Partie 3 - 2
Mon départ des installations humaines d’Olympus Mons ne me laissera pas un souvenir très agréable. Égal à lui-même, le milicien m’a raccompagné jusqu’à une des sorties du complexe administratif. Sans une seule explication, j’ai dû retrouver mon chemin dans le dédale des couloirs en direction des transports. D’un côté, ça va me changer les idées et ce n’est pas plus mal. Je cherche un peu. Avec mon PIM Perso, l’affaire était réglée en quelques secondes. Heureusement, je tombe sur une Verte adorable qui m’indique gentiment un des plus proches accès pour retourner aux espaces de vie commune. Au bout de quelques secondes, je remarque une certaine gêne chez elle. Quand son regard se baisse un peu, je comprends. Elle a senti l’odeur d’urine. Moi, je l’avais complètement oubliée.
J’ai essayé de me mettre un peu à l’écart dans le transport. Ce n’était pas bien compliqué ; la direction que j’empruntais et l’horaire ont fait de la place pour moi. Quelle journée ! L’ascenseur émotionnel a joué à plein régime. Assis, j’occupe mon esprit en détaillant les différences avec mon transport habituel. Malgré tous mes efforts, la fatigue est bien là et tente de me faire plonger. Je garde mes dernières forces pour ne pas rater l’arrivée sur mon bloc. Mes couloirs me manquent, mon quatre sur quatre aussi.
J’ai envie d’oublier Marlo, le Blanc et l’Autre. Je regrette mon PIM Perso. J’aurais pu regarder un navet et enfin comparer leurs navettes d’opérettes avec celles des PoTerr, les vraies. Du coup, sans réelle distraction, malgré la fatigue, ça cogite dans tous les sens. Les « Hommes de Mars », que voulait-il entendre par là ? Nous les « Marchiens », on en est tous. De toute façon, vu les précautions prises, ils semblent leur poser de gros soucis, aux Terriens. Et puis ce logo, totalement inconnu, je le découvre. En revanche, au Blanc, je ne lui ai pas dit que j’avais reconnu le type de conteneur où il était visible. Enfin, si l’on peut appeler ça visible, il faut les yeux synthétiques de Seeker, Mover ou de Scanner pour le repérer. En tout cas, le Blanc, il ne me l’a pas demandé.
Enfin, chez moi ! Je verrouille la porte et je file mettre mon bleu dans le sas de nettoyage. Les bleus de rechange ce n’est pas ça qui manque. L’effet de cocon chaud et humide de la cabine de douche me fait un bien fou. Le cycle de séchage aussi. J’ai l’impression d’être lancé à toute vitesse, nu, debout sur un des tapis de l’entrepôt, dans un vent presque brûlant. Je suis sec en quelques secondes.
Je ne prends pas la peine de m’habiller. Je me dirige vers le compartiment alimentaire où je récupère de quoi reprendre des forces et éteindre une faim de plus en plus prononcée. J’avale quelques barres alimentaires accompagnées d’une boisson à la saveur vaguement fruitée. Je reste assis sur mon siège moulé dans le mur. Je prends le temps de regarder mon quatre sur quatre. Tout est lisse, sans défaut, l’ensemble du mobilier est immobile, moulé dans la structure de la pièce. J’ai conscience de ma chance. Je me souviens de mon trois sur trois. J’en ai des frissons. Je termine ma boisson au simili-goût de pêche. Sans attendre, je vais me coucher, exténué. Je repense à Piotr. Je trouve qu’il ferait un bon « Homme de Mars ».
Mon PIM Perso a dû s’y reprendre à plusieurs reprises. J’étais tellement bien dans le sommeil. Mais ces machins-là savent vous en tirer, vous foutre hors de votre lit. Tout en avalant ma collation matinale, je me rappelle en souriant la tête déconfite du Blanc. Il s’est rendu compte, un peu tard, que je ne savais rien, rien de rien. Il a tiré le mauvais numéro. Et si c’était l’Autre, qui avait provoqué mon arrestation, mon audition ? Ça ne serait pas sympathique de sa part. Je vais tâcher d’être vigilant. Je n’ai rien à me reprocher, moi. Une fois arrivé à l’entrepôt, je vais me repencher sur la routine étrange que j’avais remarqué sur Mover. Je vais aussi vérifier si elle est présente sur Scanner et Seeker. Je ne sais pas ce qui se mijote derrière mon dos. Mais, je suis bien décidé à ne pas me laisser faire.
Je place rapidement les couverts sales dans le sas de nettoyage, jette les emballages dans le sas de recyclage, je m’apprête à sortir. Je fais demi-tour, cette fois-ci, je prends le PIM Perso. Je le clipse sur le poignet. J’ai l’impression de me menotter moi-même. Je vais me fondre plus dans la masse, ne pas trop sortir du lot.
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