Il était une fois une fée fédératrice : elle fée-sait tout son possible pour unir les âmes de son royaume. Mais voilà le lion d’argent ne voulait pas parler à la coccinelle vêtue de rouge et de noir. La libellule fauvette ignorait la salamandre jaune et noire. La fée fédératrice désespérait et trouvait que sa tâche était ardue. Cela la rendait triste. Elle ne savait pas vers qui se tourner. Un jour arriva dans le royaume un étrange visiteur. Il avait avec lui un vieux livre poussiéreux. Il l’ouvrit et quelque chose d’inouï se produisit : un halo bleu cendré s’éleva au-dessus des pages de l’ouvrage. Le mystérieux arrivant ne disait mot ; il observait tout autour de lui ces créatures qui ne s’accordaient pas et la petite fée fédératrice aux yeux embués de larmes. Elle était fatiguée, la petite fée, de cette atmosphère pesante et terne. L’étrange baladin se retira pour dormir et la petite fée en fit de même. Mais elle ne pouvait pas trouver le sommeil. Elle repoussa la large feuille nervurée qui lui servait d’édredon et se leva. Elle voleta de ci de là jusqu’au vieux chêne qui était devenu son confident. Sa surprise fut grande quand elle vit que le voyageur au grand livre était là. Il lui fit signe de s’approcher et il commença à raconter son histoire. Il avait quitté son royaume après un drame personnel. Sa jolie princesse était passée de l’autre côté de l’arc-en-ciel et inconsolable, il était parti sur les chemins, pour, disait-il « échapper à la peine », mais il n’avait pas vraiment réussi à la semer.
« Oui », l’interrompit la petite fée « Nul ne peut semer la peine, on ne peut échapper au chagrin. On voyage avec le chagrin, le sourire ou la joie ». L’étrange voyageur acquiesça du regard.
« Oui je l’ai compris. J’ai fini par m’en rendre compte. J’avais beau m’éloigner encore et encore, le chagrin persistait à me tenir compagnie. J’ai alors décidé de cesser de fuir et là, tel que vous me voyez, je ne fuis plus.
- Allez vous rentrer chez vous ?
- Chez moi ? Je suis déjà chez moi. Je suis rentré. »
La petite fée ne comprenait pas. Il détailla ses pensées :
« Je suis rentré chez moi, je suis entré en moi et j’ai chassé les fantômes du passé, j’ai accueilli les légions de larmes qui avaient envahi mon cœur.
- Et votre livre, et cette lumière bleue ?
- Ce livre, c’est mon passé, mon présent et toutes les pages blanches de mon avenir. »
Le lendemain, l’étrange visiteur demanda au peuple de ce royaume de se réunir. Il leur avait demandé de venir avec une pierre. Il leur dit de poser un caillou chacun à leur tour. C’était un moyen, disait-il de déposer son animosité. Chaque âme du royaume s’exécuta. Il était temps pour le mystérieux voyageur de repartir. Il éleva les mains au-dessus de son livre en un geste lent et intense. Les pages du livre se soulevèrent et devinrent voile tandis que la couverture devenait coque. Un bateau majestueux était prêt à jeter l’ancre. Le peuple de ce royaume inclina la tête en un signe de remerciement, la petite fée vint s’agenouiller devant lui. Il baissa la main, elle y grimpa. Il la souleva. Elle déposa un minuscule baiser sur la joue humide du voyageur avant qu’il ne la repose à terre. Il embarqua sur l’étrange voilier, qui disparut lentement au loin. La petite fée se retourna et vit le changement dans les yeux et dans le cœur de son peuple. Ils se donnaient la main. La nuit tomba sur le royaume et chacun s’en alla se reposer, le cœur léger. La fée fédératrice adressa une prière pour cet étrange visiteur qui avait tant voyagé, si loin, jusqu’à l’intérieur de lui-même et qui y avait trouvé le secret des larmes et de la tristesse, pour continuer à avancer vers la lumière et trouver la consolation, l’apaisement et un deuxième bonheur.