Chapitre 23
Loubens-Lauragais, Haute-Garonne
Sur le chemin du retour, Ange avait appelé la gendarmerie de Saissac. L’adjudant Massart n’était pas de service, mais le militaire de garde avait transmis le message au commandant de la brigade. Elle avait rappelé quelques minutes plus tard.
— Adjudant Massart, que puis-je faire pour vous Commissaire ?
Ange résuma succinctement les éléments en sa possession avant d’expliquer qu’il souhaitait se rendre dans la montagne, pour juger si le lieu pouvait correspondre à la description sommaire fournie par Mélodie.
— Vous voulez y aller ce soir ?
— Ce n’est pas urgent à ce point et s’il y a quelque chose à trouver ce sera encore là demain matin.
— Très bien, je vous propose de nous retrouver demain à la première heure, nous monterons avec un véhicule adapté, les chemins ne sont pas tous praticables là-haut.
— Huit heures trente ? Nous serons deux.
— C’est bien compris, je vais prévenir mon équipe.
Le commissaire appela ensuite Philippe.
— J’espère que tu as passé une bonne journée, la mienne a été plutôt fructueuse.
— Je vois, tu as rencontré la procureure ?
— Oui, je te raconterai tout à l’heure. Pour le moment, j’ai une requête à adresser à ta chère maman.
— Accordé ! Elle t’adore.
— Est-ce qu’elle m’offrirait l’hospitalité pour une nuit de plus ? Je dois aller à Saissac demain matin pour visiter la fameuse propriété dont elle nous a parlé hier, avec les gendarmes.
— Pas de problème, je vais lui annoncer, elle sera ravie. Tu dineras avec nous ?
— Avec plaisir. Quand est-ce que tu rentres à Paris ?
— Demain en milieu de journée, mais ne t’inquiète pas pour moi. Mon père m’accompagnera à l’aéroport.
Son troisième appel fut pour Samira Saada, chef du groupe 2. Marc Lang, le patron du groupe 1 était en congés et Kevin N’Guyen, qui menait le groupe 3 était bien chargé par une enquête au long cours.
Samira était une femme de confiance, exigeante avec son groupe, mais également un leader bienveillant. Agée d’une quarantaine d’années, elle était d’une compagnie plaisante, tant qu’on ne plaisantait pas avec ses origines, la religion ou le sexe. Ange la savait respectueuse des préceptes du Coran, mais rien dans son comportement ne le laissait deviner. Elle avait su cloisonner sa vie civile et ses convictions sans problème apparent.
Samira répondit immédiatement à l’appel de son chef.
— Salut Sam, c’est Ange. Désolé de te déranger un dimanche, mais j’aurais besoin de toi demain matin à Saissac, dans l’Aude.
— Pas de problème, je vois où c’est. Un peu plus d’une heure depuis Toulouse. Tu me briefes ?
Une fois de plus, Ange raconta comment il avait pris connaissance des pérégrinations de la religieuse.
— Ça me branche bien ton histoire. Est-ce que je peux faire quelque chose d’ici demain ?
— Il n’y a pas d’urgence, à mon avis, mais si tu n’as vraiment rien de mieux au programme, tu peux appeler Lopez, je lui ai demandé de creuser du côté de Van Den Brouck. Regarde aussi du côté du mari, Jacques Pujol-Lacrouzette. Le suicide d’un notaire en pleine force de l’âge, ça a du laisser quelques traces dans les gazettes.
— Très bien, je vais appeler Franck. Il est dans le groupe de Kevin mais on a bossé ensemble sur quelques dossiers. On se retrouve demain matin à Saissac.
— Prends une tenue adaptée. On va monter en 4x4, il doit y avoir des ronces partout !
— Bien reçu, chef, jean et baskets.
Quelques minutes plus tard, Ange garait sa voiture dans la cour du château. La comtesse vint à sa rencontre.
— Je suis heureux que vous ayez décidé de passer un peu plus de temps avec nous. Je n’ai pas eu l’occasion de vous faire visiter mon domaine. Voulez-vous m’accompagner au jardin ?
Ange n’eut d’autre choix que de suivre la vieille dame qui lui avait déjà pris le bras avec énergie. Elle lui fit franchir une petite porte dans un vieux mur, menant à un jardin de curé entretenu avec soin.
— En dehors des gros travaux, je fais tout moi-même depuis plus de trente ans. J’ai là toutes sortes de plantes aromatiques et médicinales, des légumes anciens dont vous ne trouverez pas les graines en jardinerie.
— Où vous les procurez-vous alors ?
— Commissaire, je suis peut-être âgée, mais je sais me servir d’un ordinateur. On trouve tout ce qu’on veut sur internet quand on sait chercher. J’ai même quelques pieds de cannabis, mais je vous assure que c’est juste pour décorer. Ne le répétez pas à Philippe, il me les ferait arracher.
Ange se dit que si Philippe découvrait les plantes de sa mère, il les rapporterait plutôt à la maison pour se rouler un joint avec Brigitte, mais il préféra garder sa réflexion pour lui. Le comte et la comtesse ne connaissaient visiblement pas tous les aspects de la vie de leur fils. Que penseraient-ils d’un chirurgien habillé en biker (*) partageant un pétard avec une avocate bi-sexuelle ?
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