J'ai eu une enfance mais je n'ai pas eu de jeunesse.

Il suffisait juste de se laisser aller. Jouer, rêver, imaginer. C'est ce que nous faisions tous. Tous ceux qui comme moi étaient non pas dans la fleur de l'âge mais dans son bourgeon. Enfant turbulent, intrépide et chouineur. Le mot "pourquoi" à la bouche quand elle n'était pas pleine de sucreries.

Je me souviens de toute sorte de choses. Le parc de jeux où m'emmenait ma grand-mère après avoir fait la traditionnelle promenade dite "des vaches". Le caprice pour avoir un cartable à roulette, la garderie de l'école, là où j'ai volé un lego. La semaine du goût en grande section et les jeux dans la cour de récréation. Les vendredi soir quand papa avait tondu la pelouse et qu’il avait fait des macarons. Les dessin-animés du matin, le week-end. Je me souviens de mes amis, de mes ennemis, ceux que je dessinais pour ensuite les gribouiller. Les jeux de billes, les toupies et les scoubidous.

J’ai eu une enfance. Une belle enfance. Mais je n’ai pas eu de jeunesse.

Tout simplement parce que lorsque j’ai pris conscience que je n’étais plus un enfant, il était trop tard. Bien trop tard. « Papa, est-ce que les cartes Spiderman elles existaient quand tu étais enfant ? ». C'est là que j’ai compris que j’étais passé de l’autre côté. Et que je ne pourrais jamais franchir de nouveau cette passerelle qui relie le monde des pansements colorés à celui des blessures intérieures.

Et puis, tout m’a sauté au visage. La table des adultes autour de laquelle les repas s’éternisaient chaque fois un peu plus, ma main trop grande pour passer dans le rond de serviette, les lunettes, les factures, la fatigue.

Alors non, je n’ai pas eu de jeunesse. Parce que lorsque je me suis rendu compte que je n’étais plus un enfant, j’étais déjà de ceux que l’on appelle adultes.