Chapitre 22

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Castres, Tarn

En sortant du couvent, Ange appela Claire Parayre. Elle répondit immédiatement.

— Je sors de l'abbaye. J’ai obtenu quelques informations concernant le passé de Béatrice Moreau, je vous envoie un mémo ?

— Non, non, ce n’est pas la peine. Vous n’êtes qu’à quelques minutes de chez moi. Je vous envoie l’adresse par SMS.

Le commissaire se demandait pourquoi la parquetière tenait tant à le rencontrer. Sans doute s’ennuyait elle un dimanche d’été, obligée d’assurer la permanence pour de simples vols de scooters.

Il entra les coordonnées dans Waze qui lui indiqua un temps de trajet de 22 minutes.

Le GPS le guida vers une jolie villa, sur une hauteur dominant la ville. Il s’annonça sur l’interphone.

— Entrez Commissaire.

Ange franchit les quelques mètres le séparant de la porte d’entrée qui s’ouvrit à son approche. La femme qui se présenta à lui comme Claire Parayre avait de longs cheveux très bruns et frisés, le teint mat et les yeux sombres d’une andalouse. Elle était vêtue d’une simple robe de plage à bretelles, des sandales de cuir aux pieds.

— Excusez ma tenue, la permanence m’oblige à rester chez moi, mais ne m’interdit pas de profiter de ma terrasse. Ainsi voila le fameux commissaire Ange Segafredi. Vous savez que votre réputation vous a précédé ? Vous n’avez pas pris la peine de venir visiter un petit tribunal de sous-préfecture, alors il fallait bien que je vous oblige à vous présenter en personne. Venez de l’autre côté, nous serons plus à l’aise et c’est plus discret.

— Je suis flatté de votre invitation, mais j’ignorais qu’il était d’usage de faire le tour des juridictions.

— Ça ne l’est pas, je suis juste d’humeur taquine en ce moment. Je dois dire que je m’ennuie un peu ce week-end. Mon mari est commandant en second du « 8 », le régiment de paras de Castres. Il est au Mali depuis trois mois avec son unité, et tous mes amis sont partis en vacances à la mer. Vous buvez quelque chose ? Ne me répondez pas comme dans les films « jamais pendant le service » !

— Et bien, puisque c’est si aimablement proposé, je ne peux refuser. Qu’est-ce que vous buvez ? répondit Ange en montrant le verre sur la table.

— Mojito, ça vous dit ?

— Va pour le mojito.

— Accompagnez-moi à la cuisine pendant que je le prépare, vous me raconterez votre passionnante histoire de bonne sœur violée.

Ange la regarda marcher devant lui, avec un balancement exagéré des hanches, captant les effluves de son parfum trop capiteux pour cette météo. Il se dit que cette femme était ouvertement en train de le draguer. Elle ne manquait pas d’audace et ce n’était pas pour lui déplaire.


La maison était vaste et agréablement meublée, décorée dans un style colonial, faisant une large place aux souvenirs exotiques.

— Vous avez beaucoup voyagé ? demanda-t-il.

— Moi non, juste un peu de tourisme, mais mon mari a passé pas mal de temps en mission à l’étranger avant notre mariage. Il a formé plusieurs promotions d’officiers dans des armées africaines. Il adore cette région. Il voudrait que nous allions nous y installer dans quelques années, mais je ne veux pas. S’il décide d'aller vivre là-bas, il ira seul. Ange Segafredi, vous êtes corse je présume.

— En effet, Madame la Procureure, je ne peux le renier.

— Pas de Madame, encore moins de Procureure, appelez moi Claire. Vous êtes dans mon cercle d’intimes à présent. J’adore la Corse, il y a des plages magnifiques au fond de petites criques désertes. On peut y bronzer nu sans être harcelé par les voyeurs.

— Oui, c’est un des atouts de l’ile, mais je dois dire que ce n’est pas ce qui fait l’âme corse. Les femmes corses pratiquent assez rarement le naturisme, elles vont même rarement à la plage. Elles préfèrent l’ombre et la fraicheur.

— Quel dommage, j’adore la mer et le soleil. Venez ! allons sur la terrasse. Vous ne m’avez toujours rien dit sur cette nonne.

Claire lui tendit un verre et traversa le salon. La terrasse s’ouvrait sur une pelouse en pente douce, entourée de conifères assez hauts pour assurer une parfaite intimité. Une piscine bruissait doucement en contrebas.

— Vous aimez ? Je suis au calme ici. Le centre-ville est bruyant, surtout l’été quand tous les jeunes sont dehors. Ce ne sont pas les voisins qui me dérangent, on ne les voit pas. On peut parler tranquillement, il n’y a pas d’oreilles indiscrètes. Dites-moi tout.


Ange reprit l’affaire depuis le début, en expliquant l’origine de son intervention, à la requête du prieur, cousin de Philippe de Loubennes. Il ajouta les dernières informations réunies pas le lieutenant Lopez et les quelques bribes obtenues de Mélodie.

— Vous pensez que cette sœur a été une Belle de Nuit à Toulouse ?

— Non, pas nécessairement, mais il est certain qu’elle a fréquenté des individus peu recommandables il y a une dizaine d’années. Le suicide de son mari l’a probablement ébranlée, j’ai cru comprendre qu’elle avait séjourné en HP (*) après son décès. Je vais demander à ce que ce soit vérifié, ce ne devrait pas être trop difficile. J’ai également lancé des recherches sur cet homme d’affaires qui sent le soufre, Van Den Brouck. Mélodie a paru effrayée quand j’ai prononcé son nom, ou son pseudonyme, Cornélius. Les milieux interlopes ont sans doute évolué depuis cette époque, mais j’ai dans mon équipe quelques anciens qui ont sans doute gardé des contacts.

— C’est une bonne approche. Qu’avez-vous sur le jardinier ?

— Rien pour le moment qui puisse nous laisser penser qu’il a eu un rôle significatif, en dehors de simple messager. Il vit en France, au même endroit, depuis près de quarante ans et son nom n’apparaît dans aucun fichier. Nous allons tout de même lui demander s’il peut nous aider à identifier la personne qui lui a confié la lettre.

— Ne laissez pas retomber le soufflé, je n’aime pas ce genre d’affaire. Allez voir également cette fameuse propriété dans la montagne. Si elle a abrité une cérémonie satanique ou une simple partouze, vous y trouverez peut-être quelques traces. Vous pouvez demander aux bleus (**) du coin de vous y conduire. Ils connaissent bien le terrain. Appelez l’adjudant Massart à Saissac, de ma part, elle vous fournira l’aide dont vous avez besoin. Elle non plus n’aime pas ce genre d’évènements. Et maintenant, assez travaillé pour aujourd’hui. Vous n’avez pas envie de vous baigner ? En tout cas, moi j’y vais.

— Je crois que je dois contacter la gendarmerie de Saissac et puis, je n’ai pas de maillot.

— Vous savez, ça ne me dérange pas. Moi non plus !

Fixant le policier dans les yeux, Claire Parayre fit glisser les bretelles de sa robe qui tomba à ses pieds, révélant un corps intégralement bronzé et terriblement sensuel. Ange sentit son sexe gonfler dans son pantalon.

— Ce sera avec plaisir à un autre moment, je vous le promets, mais je dois continuer à suivre la piste, tant qu’elle est chaude. C’est vous qui me l’avez demandé.

— Attention Commissaire, vous voila maintenant sous serment. Ne m’obligez pas à saisir la force publique pour vous contraindre à comparaître devant moi. Je pourrais pratiquer la fouille au corps moi-même.

— Je vous reverrai très vite, rassurez-vous. Pas besoin de vous rhabiller. Je trouverai le chemin.

(*) HP : Hôpital Psychiatrique

(**) Bleus : Gendarmes

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