L’état de santé de ma sœur n'était toujours pas au beau fixe…

Je ne bossais toujours pas au lycée… J’ai eu tout juste mon Bac STT commerce 10.0 qui n’avait absolument rien à voir avec ce que je voulais faire… (Qu’est-ce que je voulais vraiment faire d’ailleurs ?)

Quant à mon frère, il vivait sa vie d‘appelé, il se découvrait une vraie âme de militaire, chants, bière, perm’ étaient ses nouvelles passions, sa copine et future femme a failli prendre le large à cette époque d’ailleurs, n’en pouvant plus d’entendre des chants militaires à longueur de week-end. Pauvre d’elle…

Ma mère avait arrêté de travailler pour se consacrer à ma remise sur le droit chemin. En réalité elle s’ennuyait comme un rat mort, n’étant pas femme à rester à la maison bien sagement en attendant que mari chéri revienne du travail. Et moi je ne me laissais pas approcher comme ça, même si mon amour pour mes parents était inconditionnel.

Ma sœur n’était plus entre la vie et la mort, elle était maintenant nourrie par une sonde gastrique. Les aliments ne pouvant plus atteindre correctement son estomac sans risquer de faire fausse route. Aussi, mes parents devaient régulièrement aspirer sa trachée encombrée. On avait bien essayé de la nourrir directement par l'estomac afin qu'elle n'ait pas ce vilain tuyau dans le nez mais des complications ont empêché ce projet.

Elle rigolait toujours lorsqu’on la stimulait ou lorsqu’on la chatouillait aux genoux, c’était tellement bon de l’entendre rire.

Comment peut-on se plaindre de notre vie lorsqu’on a eu Caroline dans sa vie, elle a tellement souffert !!! Elle réussissait pourtant à rire jusqu'à nous en faire pleurer…

Où puisait-elle cette énergie et cette envie de vivre ? Quelle leçon !!!

J’aurais tellement aimé faire les quatre cents coups avec cette sœur qui paraissait si drôle et si espiègle quand elle riait… J’aurais tellement aimé me bagarrer avec elle, me disputer pour ne pas mettre ou débarrasser la table. J’aurais tellement aimé qu’elle me crie dessus parce que je lui avais emprunté son joli chemisier bleu et que je lui avais tâché… Au collège, j’aurais tellement aimé lui dire à quel point Nicolas était beau, intelligent et doué au basket, que j’avais envie de sortir avec lui, que je n’arrivais pas à l’approcher tellement il m’impressionnait et qu’il était trop bien pour moi… J’aurais tellement aimé qu’elle me prenne dans ses bras, qu’elle me dise à quel point sa petite sœur était formidable, gentille et généreuse et qu’elle méritait tous les Nicolas du monde… J’aurais tellement aimé lui dire à quel point elle était intelligente, belle, drôle et talentueuse, qu’elle était mon modèle et ma force…

J’aurais tellement aimé qu’on se protège l’une, l’autre de tous ceux et toutes celles qui nous auraient fait de mal… Peut-être ne serais-je pas tombée dans le piège d’Alex… Qui sait ?

Ma sœur, tu me regardais trouver les mots, les intonations et les stimulations qui te faisait rire, cétait ça notre plus grande joie, t’entendre rire.

Ce que j'aurais aimé par dessus tout, c'est de ne plus entendre tes cris et tes pleurs de douleurs, ne plus penser aux nuits où les ambulances venaient t’enlever, ne plus faire de nuits blanches de peur de ne pas entendre ta douleur et essayer de la soulager. Ne plus m'échapper pour ne plus subir ta souffrance, celle de nos parents, celle de notre frère et la mienne…

Tu es l'as de trèfle qui pique mon coeur, Caroline...

J'aurais tellement aimé te connaitre.

J'aurais tellement aimé avoir une grande soeur...

Encore plus je crois que celles qui n'en n'ont pas eu du tout...