Chapitre 1

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2024 ( date exact à définir)

Mes doigts se crispent de plus en plus sur la fiole que je dissimule dans ma paume devenue moite par le stress. Si je continue, elle explosera en mille morceaux et ça en sera fini de la mission que je me suis fixée.

J'y ai pensé pendant des jours et des jours, ressassant jusqu'au bout de la nuit les moindres détails de mon plan. Sur le papier cela me paraissait simple, calculé, efficace, mais maintenant que je me tiens face à lui, l'objet de ma rancœur, je perds mes moyens.

Pourtant, il le mérite et j'exècre cette personne qui me donne envie de vomir. Tous ses gestes qui se veulent courtois, ce ton mielleux et faux, ce sourire de façade qui cache la laideur de son être. Tout est étudié pour mieux nous manipuler, nous retourner le cerveau et nous faire croire qu’il est gentil et avenant. Mais je sais ! Je sais qui il est, ce qu’il a fait et fera sûrement encore. Je sais qu’il n'est pas celui qu’il prétend être.

Il peut duper le reste du monde, enrouler ses mensonges autour d'eux sans qu'ils n'en ressentent la brûlure, mais moi, il ne m'aura pas.

Il ne se rend même pas compte que ce trait crispé qui barre mon visage n'est pas plus un sourire de courtoisie que son regard n'est un regard bienveillant. Qui dupe qui maintenant ?

De sa main libre, il ramène en arrière mes cheveux que j'ai ondulés et détachés pour l'occasion, laissant à sa vue la peau nue de mon épaule. Ce détail ne lui échappe pas et ses iris glissent sur les vallons de mon anatomie, éclairant une flamme vicieuse au fond de ses prunelles.

Un détail qui ne serait pas à la portée de tous, cependant, un œil averti et avisé ne peut que comprendre ce qui lui traverse l'esprit à ce moment même. Il pense à moi comme à une proie, le futur trophée de son tableau de chasse.

Je minaude malgré l'océan de peur qui engloutit mes entrailles. Une fois que je l'aurais fait, je ne pourrais plus revenir en arrière, jamais. L'appréhension me dévore et je reste plus déterminée que jamais.

Je le lui dois !

— Je n'avais pas remarqué à quel point tu es charmante !

Sa voix descend d'une octave pour mieux me charmer, alors qu'en réalité cela me provoque l'effet inverse et je me fais violence pour ne pas grimacer.

— Oh, merci !

Si j'avais été une bonne actrice, j'aurais probablement rougie, mais je me contente de mettre une main devant mon visage pour dissimuler une fausse modestie qui me mettrait mal à l'aise.

J'espère bien qu’il me trouve charmante, j'ai passé plus de deux heures à travailler mon image pour attirer son attention, pour le forcer à me montrer son vrai visage de prédateur. Je crois que je touche au but quand il se permet de glisser son index le long de mon bras. Mon épiderme se charge de chair de poule à cause du dégoût que cela me procure et lui, au vue de son sourire carnassier, il croit que c'est une réaction charnelle de mon corps.

Il devient plus entreprenant et se colle carrément à moi, son souffle mentholé fouettant mon visage.

— Je suis heureux que tu sois revenue ! Je vais te faire passer un moment inoubliable ! souffle-t-il, la voix chargée d'excitation.

Bordel, je vais vomir !

Mes muscles tressautent et ma respiration devient saccadée, prémices d'une crise d'angoisse.

Ce n'est pas le moment, pas maintenant !

Je suis coutumière de ce trouble qui me dévore par moments. Depuis sa perte, depuis que le malheur a envahi ma vie, depuis que mon monde s'est écroulé sans crier gare.

Sournoises, ces crises s'emparent de mon corps sans prévenir à n'importe quel moment, me coupant la respiration, me provoquant des douleurs insoutenables dans la poitrine. Parfois les larmes coulent, parfois j'ai envie de hurler, parfois j'ai envie de me laisser mourir.

Aujourd'hui je ne peux pas me le permettre, je n'aurais qu'une seule chance, je n'ai pas le droit à l'erreur.

Je gonfle mes poumons au maximum, quand bien même j'ai la sensation que son aura dévastatrice aspire tout l'oxygène de la pièce.

Est-ce que j'ai peur ? Oh que oui ! Je suis morte de trouille ! Est-ce que cela va m'empêcher d'atteindre mon but ? Certainement pas !

Mes cils chargés de mascara oscillent de haut en bas tout en le couvant d'un regard qui se veut captiver par tes paroles.

J'espère qu’il ne ressens pas mon trouble, qu’il ne perçoit pas les coups sourds de mon palpitant qui s'agite malgré moi.

Jamais plus il ne fera de mal, jamais plus il ne manipulera des âmes innocentes, plus aucunes larmes ne seront versées par sa faute car IL ne seras jamais plus ! Profites de tes derniers instants, savoure ces ultimes goulées d'air que tu inspires sans même t'en rendre compte.

— Je... je pourrais avoir un verre d'eau, s'il te plaît ? demandé-je candidement. J'ai la gorge sèche.

Son visage descend en direction de ma poitrine coincée dans un soutien-gorge push-up. J'ai envie de m'enfoncer et disparaître dans le canapé en cuir sur lequel il m'a installé. Je n'ose pas imaginer le nombre de femmes, de filles, qu’il a allongé ici avant moi avec ou sans leur consentement. L'idée qu’il s'imagine me faire basculer dessus suffit à faire remonter la bille dans ma gorge.

Je fais mine de mordre lentement ma lèvre inférieure. Je m'écœure moi-même, mais le son rauque qui s'échappe de sa gorge m'informe que j'ai toute ton attention. Son visage se rapproche encore et je sursaute.

— Mon verre d'eau…

Ses lèvres s'étirent à quelques millimètres des miennes. Je sens une goutte de sueur serpenter le long de ma colonne.

— OK, j'arrive !

Il se relève d'un bond et fait rouler les muscles de ses épaules dans une démarche étudiée jusqu'à la cuisine.

Je libère alors la fiole transparente de la cage formée par ma main. Des sillons rouges se sont dessinés sur ma peau tellement je la tenais fort.

Je fais tourner la capsule en la tenant à bout de bras. Je ne voudrais pas en respirer les fragrances, on ne sait jamais. Sans attendre, j'en verse le contenu dans ton verre de Whisky. Je regarde les gouttes se mélanger dans l'alcool de façon gracieuse et fascinante. Comment une si jolie chose peut être si mortelle ? Alors que je dissimule le contenant dans la poche de ma jupe, il apparaît dans l'encadrement. Timing parfait !

J'aimerais effacer cet air supérieur de son visage, cette attitude hautaine qui traduit son estime de la gente féminine. Des objets dont il se sert à sa guise pour assouvir ses instincts primaux. Il a fait tant de mal et s'en soucis si peu, persuadé qu’il est dans son droit légitime et soutenu par une société qui lui donne raison. Mais tout va disparaître et l'équilibre va être rétabli. Dans peu de temps, il ravalera sa fierté en crachant le poison que je lui ai destiné.

Le canapé s'enfonce sous son poids alors qu’il me tend un verre rempli à ras-bords.

— On trinque ? proposé-je, le visage légèrement penché sur le côté.

Ça y est le moment est venu ! Je vais basculer dans la troisième partie de ma vie ! Mais celle-ci, c'est moi qui choisis d'y entrer.

Pour elle et pour lui, je suis prête à sombrer dans sa folie !

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