Chapitre 15
Loubens-Lauragais, Haute-Garonne
Philippe et Ange étaient assis dans de profonds fauteuils clubs, au cuir délicatement tanné, dans le bureau du comte. Le vieil homme était assis en face d’eux. L’ambiance feutrée rappelait celle d’un club anglais. Il ne manquait qu’un majordome pour servir du sherry. Au lieu de cela, Henri de Loubennes avait sorti une bouteille d’un très vieux whisky écossais.
— C’est un authentique Lord qui me l’a offerte, un ami dont j’avais fait connaissance à Oxford, dans ma jeunesse. Je ne suis pas un véritable amateur de whisky, c’est pour cela qu’elle a survécu, mais Philippe m’a dit que vous saviez l’apprécier. Vous me direz si elle s’est bien conservée.
— Ce sera avec grand plaisir.
Lorsque les verres furent servis et que chacun eut pris le temps de gouter le vieil alcool, Philippe fit un bref résumé pour son père, qui voulait savoir à quoi les deux hommes avaient occupé leur journée.
— Ton cousin a du être satisfait de vous voir prendre les choses en main.
— Oui, d’autant que l’histoire ne se limite sans doute pas à une nonne droguée et retrouvée dévêtue à la porte du couvent. Il semble qu’un groupe de personnes l’ait contrainte à les suivre dans la montagne, précisa le policier.
— D’ailleurs, reprit Philippe, connaîtrais-tu un château ou un manoir auquel est adjoint une chapelle, dans la Montagne Noire, sans doute dans le secteur d’Arfons ?
— On trouve des bergeries et quelques ruines agricoles, mais des châteaux, je n’en connais guère. Je ne vois qu’une grande maison de maître entre Saissac et le Lampy Vieux. Je ne sais pas s’il y a une chapelle.
— Sais-tu à qui elle appartient ?
— Autrefois, elle était la propriété d’un industriel de Castelnaudary, mais il a fait faillite et la propriété a été vendue. On a dit un temps qu’elle avait été achetée par une sorte de secte, ou une communauté curieuse. Pour ce qui me concerne, je n’en sais pas plus, mais tu peux demander à ta mère, elle aussi a grandi dans ce coin.
Philippe sortit un instant pour appeler sa mère. Françoise de Loubennes entra quelques instants après, elle était encore en tenue de sport.
— Je vous prie d’excuser ma tenue, je faisais une séance de Pilate. Je vois que vous avez décidé d’entamer cette chère vieille bouteille. J’en prendrais bien un doigt, Philippe, s’il te plait.
— Ces jeunes gens sont à la recherche d’une propriété dans la montagne, du côté d’Arfons.
— Vous voulez vivre là-haut ? C’est une drôle d’idée.
— Non, ce n’est pas pour y vivre, le commissaire essaie de localiser un lieu qu’on lui a décrit. J’ai pensé au manoir, au bord de la rigole, en dessous du Lampy. Cette propriété qui a appartenu aux Mayeux-Jonzac.
— Camigné, c’est ça ?
— Oui, c’est le nom. Qu’est-ce que c’est devenu ?
— Le domaine a été racheté à bas prix par une secte lors de la déconfiture des Mayeux, puis la secte a elle-même disparu purement et simplement, laissant les lieux à l’abandon pendant plusieurs années. Il me semble que depuis quelques temps, des travaux ont été entrepris, mais je ne sais pas qui en est le commanditaire.
— Je vous remercie, Madame, avec ces éléments, je dois pouvoir retrouver les chainons manquants.
— Ce whisky est vraiment remarquable Henri. Votre ami avait décidément bien des qualités. Dommage qu’il fût exclusivement homosexuel.
— Que voulez ma chère, personne n’est parfait, et je peux vous promettre qu’il n’a jamais tenté de me séduire.
— Si vous le permettez, Madame, j’aimerais pouvoir passer quelques coups de téléphone pour approfondir cette histoire.
— Mais bien entendu, prenez tout votre temps, nous dînons à vingt heures.
— Je t’accompagne, si tu le veux bien, dit Philippe.
Lorsqu’ils furent sortis du bureau, Philippe montra son téléphone à son ami.
— Je viens de recevoir un SMS du biologiste de Castres. Il leur a fallu un peu plus de temps que prévu, mais ils ont fait un bilan assez complet. Il me demande mon adresse mail pour m’envoyer les résultats précis, mais il me dit que les tests sont positifs.
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