Chapitre 13
Versailles
Ange avait accepté que les journalistes assistent au briefing du matin. Il leur avait seulement demandé de ne pas intervenir durant la réunion. Toute l’équipe était donc réunie pour partager les derniers éléments collectés et décider le plan d’action. Quand le brigadier Demange eut terminé de servir le café, le commandant ouvrit la réunion. Il commença par expliquer qu’après un entretien avec le Procureur, Julie Delmas avait été autorisée à faire état de la découverte de quatre femmes en divers lieux du 78. Il passa ensuite la parole aux deux femmes de l’équipe en leur demandant ce que donnaient leurs investigations dans le cercle des aides aux migrants.
— On n’a pas encore eu le temps de contacter toutes les associations et les personnes que nous avons contactées n’ont pas trop envie de parler à la police, expliqua Salma.
— En général, quand on se pointe chez eux, ça se termine par un retour en charter ! ajouta Marie, il faut les comprendre.
— Oui, je veux bien le croire, répondit Ange agacé, mais c’est pour ça que je vous ai envoyées, toutes les deux et pas la BAC !
— Du calme Chef, reprit Salma, il nous faut juste un peu de temps. L’article de Mademoiselle Delmas devrait nous aider. Quand ils auront compris qu’ils sont en danger, ils collaboreront plus volontiers.
— OK, continuez à creuser. Ivo, Franck, qu’est-ce que vous nous rapportez ?
— Les services de renseignement ont repéré deux ou trois groupuscules de fêlés dans notre secteur qui pourraient correspondre au profil. Des petits jeunes pour la plupart qui jouent les durs sur les forums. Jusqu’à présent, ils n’ont pas constaté de passage à l’acte, mais ils pensent que ces groupes peuvent agir à tout moment, sans motif réel.
— Ils ont des identités ?
— On a trois noms possibles, mais généralement ils se planquent derrière des pseudos bidons. On va creuser un peu, mais ce serait bien que Boris puisse les pister sur le web.
— Boris ? demanda Ange.
— Pas de problème, répondit le jeune geek, je m’y mets tout de suite. Pour ma part, j’ai constaté un peu d’agitation dans OnionLand, depuis hier soir.
— Onion quoi ? demanda Ivo ?
— OnionLand, c’est le surnom donné à une partie du Dark Web, parce que le réseau est structuré en couches isolées, comme un oignon. Il est difficile de tracer les messages, mais pas impossible, surtout si on n’a pas affaire à des pros.
— Et qu’est-ce qui se dit ? demanda Ange.
— Des photos circulent, qui ressemblent assez à ce que nous avons pour nos quatre femmes. Des corps nus, au bord de l’eau, les photos sont assez moches, prises dans de mauvaises conditions sans doute, certains liens mènent à des sites probablement russes ou ukrainiens.
— Qu’est-ce que tu en penses ?
— Je ne serais pas surpris que des petits gars comme ceux qu’a mentionné Ivo, se soient inspirés de crimes racistes commis en Europe de l’Est.
— Tu peux les identifier ?
— Ce sera difficile de remonter les adresses IP, mais je peux essayer de collecter quelques infos pour mieux les localiser. Ensuite, on verra si on peut en amener un à se dévoiler.
— Bien, comme de toute façon on n’a rien d’autre, on va se concentrer sur cette piste. Salma, Marie, vous continuez à essayer d’identifier ces femmes, vous demandez aussi aux bénévoles s’ils ont reçu des menaces ou des messages à caractère raciste. Ivo et Franck, vous essayez de me trouver les gars fichés. Boris, tu lâches pas ton écran.
— Et moi, demanda le brigadier ?
— Tu restes avec moi, je vais peut-être avoir besoin d’un chauffeur.
Lorsque les policiers eurent quitté la salle de réunion, Ange demanda aux journalistes de rester quelques minutes.
— Julie, votre article a visiblement eu un petit effet chez les méchants. Espérons qu’il pourra aussi aider à ouvrir des portes pour identifier ces pauvres femmes.
— Les migrants n’aiment pas la police, c’est un euphémisme, mais les médias sont souvent de leur côté. Voulez-vous que j'essaie de tenter ma chance ? J’ai déjà travaillé dans ce milieu. Vous n’avez rien à perdre.
— Pourquoi pas, mais je ne veux pas de lien dans votre article sur le service. Et vous ne jouez pas les Rouletabille. Pas question que l’on puisse lire qu’une journaliste a damé le pion à la PJ.
— Vous ne pouvez pas m’empêcher d’écrire sur les migrants.
— Non, tant que vous ne mélangez pas les deux sujets. C’est d’accord ?
— Entendu, conclut Julie.
— Bien, alors si voulez bien, je vais profiter des talents de votre camarade. Si vous avez le cœur solidement accroché, on va tirer quelques portraits. Demange, emmène-nous à la morgue.
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