Morsure
Un terrible bruit rententit, accompagné d'un souffle violent qui me projette sur plusieurs mètres avant que je ne me rattrape, de justesse, à l'un des os du titan originel d'Eren en y enfonçant mon grappin. Je toussote à cause de la fumée qui envahit l'endroit.
Lorsqu'elle se dissipe enfin, je constate avec horreur que mes camarades sont en très mauvaise posture !
Jean pend au bout du fil de son grappin, fixé à l'un des os du titan originel, attrapant fermement Reiner, dont l'équipement de manoeuvre tridimensionnel est abîmé, pour l'empêcher de tomber. Conny, lui est complètement inconscient, pendant aussi au bout du fil de son grappin. C'est Mikasa, la seule à s'en être sortie indemne, qui les protège des titans qui tentent de les assaillir en tranchant un à un leurs nuques à l'aide de ses lames en acier renforcé.
C'est alors que le bruit d'un toussotement attire mon attention. Je tourne la tête vers l'origine du son et vois le caporal-chef Livaï, appuyé sur l'un des os du titan originel, crachant du sang !
Je me précipite vers lui, pleine d'inquiétude :
- Livaï !
Je plante mon grappin au même os que le sien et me propulse à l'aide du gaz. J'arrive ainsi à ses côtés en à peine quelques secondes et lâche aussitôt les manettes de mon équipement tridimensionnel pour poser mes mains sur les épaules de mon caporal, en lui demandant :
- Est-ce que ça va ?
Il ne répond pas, se contentant de respirer bruyamment, visiblement essoufflé et même complètement épuisé !
C'est alors que la voix de Mikasa nous parvient, hurlant :
- Conny !
Je lève donc la tête vers mon ami et constate avec horreur qu'un titan approche dangereusement de lui, bouche grande ouverte ! Je lâche donc un hoquet d'effroi, mais Livaï, de son côté, ne perd pas une seule seconde : il se propulse à l'aide de son équipement tridimensionnel vers le titan qui menace notre ami pour lui crever un oeil à l'aide de ses lames en acier renforcé. Cependant, il est moins rapide qu'autrefois et l'imposante créature en profite pour refermer sa mâchoire sur lui, enfonçant ses dents dans la chaire de sa jambe gauche !
Face à ce terrible spectacle, je ne peux m'empêcher de crier son nom :
- Livaï !
Aussitôt, je fonds à mon tour sur le titan pour lui sectionner les tendons de la mâchoire, libérant ainsi mon supérieur. Ce dernier se laisse alors tomber dans le vide, mais est heureusement rattrapé juste à temps par Conny, qui vient de reprendre ses esprits, pendant que Mikasa tranche la nuque de notre adversaire.
Je m'appuie à nouveau sur l'un des os du titan d'Eren pour reprendre mon souffle et me remettre de mes émotions, mais c'est alors que je constate que je n'ai plus aucune lame à mes sabres : elles se sont brisées lorsque j'ai tranché les tendons de la mâchoire du titan qui menaçait Conny et Livaï. C'est parce que je me suis laissée emportée par mes émotions et j'y suis allée trop fort. Résultat : je n'ai plus aucune arme avec laquelle me battre et protéger mes compagnons car les fourreaux de mon équipement tridimensionnel sont déjà vides.
En réalisant cela, mes yeux s'écarquillent. Je les dirige vers mes camarades, les regardant un à un, jusqu'à croiser le regard gris de Mikasa. Nous nous fixons pendant quelques secondes, avec le même air d'inquiétude sur le visage, avant qu'elle ne fronce les sourcils et déclare, haut et fort, avec détermination :
- Ramenez-vous ! Vous ne me faites pas peur ! Allez, venez ! Je vous prends tous autant que vous . . .
- Reste pas là, Mikasa ! Tu gênes !
Nous nous tournons tous vers l'origine de la voix qui vient de retentir et voyons alors un énorme oiseau arriver droit sur nous !
Avant que je n'ai le temps de comprendre quoi que ce soit, je sens une main m'aggriper par ma chemise et me tirer à bord de l'impressionnant volatile.
C'est ainsi que Mikasa, Reiner, Jean, Conny, Livaï et moi nous retrouvons tous à bord de cette drôle de créature, qui prend aussitôt en altitude pour s'éloigner du titan originel et de son armée de colosses.
La même voix retentit à nouveau :
- Je n'aurais jamais cru que les titans pouvaient voler, mais vu que je me trompais, je ne pouvais pas me défiler.
Nous levons alors la tête vers la jeune femme aux cheveux blonds et aux yeux bleus qui vient de prendre la parole et nous écrions tous, excepté notre caporal :
- Annie !
C'est elle qui vient de venir à notre secours, accompagnée de la petite Gaby, sur le dos du titan mâchoire de Falco Gleis ! Il est donc capable de voler ! C'est incroyable !
Les deux filles nous tendent une corde, enroulée autour du cou du titan de Falco, afin que l'on puisse s'accrocher correctement à ce dernier. Pendant ce temps, Annie déclare, d'une voix douce :
- Finalement, je ne regrette pas d'être venue.
*
Nous entrons dans l'une des pièces de la forteresse de Slatoa. Elle est meublée de quelques couchettes, d'une table, ainsi que de petits placards, fixés aux murs. Nous approchons de l'un des petits lits et je dis alors à Conny :
- C'est bon, pose-le là.
Nous installons doucement le caporal Livaï, que nous avons transporté jusqu'ici en passant chacun l'un de ses bras autour de nos épaules, sur l'une des couchettes. Je m'adresse ensuite à mon camarade de promotion :
- Merci de m'avoir aidée à l'emmener jusqu'ici.
- Oh, il n'y a vraiment pas de quoi, me répond-il. N'hésite pas non plus à me dire s'il te manque quoi que ce soit pour le soigner et je te l'amènerai sur le champ.
Le dévouement de mon ami me touche beaucoup et je lui réponds donc, avec un doux sourire :
- Merci beaucoup, mais ça devrait aller. Le commandant Müller m'a affirmé que cet endroit est l'infirmerie de la base militaire, alors il doit y avoir le nécessaire. Cependant, tu dois en effet rester ici, car je dois aussi soigner la blessure que tu as au niveau de la tête.
- Oh, ça ? Ce n'est pas grand chose, je peux même le soigner moi-même. Occupe-toi du caporal en priorité, c'est lui le plus mal en point.
- Non, rétorque Livaï, c'est toi qu'elle doit soigner en priorité. Les blessures à la tête sont plus graves et urgentes que celles au niveau de la jambe. Déjà que tu n'as pas grand chose dans la caboche, il faut éviter qu'une infection ou un autre truc du genre vienne aggraver ton cas.
Je plaque ma main sur ma bouche pour étouffer mon petit rire amusé, puis me dépêche d'aller chercher ce dont j'ai besoin dans les placards de la pièce, pendant que Conny fixe le caporal-chef avec des yeux ronds.
Je reviens bientôt avec de l'alcool à soixante-quinze degrés, des compresses et des bandages propres. Je dis à Conny :
- Assieds-toi, ce ne sera pas long.
Il obéit. Je pose les objets que j'ai dans les mains sur la table, avant de verser un peu d'alcool sur une compresse et de m'approcher de mon ami :
- Attention, ça risque de picoter un peu.
J'applique la compresse sur sa plaie. Il esquisse une petite grimace, mais la douleur semble supportable. Tant mieux.
Une fois que j'ai fini de désinfecter la blessure du jeune homme, je pose la compresse usée de côté et m'empare des bandages, que j'enroule autour de sa tête. Je veille à ne pas serrer trop fort, sans quoi je risque d'empêcher le sang de circuler correctement jusqu'à son cerveau, puis je déclare :
- C'est bon, c'est fini. Tu devrais être complètement guéri dans quelques jours seulement.
- Merci.
Puis son regard se pose sur le caporal Livaï, assis sur la couchette voisine. Il l'observe en silence pendant quelques secondes, avant de me demander :
- Et pour le caporal ? Quand sera-t-il rétabli ?
- Il faut d'abord que je l'examine pour te répondre.
Je me dirige donc vers notre supérieur et m'agenouille devant lui pour délacer les courroies de son équipement tridimensionnel et soulever le canon de son pantalon noir jusqu'au niveau du genoux, où se situe sa blessure.
C'est drôle, cela me rappelle soudainement la première fois où je l'ai soigné . . .
J'examine ensuite sa blessure et commente :
- Il ne vous a pas loupé, vous avez une belle morsure ! Heureusement, ce n'est pas trop profond, l'os n'a pas été atteint. Les chaires se ressouderont d'elles-mêmes, mais pas sans un petit coup de main. Connny, tu veux bien m'apporter la bouteille d'alcool ? Il faut avant tout désinfecter pour éviter des complications.
- Oui, tout de suite !
Mon ami se précipite vers la table pour apporter ce que je lui ai demandé et me tends bientôt la bouteille d'alcool.
- Merci, dis-je en la prenant de sa main.
Je l'ouvre ensuite et en verse le contenu sur la blessure du caporal qui, bien que cela doit être très douloureux, garde une expression neutre et impassible, comme à son ordinaire.
Il ne me reste plus qu'à bander la plaie. Une fois que c'est fait, je déclare :
- C'est bon, il ne reste plus qu'à attendre que la blessure guérisse d'elle-même.
- Combien de temps cela doit prendre ? demande mon supérieur.
- Dans quelques jours à quelques semaines, ça aura déjà cicatrisé. Cependant, je ne saurai dire dans combien de temps vous serez entièrement rétabli. Vous avez enchainé beaucoup de blessures graves en un très court laps de temps, les conséquences se font déjà ressentir, n'est-ce pas ? Votre corps est très fatigué, à tel point que vous n'êtes même plus capable de tenir debout.
Il ne répond rien. Je poursuis donc, pour briser le silence pesant qui s'installe et le rassurer :
- Ne vous en faites pas, je suis sûre qu'avec du repos et les soins adéquats, vous allez vous rétablir.
- Si tu le dis . . .
Je rabaisse le canon de son pantalon et lui dis :
- Vous devez vous reposer, maintenant, vous en avez bien besoin. Pendant ce temps, je vais voir ce que je peux vous trouver à manger, vous devez avoir faim. Viens, Conny, dis-je en attrapant mon ami par la manche pour l'entrainer avec moi.
Nous quittons la pièce et je referme la porte derrière nous, avant que le caporal-chef Livaï n'ait le temps de dire quoi que ce soit.
- Pourquoi ce soudain empressement ? me demande Conny. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Rien, je veux juste me dépêcher de trouver un repas convenable pour notre caporal et j'ai besoin de ton aide.
- Bon, d'accord.
Je suis soulagée que Conny soit assez naïf pour ne pas insister plus que ça. Je n'ai pas envie de leur partager la terrible éventualité qui vient de me traverser l'esprit. Celle que Livaï pourrait rester infirme toute sa vie et contraint de se déplacer en fauteuil roulant jusqu'à la fin de ses jours . . .
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