15.Surprises
Le Stratège Sébeknefer regarde le Chacal Zinzin d’un air furieux. Elle ronchonne que ce n’est pas une heure charitable pour réveiller les gens heureux dans leurs rêves.
- Tu veux quoi ?
- Rien d’inconvenant, ma chère fifille. Te parler d’un problème qui sans doute n’en est pas un. Enfin peut-être pas encore.
- Je t’écoute, ne t’inquiète pas si je ferme les yeux…
- Vous êtes tous fin saouls. Du moins tes officiers. De plus, un événement étrange et pas encore inquiétant s’est produit dans les quartiers de Hache-Kaa-Thée. Je reconnais avoir besoin de ton expertise en bizarreries.
- Il va bien ?
- Je l’ignore… On l’a envoyé à l’infirmerie et des prélèvements ont été exécutés. Regarde, j’ai pris des photos avec la tablette remise par Néfertari. Tu la remercieras au passage. Elle m’est bien utile. Je n’ose pas le faire. Elle penserait que je la menace et elle se plaindrait à Diane…
- Bon, Anubis, va à l’infirmerie. Je te rejoins, je dois me réveiller et je n’aime pas avoir un spectateur…
- C’est sûr que c’est moins agréable de te faire admirer par moi que par d’autres…
Elle prend son oreiller et le lui lance pour le faire décamper ! Il rit avec plaisir. Savoir qu’elle l’aidera lui met du baume au cœur.
Comme il a attisé sa curiosité, elle se lève en vitesse, s’étire, s’habille d’une tunique de lin pourpre, passe une ceinture métallique et y agrafe un fourreau de cuir puis choisit une épée à la poignée de bronze, enchantée au préalable. C’est plus discret que son bâton de mage. Elle commande au synthétiseur de nourriture, un morceau de pain et un produit laitier. La machine connaissant ses goûts lui fournit une tartine de fromage aux herbes et à l’ail.
Tout en dévorant sa nourriture, elle se rend à l’infirmerie, saluant vaguement au passage ses compagnons qui s’écartent, la voyant faire « son dérouillage du matin » dans les coursives, ce qui ne lui arrivait plus depuis la mort de Lewis. Je ne vois pas comment elle fait ! Mais elle est capable de réaliser plusieurs actions en même temps.
Elle pénètre dans la pièce éclairée à la lumière crue des lampes modernes. On se croirait en plein soleil un jour d’été ! Anubis est assis dans un fauteuil, le médecin-chef, rouge de honte d’avoir été pris de boisson et les divers assistants. Une porte est ouverte donnant sur une pièce occupée par Hache-Kaa-Thée. À son entrée, ils se lèvent tous.
- Bon, je suis là, on va tous écouter les informations des uns et des autres, de façon à tous être informés de la même manière. Comment va Hache-Kaa-Thée ?
- Je vais bien, lui répond-il aussitôt ! Dis-leur de me laisser sortir ! J’ai du travail !
- Hors de question, affirme fermement le Second du Prof. J’ignore ce qui l’a attaqué ! Et Anubis nous a montré les marques… Il souhaite que notre ami reste ici sous étroite surveillance.
- Mais je n’ai pas été mordu !
- Alors, Hache-Kaa-Thée, mon garçon, ordonne Anubis, prend tes chaussons et viens te joindre à nous. Tu vas tout nous raconter…
Traînant des pieds dans des savates plus longues que sa pointure, il arrive en tenue de malade. Une barbe mal rasée lui mange le visage. Il grimace en s’asseyant.
- Tu as trop bu, Petit ?
- Non, Monseigneur.
- MENTEUR ! Je vois ton nez qui s’allonge ! (Anubis pointe le doigt sur l’appendice façon Pinocchio)
- Bon si ! J’ai testé des boissons délicieuses au mess, au cours du dîner. J’avoue, j’ai bu quelques verres. Le mélange était heu… mortel ?(Anubis pointe le doigt sur l’appendice façon Pinocchio)
- N’exagérons pas, remarque Anubis, vous n’êtes pas morts.
- Bon, soit, j’étais bien parti, mais les autres aussi.
- Certes, grogne le Capitaine Lee Chan, mais toi, tu as été agressé ! Pas les autres. Tu n’as pas essayé des pratiques douteuses, demandant d’être dans un état altéré ? Pour les novices, cet état remplace parfois les connaissances magiques.
- Oh non ! J’ai refilé les livres d’enchantements à Sébeknefer pour qu’elle les trie. J’ai l’intention de les enfermer ensuite pour que le premier venu n’ait pas justement cette idée ! Et je me remets un peu à la magie…
- Je te crois, Hache-Kaa-Thée…
- Patronne, hurle le technicien des Communications, le Penthésilée est presque à portée de canon. Elles sont escortées de cinq vaisseaux. Dans une heure ou deux elles nous auront rejoints. Les renforts ont fini par nous rejoindre !
- Bon, annonce Anubis, Petit, tu accuses réception. Tu lui dis juste qu’on a une complication et que personne n’entre ni ne sort de ce vaisseau tant qu’on n’aura pas trouvé le problème. Quoi que ce soit, ça restera à bord. As-tu bien compris ?
- Oui, Monseigneur, j’informerai le Penthésilée et les autres de notre embêtement. Pas de souci.
- Bon, on continue, soupire Sébeknefer. Tu as fait quoi, ensuite ?
- C’est simple, je voulais prendre connaissance du Traité d’Agriculture Tiangon Kaiwu. Oui ! Je l’ai acheté chez un boutiquier ambulant qui change de Station tous les trois jours. Tiangon Kaiwu, c’est…
- Je sais, je l’ai lu, c’est passionnant pour un adepte de Déméter ou Cérès, mais sinon, aucun intérêt !
- Patronne, tu n’as pas lu cette version, je t’invite à aller la chercher dans mes quartiers… J’aimerais bien la réexaminer. Il y a un truc que j’ai pas compris.
Sébeknefer envoya le Lieutenant du service de Sécurité du Vaisseau dans les quartiers du blessé pour y récupérer le précieux livre. Il devait être toujours sur le canapé ou non loin, si le malheureux Hache-Kaa-Thée l’avait laissé échapper de ses mains.
Le blessé, éprouvé par son aventure effrayante, retourne se fourrer au lit. Une belle infirmière, grande et athlétique, du nom d’Aimée-de-La-Chance le borde et le réconforte en lui donnant une nouvelle tasse de bouillon fumant.
Anubis, Sébeknefer et les autres se regardent en chien de faïence. Personne n’aime ce qu’a raconté le blessé ! Comment un simple livre racontant les découvertes agricoles de la Chine, compilées sous une antique dynastie, peut-il provoquer un tel traumatisme chez une personne connue pour son calme et sa pondération ?
Brolme Nasciberet arrive avec l’ouvrage dans sa main. Il n’en mène pas large. Il est pourtant d’un caractère bien trempé. Il ne connaît pas la peur. Toutefois…
- Vas-y, Brolme, raconte, ordonne Lee Chan.
Il s’effondre lourdement sur un tabouret puis leur tend le beau volume. Anubis s’en saisit. Il l’ouvre, laisse échapper un grognement animal et lâche le bouquin qui tombe au sol, ouvert à la moitié. Tous se penchent. Le livre est évidé… Il cachait quelque chose. Oui. Mais quoi ?
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