Chapitre 32
Toulouse, dix ans plus tôt
Lorsque Solange et Béatrice quittèrent la chambre, personne ne prêta attention à elles. Il y avait plus de monde à l’étage, mais tous les regards semblaient tournés vers une autre pièce d’où sortaient des sons explicites. La jeune femme remarqua son mari derrière les autres, essayant de voir ce qui se passait à l’intérieur.
— Le pauvre, lui dit Solange, il est juste bon à tenir la chandelle.
Puis entrainant Béatrice, elle la conduisit vers une vaste salle de bains.
— La nuit n’est pas terminée, il faut qu’on se rende présentables. Il y a tout ce qui faut ici. Tu peux prendre une douche, si tu veux.
Une pile de serviettes soigneusement pliées était à disposition. Plusieurs flacons de produits d’hygiène intime étaient disposés près des lavabos ainsi que différents accessoires à usage unique.
— On a pensé à tout. C’est Charles qui s’occupe de ces détails ?
— Oublie Charles, c’est Cornélius. Et non, il ne s’occupe pas de tout. Henri, le majordome est en vérité le factotum de Cornélius et Amélie, la jeune femme du vestiaire est aussi sa secrétaire. Pour ce qui concerne le bien-être des invitées, c’est moi qui lui ai donné des recommandations.
— Tu connais Charles, pardon, Cornélius depuis longtemps ?
— Tu n’as pas besoin de tout savoir. Cornélius te dira lui-même ce qu’il juge nécessaire. Assure-toi de rester disponible, il viendra te chercher ce soir.
Sur ces dernières paroles énigmatiques, Solange s’éclipsa, laissant la jeune femme songeuse devant le miroir. Après s’être rafraichi le visage et le buste, elle remit de l’ordre dans sa coiffure avant de rejoindre les invités. Ignorant ce qui se passait à côté, elle redescendit pour boire une coupe de champagne et se restaurer. L’heure avançait et elle n’avait toujours rien mangé. En arrivant en bas de l’escalier, elle aperçut le maître de cérémonie, confortablement installé dans un profond fauteuil, un cigare à la main. Un autre homme fumait dans un siège voisin, un verre à la main. En face d’eux, un couple sur un canapé. Les trois hommes semblaient engagés dans une discussion sérieuse. La femme semblait s’ennuyer ferme. Cornélius fit un grand sourire à l’attention de Béatrice, accompagné d’un petit signe de la main. La femme profita de l’interruption, s’excusa et vint la rejoindre au buffet.
— Vous me sauvez la vie. J’ai cru que j’allais m’endormir à les entendre parler affaires. Je croyais que l’on était venus pour s’amuser et je me retrouve comme une potiche au bout d’un canapé. Je m’appelle Stéphanie, mais mes amies m’appellent Stef.
— Moi, c’est Béatrice. Rassurez-vous et croyez-moi, on peut passer d’excellents moments ici. Je peux en témoigner. Voulez-vous boire quelque chose ?
— On peut se tutoyer je pense, je prendrai volontiers un peu de champagne. Tu es venue seule ?
— Non, mon mari est quelque part là-haut.
— Là-haut ? tu veux dire à l’étage ? Je vois des gens monter et redescendre, qu’est-ce qu’il y a à voir ?
— C’est la première fois que tu viens à une soirée de ce genre ?
— Oui, mon mari est une relation de travail de Charles Van Den Brouck, et il nous a invités ce soir, nous n’étions jamais venus ici auparavant.
Béatrice regarda plus attentivement la femme qui lui faisait face. Entre deux âges, pour parler pudiquement, elle portait une tenue visiblement de prix, élégante, mais beaucoup trop sage pour le lieu.
— Tu as remarqué les tenues des femmes ? La mienne ? Tu ne te doutes pas de ce que ça signifie ?
— Ta robe est très belle, un peu audacieuse en effet, mais ça te va très bien. Nous sommes arrivés assez tard, je n’ai pas vraiment fait attention.
— Tu veux monter avec moi ?
— Pourquoi pas, visiblement je ne leur manquerai pas !
Les deux femmes reposèrent leurs flutes vides.
— Tu seras peut-être surprise, mais tu ne risques rien, précisa Béatrice.
— Là, tu ne me rassures pas, plaisanta sa nouvelle amie.
À l’étage, l’ambiance avait changé. La furie qui prévalait un moment plus tôt s’était calmée, laissant place à des plaisirs plus intimes. Les couples s’étaient répartis sur les différentes chambres. Béatrice vit Solange, enlacée avec une autre femme dans un coin sombre du vestibule. Un homme seul qui devenait un peu trop entreprenant fut éconduit avec tact.
— Qu’est-ce qui se passe dans les chambres ? demanda Stef.
— Devine !
Béatrice se revit quelques semaines plus tôt, quand Cornélius lui-même l’avait guidée à la découverte des lieux. Elle prit son amie par la taille et l’entraina vers une des chambres. Un couple y faisait l’amour lentement, sous le regard d’un autre couple, l’homme caressant langoureusement sa compagne à demi-dévêtue. Dans la pièce à côté, quatre corps étaient mêlés sur le lit, mains et bouches caressant, embrassant à l’aveugle.
— Alors, dit Béatrice. Tu aimes ?
— C’est terriblement excitant, répondit Stef. Je n’avais imaginé voir ça, en vrai. Ces femmes sont si belles et ces hommes, hum.
— Ce ne sont pas des Chippendales, ici ont a le droit de toucher et de participer au spectacle. Regarde !
Béatrice s'assit sur le bord du lit et entreprit de caresser les corps offerts. Une femme leva la tête et l’attira plus près, glissant une main sous sa robe. Elle se laissa faire quelques instants puis se retira doucement.
— Essaye maintenant. Prends ma place.
— Oh, non, je ne pourrai pas.
— Bien sur, que si. Tout le monde le peux. Tu arrêtes quand tu veux.
Stef s’approcha lentement, s’asseyant du bout des fesses sur le coin du lit. Béatrice, à ses côtés, l’encouragea d’un petit signe. Stef avança une main, et la posa sur la cheville de la femme qui ne se déroba pas. Ce premier pas franchi, elle fit lentement remonter sa main, jusqu’au genou, puis continua sur la cuisse jusqu’à atteindre la fesse nue. La femme lui fit signe de se rapprocher. Elle fit glisser la main sur le flanc, plus doux. La femme se redressa et posa ses mains sur les épaules de Stef avant de déposer un baiser délicat sur ses lèvres. Béatrice s’agenouilla à côté d’elle et entreprit de descendre lentement le zip de sa robe. Comme Stef se laissait faire, elle écarta les deux côtés du vêtement pour dégager les épaules et le buste. Elle fit ensuite glisser les bretelles du soutien-gorge et le dégrafa, offrant les seins de sa nouvelle amie aux regards et aux caresses. Après quelques instants, celle-ci se recula doucement, avant de remonter lentement sa robe.
— Il faut que je prenne un peu de temps. Je crois que je ne suis pas prête à aller plus loin ce soir.
— C’est déjà formidable. Tu as apprécié ?
— Oh oui, beaucoup, cette femme était si douce, mais c’est complètement nouveau. Je ne m’attendais pas à ça. Tu es vraiment gentille avec moi. Je n’aurais jamais osé seule.
Béatrice lui tendit son soutien-gorge.
— Tiens, tu as oublié ça.
— Tu as du me trouver idiote quand tu as vu ce que je portais.
— Pourquoi ? ça n’a rien de gênant. Tu n’es pas la seule, tu sais.
— Toi, tu n’en as pas.
— C’est pour faire baver mon mari, lança Béatrice.
— Ah oui, ton mari ?
— Il doit être en train de mater quelque part. Il n’aura pas l’audace d’aller plus loin.
— C’est aussi une relation de Charles ?
— Oui, en quelque sorte. C’est son notaire.
— Mon mari dirige une entreprise de construction. Charles est un des ses clients. Je crois qu’ils sont sur une grosse affaire, mais je ne comprends rien à leurs histoires.
— Qu’est-ce que tu fais de tes journées ? demanda Béatrice.
— J’ai une boutique de vêtements, à Montauban. Ma clientèle est plutôt ennuyeuse. Je vends des robes chic et chères à des bourgeoises de province.
— Pourquoi ne proposes-tu pas un rayon plus coquin ? Chic et sexy ! avec un petit salon discret pour les essayages. Je serais ta première cliente.
— Tu crois que ça pourrait marcher ?
— Pourquoi pas, tu as déjà le commerce, il suffit d’un peu de bouche à oreilles. Où crois-tu que ces femmes trouvent leurs tenues ?
— Je ne sais pas.
— Des boutiques en ligne, des sex-shops glauques. Je ne connais qu’une seule adresse un peu classe à Toulouse. Et puis, tu peux garder le reste de tes collections. Pas besoin de mettre une lumière rouge au-dessus de la devanture.
— Il faudra que j’y pense, ça pourrait être amusant.
— Allez, viens, allons boire une autre coupe pour sceller ça. Et remets ton soutif ou bien jette-le. Ton mari va se demander ce que tu as fait si tu le gardes à la main.
Stef abandonna le sous-vêtement dans un coin et suivit Béatrice.
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