Chapitre 2
Josh Verduro essuya ses mains avant de se saisir de la missive que lui tendait un Courrier, la décacheta, parcourut les quelques lignes.
Ainsi, son annonce avait trouvé preneur. Il aurait un garde pour la caravane qui partait d’Ankaris dans huit jours. Une garde, corrigea-t-il en relisant plus attentivement. Massilienne de surcroit. C’était bien sa veine, de se retrouver avec une plumée… à coup sûr elle verrait une menace dans chaque feuille et passerait son temps à agiter son épée dans tous les sens. Enfin. Il n’aurait plus qu’à confirmer sa présence à Zémus. Le chef marchand de la caravane n’avait pas caché ses doutes quand il avait vu le faible salaire qu’il proposait. Sauf qu’il avait trouvé quelqu’un, n’est-ce pas ? L’argent ne se gaspillait pas.
Il accorda une rapide caresse à Zacharie, le charouble qui venait régulièrement le visiter, et rentra préparer ses affaires. Il avait déjà chargé deux caisses dans le chariot qui attendait dans l’allée, il devait maintenant finir de préparer son sac et surtout, bien emballer les fioles qui contenaient les remèdes les plus usités. Ce serait le plus gros sac, celui qui contiendrait les herbes médicinales dont il aurait besoin au cours du voyage. Car vers qui se tournaient les gens dès qu’ils avaient un petit problème ? Vers les Guérisseurs.
Comme s’ils avaient la solution à tous les problèmes.
Josh retint un soupir.
Les gens n’avaient aucune considération pour les Guérisseurs. C’était normal qu’ils soignent, non ? Ils étaient si dévoués, si connaisseurs des plantes, si talentueux…
Savaient-ils que le talent n’était rien, que leur savoir venait d’heures et d’heures d’apprentissage, dans le froid et la chaleur, à être dehors quel que soit le temps ? Ils ne voyaient que l’arbre qui cache la forêt, s’imaginaient qu’il suffisait de se baisser pour ramasser des plantes, alors que les plus rares coûtaient une fortune. Sans compter les nombreuses heures nécessaires à leur préparation. Les nettoyer, les sécher soigneusement, les réduire en poudre… mais non, dès qu’il s’agissait de payer, les gens les plus reconnaissants se mettaient soudain à renâcler, arguant que la vie n’avait pas de prix.
Eh bien si, elle en avait un. Un Guérisseur devait pouvoir vivre dignement de son art. Déjà qu’ils étaient corvéables à merci, dérangés à toute heure du jour ou de la nuit pour des urgences parfois toutes relatives, sans compter que tout Guérisseur Initié, capable de percevoir les courants énergétiques du corps, était obligé de servir régulièrement dans un dispensaire, le plus souvent loin de sa planète natale… Alors oui, la Fédération des Douze Royaumes les dédommageait, mais alors les malades qui s’y rendaient étaient les pires qu’il n’ait jamais croisés durant son apprentissage. Exigeants, méprisants… tout ça parce que les soins y étaient gratuits. Une aberration, selon lui. Un Guérisseur devait être payé par son patient, même si c’était seulement par un repas ou un bouquet de fleurs.
Avec ce voyage, il espérait bien vendre ses stocks de plantes accumulées en pleine forêt. Quant à ceux qui résidaient en ville et n’avaient donc pas accès à cette source gratuite et généreuse, ils n’avaient plus qu’à payer. Cher. Josh savait combien certains intermédiaires savaient en tirer profit, il avait bien étudié son sujet.
Cette fois, ce serait lui qui se remplirait les poches.
Il sifflota en triant ses affaires étalées sur le lit. La maison dans laquelle il résidait ne lui appartenait pas, elle lui avait été prêtée le temps de son séjour sur Ankaris. C’était l’avantage et l’inconvénient d’être nomade.
L’avantage, il avait l’habitude de se contenter de peu, de faire contenir l’essentiel de sa vie dans quelques sacs. Inutile de posséder quinze pantalons ou vingt paires de chaussures.
L’inconvénient, il était sans cesse en train de faire et défaire, de s’étaler et de ranger, de s’établir puis de déménager.
Il plia soigneusement ses tuniques, ajouta les sous-vêtements, les pantalons, puis sa tenue d’extérieur. Sur le dessus, il ajouta les solides vêtements de voyage, puis la trousse qui contenait son nécessaire de toilette. Un autre sac pour les bottes – indispensables pour les terrains boueux et la récolte des plantes aquatiques – les chaussures de ville – histoire de ne pas passer pour un paysan terreux et ce serait tout. Ses chaussures les plus confortables, dans lesquelles il pouvait parcourir des kilomètres et des kilomètres, il les portait déjà aux pieds. Elles supportaient bien l’humidité et même si elles se faisaient vieilles, elles tiendraient le temps du voyage.
Il attrapa un troisième sac. Enfin, une besace plus qu’un sac, avec un large rabat, et un système d’attaches ingénieux qui permettaient de le déplier entièrement pour dévoiler de nombreuses petites pochettes soigneusement fermées par un cordon. Les étiquettes sur chaque emballage, il les avait brodées lui-même et elles indiquaient le contenant des pochettes. Ce serait le plus long, cette fois.
Il vérifia chaque pochette, inspecta son contenu – herbes séchées le plus souvent, mais aussi racines et bâtons, ainsi que quelques pierres –, le compléta au besoin. Au fond de la poche se trouvait son mortier et son pilon, indispensables à toute préparation. S’il ne devait garder qu’un seul sac, ce serait celui-ci. Son gagne-pain. Tout son savoir, tous ses remèdes étaient rangés là. Évidemment, il serait possible d’en coudre un autre, si jamais il lui était dérobé, néanmoins, il espérait ne jamais en arriver là.
Mains sur les hanches, il contempla les sacs bien alignés. Tout était prêt. Il n’avait plus qu’à profiter de ses derniers jours en ville, puis il s’occuperait du ménage. Son ami ne regretterait pas de lui avoir fait confiance sur ce point. Demain, il cueillerait quelques herbes fraiches – il avait repéré un coin de violettes odorantes en pleine floraison – parce qu’il avait remarqué que ça donnait toujours un air plus sérieux à sa profession. Fraiches, les fleurs ne serviraient à rien, mais elles auraient le mérite de sentir bon. Et il lui faudrait aussi récupérer les deux chevaux qui tracteraient son chariot. Quatre pièces d’or par bête pour la location, c’était presque le prix d’achat. Peut-être aurait-il dû les acheter et les revendre à Poris. Non, les louer était une bonne affaire. Les bêtes étaient robustes, il s’en était assuré, feraient sans peine le trajet.
Il lui restait encore un peu de temps pour revendre quelques herbes à des connaissances, sa bourse n’en serait que plus rebondie et il préférait parer à toutes les éventualités.
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