.
- Oui, tu as l'air de quelqu'un qui se fait encore du souci pour sa famille alors que c'est lui qui est dans une prison, et qui vient de passer des semaines sans voir le jour. Tu n'as pas flanché quand la caverne s'est effondrée, tu n'as pas paniqué quand un ver géant mangeur de pierre est apparu. Tu peux être sûr que tes enfants seraient fiers de toi.
- J'ai peur de ne jamais revoir mes filles. Je les ai embrassées comme si j'allais revenir le soir même, ma grande a râlé parce qu'elle voulait un téléphone portable, et nous nous sommes disputés. Ce sera ça son dernier souvenir.
- Ce ne sera pas son dernier souvenir, tu vas les retrouver ! Tu dois garder espoir.
- Et toi, tu n'y penses pas de temps en temps ? Je sais que vous êtes séparés avec Enrique, mais ça ne te fait rien ?
- Parfois, ça arrive, oui. Mais je doute qu'en ce moment il ait la moindre idée d'où je me trouve, pas plus qu'avant l'accident en fait, donc ça m'aide à relativiser.
Juan essuya son visage d'un revers de manche. Miguel avait raison. Il fallait être fort pour elles. Rester fort pour sortir d'ici et retrouver la porte.
***
Les séances d'interrogatoires se poursuivirent presque quotidiennement. Aux conditions exécrables que subissaient les prisonniers s'ajoutaient maintenant l'ennui et la désorientation. Combien de temps avaient-ils passé ici ? Marie avait commencé à graver les jours sur le mur, comme elle avait vu faire dans tant de films. L’hygiène inexistante fit rapidement son oeuvre : Franck rendit plusieurs repas, il était brûlant et grelottait. Julie commença à être parcourue à son tour de frissons.
A la vingtaine de traits maintenant tracés, il fallait ajouter tous les prédédents qu'elle n'avait pas comptés avant d'en avoir l'idée. Les membres du groupe restèrent la plupart du temps prostrés contre le mur, serrés les uns contre les autres. Jusqu'au jour où les gardes emmenèrent également Marie.
Annotations
Versions