Chapitre 15
Versailles
Tout le groupe était réuni pour le briefing du matin à la DRPJ. Julie avait expliqué à Ange qu’elle avait besoin d’un peu de temps pour travailler sur son article. Le photographe avait lui aussi besoin de retoucher les photos pour rendre les quatre victimes présentables. Il avait promis d’envoyer les épreuves par mail avant la fin de la matinée. Ange était donc satisfait de pouvoir laisser son équipe s’exprimer sans témoin et sans retenue.
La visite à l’IML ne lui avait pas appris grand-chose, mais avait conforté le caractère xénophobe des quatre meurtres. Le fait que les crimes aient été commis par des personnes différentes était, certes, un élément de complexité supplémentaire, mais aussi une chance de débusquer les coupables au travers de leurs inévitables communications.
Après avoir fait part de ces éléments aux enquêteurs, il donna la parole à Salma.
— Du côté des associations d’aide, on a réussi à ouvrir quelques portes, mais rien de concret pour le moment. Les photos des cadavres font peur et nos contacts ne peuvent pas s’y attarder.
— C’est pour ça que j’ai demandé à John Hunt de nous les rendre plus « vivantes », si je peux oser ce mauvais jeu de mot.
— Pour ce qui est des foyers, des squats ou des camps, c’est porte close, personne ne veut nous parler. Il nous faudrait un médiateur, continua Salma.
— Je connais quelqu’un qui pourrait nous aider, ajouta Marie. J’ai une amie qui travaille dans ce milieu et qui pourrait peut-être intervenir si je lui demande à titre personnel. Elle n’a pas une très bonne image de la police, mais si c’est moi qui fais la démarche, elle acceptera sans doute.
— OK, dit Ange, tu peux la consulter, on n’a rien à perdre de toute façon. Dès que vous avez les photos, vous y retournez.
Ange se tourna vers son second.
— Ivo, du nouveau du côté des profils ciblés ?
— On a creusé un peu et on a peut-être identifié deux des individus repérés par les Renseignements. On a un étudiant qui vit chez ses parents au Vésinet, grande bourgeoisie française, pas d’antécédents. On a aussi un jeune qui zone à droite, à gauche, de petit boulot en petit boulot. Mécano dans des garages louches, soupçon de maquillage de voitures, mais pas de casier. Il n’a rien de commun avec le premier, du moins en apparence.
— Vous allez approfondir ça illico. Boris, tu peux craquer leurs ordis ou leurs cellulaires ? Je veux savoir s’ils sont actifs sur les sites dont tu nous as parlé hier.
— C’est-à-dire que là, il me faudrait quand même un petit mot du procureur, répondit Boris, c’est pas tout à fait légal.
— Je vais te trouver ça, sinon, tu demanderas à un copain hacker, il y en a bien un qui te doit un service, non ?
— Qu’est-ce que vous voulez dire, Chef ?
— Rien, tu m’as compris.
— Justement, reprit Ivo, comme on a trouvé des images similaires sur des sites russes et allemands, j’ai lancé quelques ballons d’essais, et je crois que j’ai trouvé quelque chose.
— Tes anciens employeurs ?
— Presque, enfin, j’ai gardé des relations avec certains services, je ne peux pas en dire plus. Vous voulez savoir quand même ?
— Accouche !
— En ex-RDA, il y a quelques groupes néo-nazis qui sont toujours actifs.
— Tu veux parler de l’AfD ?
— Non, non, ceux-là c’est des Bisounours. Je parle de fêlés qui jouent aux paramilitaires dans les forêts et qui se disent prêts à résister aux envahisseurs par les armes. Ils sont actifs sur le web et s’échangent des photos et des vidéos. C’est cohérent avec ce que Boris a trouvé l’autre soir. Le KKK en plus moderne.
— Et tu penses que nos petits gars essaient de les imiter ? demanda Ange.
— Je ne sais pas, mais ça vaudrait le coup de vérifier.
- Bien, Boris, tu ajoutes ça sur ta liste. Ivo, Frank, vous allez faire un tour au Vésinet, je veux tout savoir sur ce fils à papa. Et vous me logez aussi le mécano douteux. Essayez de revenir avec du nouveau pour dix-sept heures. Pour ce qui me concerne, je m’occupe des réquisitions immédiatement. En piste.
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