Chapitre 14

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Paris

Sur instruction du Parquet, les corps des quatre victimes avaient été transférés à l’IML de Paris, proche de la Gare de Lyon. Le brigadier y conduisit Sega et les journalistes à une vitesse record.

— Est-il vraiment nécessaire de rouler si vite ? ces malheureuses ne vont pas se sauver, demanda le photographe.

— Vous avez raison, mais c’est une des rares satisfactions de Jacques, je ne vais pas l’en priver.

— Et tous les gars qui circulent seuls avec la sirène le matin et le soir, c’est pour le plaisir aussi ? ajouta Julie.

— Vous avez raison, c’est un abus de pouvoir, mais vous ne sortez jamais votre carte de presse pour un petit privilège ?

— C’est moins visible, admit la jeune femme, mais un point pour vous.


Ange se présenta au réceptionniste et demanda le Docteur Huang. Il avait laissé les affaires médico légales à Salma et il fut surpris de voir arriver une petite femme d’une cinquantaine d’années aux yeux vifs.

— Bonjour, je suis le Docteur Valérie Huang. Votre collègue m’a annoncé votre visite. J’ai fait préparer les quatre victimes. Comme vous le savez, ce n’est pas nous qui avons procédé aux premières autopsies, mais à la demande du Procureur, nous avons effectué de nouveaux examens comparatifs. Nous avons un certain nombre de points communs, mais aussi quelques différences significatives.

— Je suis impatient d’entendre cela, répondit Ange, mais est-ce que ma collègue vous a aussi dit que je viendrais accompagné ?

— En effet, ce n’est pas habituel, mais si le Parquet a validé la démarche, moi ça ne me gêne pas. Ceci dit, ils vont avoir du travail !

Valérie Huang conduisit le petit groupe jusqu’à un vestiaire où elle leur demanda de revêtir une blouse, de couvrir leurs cheveux et de mettre un masque. Puis elle les fit pénétrer dans une salle d’examen où quatre corps étaient alignés sur des tables d’acier légèrement inclinées.

Les corps étaient recouverts de draps verts.

— Peut-on laisser notre photographe faire son travail pendant que vous me présentez vos conclusions ?

— Oui, bien sûr, venez avec moi.


Julie avait emboîté le pas du policier. Le médecin les fit entrer dans un petit bureau encombré sur lequel étaient préparées quatre chemises cartonnées et une feuille de notes.

— Bien, en première approche, nous avons quatre femmes mortes par strangulation et retrouvées nues, sans aucun élément d’identification, dans des zones humides de l’ouest parisien. Voilà pour les similarités. Pour ce qui concerne les victimes elles-mêmes, en dehors de leur sexe, peu de points communs. Leurs âges, estimés, vont de 20 à 50 ans. Leurs origines ethniques, pardonnez-moi le terme, sont très différentes. L’une est caucasienne, probablement originaire d’Europe orientale, je vous préciserai plus tard ce qui me laisse penser cela. La deuxième est indiscutablement africaine, probablement originaire de l’ouest. La victime la plus récente est possiblement marocaine, à en croire ses tatouages. Enfin, comme l’a envisagé mon collègue de Rambouillet, je penche pour la Syrie ou l’Irak pour ce qui concerne la troisième.

Aucune d’entre elle n’a subi de sévices sexuels immédiatement avant ou après leur décès, toutefois j’ai relevé des tissus cicatriciels plus anciens sur les corps 2 et 3.

Voyant Julie grimacer, le Docteur Huang ajouta :

— Je comprends votre attitude Mademoiselle, mais je n’ai pas vraiment d’autres moyens de les distinguer.

— Je vous en prie, Docteur, continuez, ajouta Ange.

— Je dois ajouter que la deuxième victime, la femme noire, a été excisée. C’est une pratique assez rare en France, mais qui existe malgré tout. Il est toutefois plus vraisemblable que cette femme ne soit pas née sur notre sol.

— Nous pensons que toutes ces femmes pourraient avoir en commun d’avoir rejoint la France illégalement, que vouliez vous ajouter sur la première ?

— La première victime est aussi sans doute la plus dégradée. Son état de santé était très médiocre, elle souffrait de plusieurs pathologies non traitées et sa dentition montrait des traces de soins rudimentaires, comme on les pratiquait dans certains pays de l’ex bloc de l’Est. Roumanie ou Bulgarie, peut-être.

— Une Rom ? demanda Julie .

— C’est tout à fait possible, en effet. Je dois ajouter qu’elle a été enceinte plusieurs fois.

— Que pouvez-vous nous dire du mode opératoire ?

— Dans tous les cas, la cause de la mort est l’asphyxie par strangulation, toutefois, le procédé n’est pas le même à chaque fois. Deux victimes ont été étranglées à main nue, si je peux dire, car le ou les meurtriers portaient sans doute des gants. Une autre l’a été à l’aide d’une cordelette, par l’arrière. Les traces sont très clairement reconnaissables. Pour la dernière, je pencherai pour un foulard car nous avons trouvé des fibres textiles. Sans vouloir vous expliquer votre métier, je pense que vous avez affaire à plusieurs individus. Même dans le cas des deux victimes étranglées manuellement, l’espacement des traces de doigts n’est pas le même, laissant penser que les mains étaient de taille significativement différentes.

— Les meurtres n’ont pas été rendus publics avant le quatrième, il est donc possible que les personnes que nous recherchons se connaissent et se concertent, suggéra Ange.

— Vous voulez dire que ces malades tuent par défi ? questionna Julie. Comme ces challenges idiots que les mômes pratiquent sur les réseaux sociaux ?

— Ce serait cohérent avec ce que Boris a détecté sur le Dark Web.

— Un néo-Klan, qui chasse les réfugiées et les clandestines, ce ne serait malheureusement pas une première, releva le légiste.

— J’ai quelques contacts en Russie et en Ukraine, reprit la journaliste. Je peux leur demander s’ils ont eu connaissance d’histoires similaires.

— Volontiers, ça ne fait pas de mal de se renseigner.

— Je les contacte dès ce soir.

— Bien, je vous remercie, Docteur. Allons voir où en est notre artiste.

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