Chapitre 10
Abbaye Sainte Scholastique - Dourgne, Tarn
Lorsque le prieur se présenta à l’entrée du couvent, la sœur portière eut un moment de doute, jusqu’à ce que le moine précise que des deux laïcs qui l’accompagnaient, l’un était médecin et l’autre commissaire de police.
— Je pense qu’il vaut mieux que j’examine cette femme seul, je vous appellerai si elle est en mesure d’avoir une conversation, dit Philippe.
Frère Michel et Ange restèrent à l’accueil et une sœur conduisit Philippe à l’infirmerie.
Il se présenta à l’infirmière qui le mena auprès de sœur Marie des Anges.
— J’ai fait de mon mieux pour la toilette, et je lui ai donné un antalgique léger. Elle sort doucement de sa torpeur, mais elle ne s’exprime pas clairement.
Le médecin fit glisser le drap pour examiner le corps de la nonne. Des marques étaient nettement visibles au niveau des poignets et des chevilles, ainsi que sur le cou.
— Ma sœur, avez-vous remarqué quelque chose de spécial quand vous l’avez lavée ? Excusez-moi de demander cela, mais en particulier dans les parties intimes ?
— Je n’ai pas appris mon métier au couvent, vous savez. Je connais ces choses là, et oui, je pense qu’elle avait une quantité importante de substance collante sur le pubis, je pense que c’était du sperme.
— Auriez-vous de quoi faire une prise de sang ?
— Oui, bien sur, mais pourquoi me demandez-vous ça ?
— Pour savoir si elle a été droguée.
— C’est horrible, qu’est-ce qui a bien pu lui arriver ?
— Nous allons essayer de le déterminer, mais je crois qu’il vaudrait mieux garder cela secret pour le moment.
— Je dois tout de même le dire à la Mère Supérieure.
— Oui, bien sûr, mais pas un mot aux autres sœurs. Maintenant, j’en suis désolé, mais il va falloir que je vérifie si elle a été violée.
— Je comprends, faites ce qui est nécessaire.
La nonne était inerte. Pendant tout le temps de l’examen, elle ne prononça pas une parole, comme anesthésiée.
— Elle ne semble pas avoir de blessures sérieuses. La respiration est régulière, le pouls normal, mais elle réagit faiblement aux stimuli. Je suis au regret de confirmer qu’elle a eu une relation sexuelle il y a quelques heures seulement, et qu’elle n’a pas opposé de résistance.
— Comment est-ce possible ? Il n’y a pas d’homme ici.
— Elle a du sortir durant la nuit.
— C’est impossible, la porte est verrouillée et c’est la Mère Supérieure qui a la clé dans son bureau.
— Je pense qu’elle est entre de bonnes mains avec vous, je vous laisse mon téléphone. Appelez-moi dès qu’elle retrouvera la conscience. Nous aurons besoin de parler avec elle.
— Je n’y manquerai pas, merci Docteur.
De retour à l’accueil, Philippe rassura son cousin sur l’état de santé de Sœur Marie des Anges, sans donner de précisions sur ses constatations. Ce ne fut qu’après avoir déposé le moine à l’abbaye, qu’il fit part de ses observations à son ami.
— Sœur Marie des Anges a eu des relations sexuelles cette nuit, probablement avec plusieurs hommes à en juger par la quantité de sperme dans son vagin, sans parler de ce que l’infirmière a nettoyé sur son pubis. Je ne suis pas légiste, mais je suis à peu près certain qu’elle était consentante, il n’y a pas de lésion visible. Par contre, elle a été à coup sûr entravée, elle a des ecchymoses caractéristiques sur les poignets, les chevilles et le cou. La sœur infirmière dit que l’on ne peut pas sortir du couvent la nuit, mais elle a été découverte à l’extérieur de l’enceinte. Ceci n’est pas le fait d’une rencontre fortuite. La religieuse avait rendez-vous avec un groupe d’individus.
— Bien observé, Watson, plaisanta Ange. Que faisons-nous maintenant ?
— Je propose que l’on aille déjeuner pour commencer. On avisera ensuite. Il y a quelques restaurants tout à fait honorables à Castres. C’est à un quart d’heure.
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