Envie
En passant devant un kiosque, des magazines de mariage la narguent. Les pièces montées indécentes semblent lui faire des pieds de nez. Les robes extravagantes lui donnent la nausée.
Elle traine, observe, écoute, ferme les yeux, sent, ressent, attend. Toujours rien.
Quelques minutes d’attente à gamberger sur le quai, en attendant la rame. Elle s’installe enfin, et son regard se perd dans le vide. Les stations défilent. Encore 20 minutes pour rentrer chez elle.
Encore un arrêt.
Une personne s’installe en face d’elle et bouscule un peu ses jambes.
- Pardon.
- C’est rien. V…
- Emmy ! Et bien alors, vous êtes partout où je suis.
- C’est…vous…je...
Gabriel. Comment c’est possible. Elle passe une main dans ses cheveux. Et si…
- Vous avez trouvé un manteau.
- Oui, j’ai suivi votre conseil.
- Par contre la couleur…
Ils sourient, rient.
- Vous n’aimez pas ?
- Si…mais c’est salissant.
- Je suis prudent.
Elle craque. Ca y est. Elle ne peut plus et ne veut plus lutter contre son envie. Il lui faut une pause. Un moment pour elle. Avec lui.
Adossée au siège du métro, elle plonge ses yeux dans les siens, et ne cesse de sourire.
- Voilà qui est mieux Emmy. Un beau sourire vous convient d’avantage.
- C’est grâce à vous.
Il faut qu’elle le déstabilise. Qu’il ait autant envie qu’elle.
- Je l’espère.
- Vous descendez où ?
- La prochaine.
- Moi aussi. Mais vous allez où en fait ?
- Ca, je ne le sais pas encore.
- Très bien, chez moi alors.
- Si vous le dites.
Regards intenses, bloqués l’un sur l’autre. Plus aucun mot n’est échangé jusqu’à la sortie du métro. Gabriel sort, suivi d’Emmy. Elle reste derrière lui, les yeux rivés sur ses mocassins blancs vernis. Il sautille presque sur les marches des escaliers. Une fois dehors, il ralentit. Puis suit une rue jonchée de petits restaurants. Elle ne dit rien, perplexe. Comment sait-il ?
Arrivés devant l’immeuble d’Emmy, il se retourne enfin. Elle fronce les sourcils. Comment a-t-il fait pour arriver jusqu’ici ?
Elle ne peut s’empêcher de lui demander, elle veut presque le réprimander, mais se radoucit immédiatement en tombant sur ses yeux doux et rieurs.
- Comment vous savez que…
- Et bien, vous avez dit qu’on allait chez vous, et à aucun moment vous m’avez dit que ce n’était pas le bon chemin…nous voici donc chez vous.
- Hum.
- Ne soyez pas si dure, cela ne vous va pas. Détendez-vous, la soirée va être…
- Va être quoi ?
- Telle que vous la rêvez.
L’agacement la gagne, il faut qu’elle reprenne le dessus.
Elle pousse la lourde porte, et sans allumer la lumière, monte les étages. Elle n’entend pas les pas de son invité derrière elle, se retourne à plusieurs reprises, mais il est bien là.
Devant sa porte, une hésitation. Une seconde seulement, car devant le sourire qu’il lui adresse, elle s’empresse d’ouvrir et d’entrer.
Elle est un peu gênée en découvrant le bazar qui règne dans son salon. Il est amusé devant tout ça. Des morceaux de tulle blanc, des boites rouges et blanches, des bougies de toutes formes…pas de doute, il est bien chez elle.
Il jette son long manteau blanc sur le canapé en velours, s’installe en lui faisant comprendre qu’elle doit en faire autant.
Une chose inexplicable s’empare d’Emmy, elle est attirée, mais n’ose pas se lancer. Il n’est pas comme les autres. Mais pourquoi ? Impossible de le savoir. Il est si calme. Si déterminé. Il semble déjà très à l’aise, trop même. Il ne demande pas à visiter, ne pose pas les questions bateaux, il ne bouge pas, attend, patiente. Elle veut le faire craquer mais rien ne se passe comme elle le voudrait.
Elle ne veut pas faire le premier pas, et pourtant, elle en meurt d’envie.
Son esprit s’embrouille et le silence devient pesant.
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