L'Airedale émergea d'hyperespace à quelques kilomètres du centre de gravité du système solaire. Le Répartiteur avait donné à l'ordinateur de bord les coordonnées quelques minutes avant leur arrivée. Ces appareils hyper complexes, développés par les Alash'tariens, étaient présents dans tous les systèmes civilisés. Ils assuraient la circulation au point d'entrée / sortie et depuis leur mise en service, il n'y avait plus aucun accident, tant que les pilotes respectaient les coordonnées de sortie envoyées. Nombre de pirates - Clothilde inclus, avaient essayé de prendre le contrôle de ces miracles technologiques sans succès, prouvant s'il le fallait la supériorité des Alash'tariens dans la technologie du voyage interstellaire sur le reste de la galaxie. Dès qu'ils revinrent à une vitesse subluminique, Clothilde repositionna les mandibules du vaisseau en position de repos. Quelques secondes plus tard, l'ordinateur de bord de l'Airedale lança une alerte.

Cinq intercepteurs se dirigeaient vers leur position. Clothilde lança un scan. Un vieux réflexe titilla le capitaine. Les cinq petits chasseurs ne seraient pas une épreuve pour l'Airedale. Il faillit passer déployer les mandibules en mode combat, mais se ravisa. Le vaisseau de tête demanda sur un canal générique d'ouvrir une communication. Les quatre autres se placèrent en position de combat. D'un mouvement de gant de réalité virtuelle, Clothilde accepta. Le visage rosé reptilien d'un Nocturus apparut. Il leva la paume droite, geste universel de salut amical. Après quelques secondes, il fut remplacé par un humain, cheveux verts, peau carbonisée par le puissant soleil de Ξπ-4. Derrière lui se trouvait une salle de contrôle immense, le personnel semblait très agité. Des signaux d'alerte brillaient sur tous les écrans.
« Vaisseau inconnu, veuillez déclinez votre identité et la raison de votre venue sur Ξπ-4. Les scanners de l'Airedale détectèrent un énorme vaisseau cargo qui décollait d'une des lunes, accompagné d'une escorte importante.
— Nous sommes ici pour le tourisme.
— Pour le tourisme ? s'étrangla l'humain. Il ne parvint pas à retenir un gloussement d'incrédulité.
— Un ami commerçant qui passe souvent par Ξπ-4 m'a affirmé que le coucher de soleil sous les dômes de Drakken-1 était l'un des plus beaux spectacles de cette partie de la galaxie.
Une recherche rapide sur son exovision lui donna les informations dont il avait besoin pour rassurer son interlocuteur suspicieux.
— André Fromuleux, de la société MoonDust IntSi.
Quand il entendit ce nom familier, l'humain parut satisfait. Il coupa le son de la conversation, dit quelques mots à ses collègues. Alors, l'ambiance se calma. Le vaisseau cargo reprit sa route vers le ventre de gravité du système, toujours sous haute escorte.
— Vous allez sur Drakken-1, c'est ça ? Il y a un petit hôtel sous le dôme principal. Dites-leur que vous venez de la part d'Anton Medvedev, il vous fera un bon prix. En attendant, posez-vous sur le quai A-3.
—Merci ! »
Le sourire feint de Clothilde s'évanouit dès que la conversation se termina. Il dirigea l'Airedale vers l'endroit indiqué.

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La chambre de l'hôtel était identique au reste de la base spatiale. Grise, morne, métallique. Clothilde avait connu des prisons plus agréables que cette planète. Il comprenait à présent mieux la réaction d'Anton quand il lui disait qu'il venait pour le tourisme. La porte venait de se fermer sur Mouss, Ed et Nadia. Clothilde enleva son lourd manteau de cuir, et le jeta sur un des lits. Depuis deux ans, il traînait une dégaine de baroudeur pour son personnage de capitaine désabusé. Il s'installa sur le fauteuil massant et commença à passer en revue dans son exovision les rares boutiques qui avaient pignon sur rue en centre-ville. Il s'était présenté comme l'ami d'un homme d'affaires et devait donc adapter son style et son attitude à sa nouvelle personnalité. Une fois son costume enfilé, il se dirigea vers un barbier. Sa tignasse et son éternelle barbe de trois jours mal taillée devaient être domestiquées pour parfaire son personnage. Pendant qu'il se faisait dorloter aux frais de Marion, il commanda grâce à son exovision une bouteille de whisky pour son retour dans la chambre d'hôtel.

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Assis sur un banc dans le parc en face du bâtiment administratif principal de Drakken-1, Mouss' attendait qu'Anton finisse sa journée de travail. Malgré les efforts importants des paysagistes, le petit espace vert n'avait aucune âme. Le feuillage des arbres était d'un triste vert-de-gris. Quelques parterres de fleurs apportaient un minimum de couleur. Mouss' n'était d'habitude pas sensible à ce genre de détail, mais l'ambiance morne de Drakken-1 était oppressante. Il s'attendait à repérer rapidement sa cible, mais la plupart des habitants de la colonie avaient les cheveux teints, dans des couleurs plus folkloriques les unes que les autres. Après une heure d'attente, il finit par identifier clairement sa cible et commença la filature. Les différents dômes de Drakken-1 communiquaient entre eux par des tunnels de verre. Malgré les climatiseurs qui tournaient à plein régime, la chaleur du soleil orange était écrasante. La maison d'Anton était un petit cube dans un des dômes les plus éloignés du principal. Il resta adossé à un mur dans un coin d'ombre, pour évaluer l'affluence. Ce dome éloigné n'avait que très peu d'habitants, les rues étaient désertes. Après trois cigarettes, il quitta son poste d'observation. Mouss' commanda des teintures diverses pour les cheveux et des habits à sa taille qui correspondaient à la mode locale, qu'il ramassa dans une boutique avant son retour à l'hôtel. Lors de ses prochaines sessions de filature, il se fonderait bien plus facilement dans la foule.

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C'était une règle immuable. Peu importait l'époque, le lieu, tant qu'il y avait des humains, il existait un marché noir où l'on pouvait tout se procurer. Ed devait trouver localement de nouvelles armes pour remplacer celles que le capitaine avait choisi de laisser à l'intérieur de l'Airedale. Quelques crédits versés dans les bonnes poches, et Ed se retrouvait dans une ruelle obscure du dome principal, derrière un bar, face à un homme aux cheveux bleus fluorescents.
« Z'êtes pas un flic ? demanda l'homme suspicieux.
Ses dents jaunes montraient un abus des racines DoOolies.
— Je ne suis même pas de Drakken-1, dit-il, montrant sa peau que le soleil d'Ξπ-4 n'avait pas encore eu le temps de colorer.
— P'tet de la police galactique, alors ?
— Sans déconner, mec ! T'es juste un vieux vendeur de rue d'une colonie merdique, tu crois vraiment qu'une police galactique s'intéresserait à toi ? Ça n'existe même pas, de toute façon, la police galactique. Fais-moi voir ce qu'il y a dans ta valise plutôt que de me faire perdre mon temps. »
L'homme avala l'insulte difficilement. Ed se rendit compte qu'il était peut-être allé trop loin, mais le trafiquant tapa le code de sa mallette qui révéla son contenu minable. Une dizaine de couteaux de combat, deux pistolets B&K 9mm et leurs chargeurs. Ed lui prit le tout et retourna vers l'hôtel.

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Avec ses cheveux rose pastel, Nadia passait pour une fois presque inaperçue au milieu de la foule. Seule sa grande taille faisait se tourner vers elle quelques regards curieux. Elle arpentait les rues pour faire un plan de la colonie. Elle avait deux jours pour connaître les petites ruelles, les bonnes cachettes, les patrouilles de polices, les lieux de regroupement, les zones à risques... Elle dessinait en temps réel dans son exovision un schéma avec ses différentes observations. Elle s'assit dans un café en face du spatioport, pour entendre les autochtones décrire leurs lieux de vie, leurs habitudes. Comme elle se fondait dans la masse, personne ne faisait attention à elle et ne se censurait. Elle comprit rapidement que la vie de Drakken-1 tournait principalement autour de Ouïkhur, un sport de balle que Nadia ne connaissait pas, et de la rivalité avec les autres équipes du secteur, en particulier avec les humains de Drakken-2. Elle ne put retenir un sourire en entendant deux hommes à la bedaine imposante se plaindre des résultats de leur équipe lors du dernier match. Nadia secoua la tête, finit son café d'une traite et se remit en route.