Chapitre 17
Le Vésinet
Ivo et Franck parcouraient à vitesse réduite les rues du quartier où résidait le jeune homme repéré par les Renseignements. Les propriétés étaient toutes entourées de murs et de haies denses, limitant le point de vue sur les maisons elles-mêmes. Les deux policiers pouvaient malgré tout imaginer de vastes habitations, des pelouses parfaitement tondues et des voitures de luxe, la Mercedes ou le SUV BMW de Monsieur, la Mini de Madame, sans oublier celles des enfants. Sur les rues adjacentes, des entrées de service s’ouvraient, plus modestes. Ivo gara leur voiture de fonction à distance de leur cible. Peu de piétons en ce milieu de journée, hormis les domestiques rentrant du marché et les nounous promenant de jeunes enfants.
À ce stade de l’investigation, ce n’était pas un problème, bien au contraire. Les deux équipiers avaient décidé de se partager le travail pour se renseigner plus discrètement. Au bout d’une petite heure, ils avaient une bonne idée de la routine familiale. Monsieur partait le matin à heure fixe. À huit heures trente, un chauffeur au volant d’une Renault noire attendait devant la grille. Madame sortait peu le matin, mais recevait souvent l’après-midi, d’autres dames. Une femme de ménage arrivait tous les jours à neuf heures et repartait vers quatorze heures. Un jardinier venait plusieurs fois par mois.
Le fils de la famille était décrit différemment selon les témoins. Certains l’avaient connu jeune et décrivaient un adolescent plutôt renfermé et peu emphatique, mais sans problème connu. D’autres mentionnaient des allées et venues nocturnes au volant d’un vieux cabriolet Alfa Romeo. Pas de soirées bruyantes, même en l’absence des parents, pas de visites tardives non plus. Le garçon ne recevait probablement pas ses amis à la maison.
Ivo se dit qu’il serait bon de mettre en place une filature discrète du jeune homme.
Sachant que Boris aurait sûrement réuni toutes les données disponibles sur Internet et dans les fichiers de l'Administration, les deux policiers décidèrent d’élargir un peu le cercle de leurs recherches et de visiter les commerçants du quartier en présentant les photos. Les premières personnes interrogées, le vendeur de journaux de la gare du RER et le gérant du bar-tabac ne reconnurent personne, mais la marchande de primeurs s’attarda sur la photo de la femme tatouée.
— Vous reconnaissez cette personne ? demanda Franck.
— Je ne peux pas dire que je la reconnais, mais j’ai de temps en temps une cliente qui lui ressemble un peu. Les tatouages peut-être. Je ne connais pas son nom, et je ne sais pas où elle habite. Elle ne parle pas correctement le français. Elle vient avec une liste et de l’argent liquide. C’est tout ce que je peux dire.
— Vous l’avez vue ces derniers jours ?
— Non, effectivement, pas depuis trois ou quatre jours.
— L’avez-vous vue parler avec d’autres personnes ?
— Non, jamais, elle est très discrète, elle évite les contacts, je pense. Elle vient seulement quand la boutique est vide.
— Merci beaucoup. N’hésitez pas à nous prévenir si quelque chose vous revient.
Franck lui tendit une carte de visite.
Dès qu’ils furent sortis, Ivo appela son chef de groupe.
— Sega, pourrais-tu demander au commissariat du Vésinet de se renseigner sur une femme correspondant à la victime présumée marocaine ? Une commerçante a réagi sur sa photo, elle pourrait correspondre à une de ses clientes. Ce pourrait être une employée de maison, qui ne parle pas français et évite les rencontres. Ça te fait penser à quoi ?
— Rien de bon. Esclavage. Je vais contacter les collègues. Vous allez où maintenant ?
— On va essayer de loger le mécano.
— Ok, gardez les distances, je ne veux pas qu’ils se planquent. Ils faut qu’ils ne se doutent de rien, même s’ils savent qu’on a trouvé les corps et relié les points.
— Ne t’inquiète pas, on connaît la musique.
— Bien, alors à ce soir.
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