Désespoir

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Emmy a pour habitude d’aller observer les voyageurs. Elle se met sur un quai vide, attend un train, et partage sans qu’ils le sachent, les retrouvailles émouvantes de certains passagers. Des amoureux, séparés depuis trop longtemps. Des parents, récupérant les enfants après deux semaines de colonie, des amis qui se retrouvent pour un anniversaire…elle a vu toutes sortes de retrouvailles, et a souvent pleuré, seule, et avec eux.

Il est 18h, la nuit est tombée. Le mois de novembre est froid et humide. Emmy attend de croiser la personne qui la sauvera. Un détail, un vêtement, qui lui donnerait enfin l’inspiration ultime.
Mais rien ne vient, une fois de plus. Elle est tellement désespérée qu’elle hésite même à arrêter des couples pour leur demander quel était le thème de leur mariage. Mais pour qui ils la prendraient ? La looseuse qu’elle est, sans aucun doute.

Elle se dirige vers le café, la mine triste. S’assoit au comptoir et commande un expresso.
Le barman la connait bien, elle vient souvent, mais il n’a jamais osé l’aborder vraiment. Elle est souvent perdue dans ses pensées, un livre ou un carnet à la main. Pas disponible pour une discussion.

- La même chose s’il vous plait.

Emmy sursaute au son de cette voix grave qui lui semble familière.
Pantalon blanc. Chaussures blanches. Regard cristallin. Transperçant.


- Vous ne pleurez plus, c’est une bonne chose. Je n’aime pas voir les gens pleurer.
- C’est…le mouchoir ?

- Oui, c’est moi, le mouchoir. Il fait froid dehors, mes pas m’ont mené jusqu’ici. C’est une surprise que de vous y trouver aussi.
- Il faut mettre un manteau en hiver.
- Vous avez raison, je ne suis pas doué pour les tenues vestimentaires.
- Vous êtes en vacances ?
- Pourquoi ? je vous semble détendu ? ou perdu ?

Enfin un sourire.

- Oui, non, oui c’est…
- Décidément, vos réponses sont compliquées.
- Oui. Pardon.
- Ne vous excusez pas. Quel est votre prénom ?
- Emmy.
- Emmy. Original. Enchanté Emmy. Je suis Gabriel.
- Bonjour.
- Est-ce que je peux vous proposer de diner avec moi ? je ne connais personne et vous pourriez enfin m’expliquer ce qui vous rend si triste.

Emmy s’arrête quelques secondes pour dévisager son interlocuteur. Il est souriant. Etonnamment souriant. Son visage est lisse, et semble d’une douceur incroyable. Ses lèvres sont pleines, roses, et ses yeux…ses yeux…Elle se redresse sur sa chaise. Quelle impression il doit avoir d’elle. Avachie, décoiffée et défigurée par le chagrin.

- Non je ne peux pas rester ce soir, j’ai du travail.
- C’est dommage, mais je comprends. Bonne chance.

Il est d’une sérénité, d’une simplicité. Emmy commence à imaginer ce que serait une aventure sensuelle avec lui. Elle sait ce qu’elle veut, ce qu’elle aime, et n’hésite pas à ramener des hommes dans son lit. Elle est fière de sa liberté sexuelle, fière d’assumer ses envies, et fière d’être une séductrice. Elle pourrait…

- Vous restez finalement ?
- Heu…non. Non. Vous êtes ici pour longtemps ?

Peut-être un espoir de le revoir.

- Ca ne dépend pas de moi Emmy.

Son sourire est craquant, il est à tomber. Elle doit restée concentrée sur le mariage. Pas le temps de batifoler.

- Au revoir Gabriel.

Elle file hors du café de la gare, court presque dans la rue, comme pour échapper au froid, et rejoint la station de métro.

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