Paris

Il était presque onze heures du matin lorsque Salma et Marie arrivèrent à l’Institut Médico-Légal près de la gare de Lyon. Myriem Mansour les y attendait, visiblement intimidée.

— Je n’étais jamais venue ici, précisa-t-elle après que Salma eut fait les présentations. Cet endroit est plutôt sinistre.

— Oui, je vous comprends, ce n’est pas particulièrement accueillant. Je vous remercie d’avoir pris sur votre temps de travail pour venir ce matin.

— Il n’y a pas de problème, j’ai expliqué la situation à mon employeur, il a été très conciliant. Je vous suis reconnaissante de vous intéresser à la disparition de Nawal.

— C’est notre travail, répondit Salma.

— Excusez-moi de poser la question de façon brutale, mais comment se fait-il que vous n’ayez pas déclaré la disparition de votre amie lorsque vous avez constaté qu’elle n’était pas rentrée ? demanda Marie.

— Et bien, c’est un peu délicat, et je ne voulais pas en parler devant mon mari et Karim lorsque votre collègue est venue hier. Je vous ai dit que Nawal ne voyait personne. En fait, j’avais remarqué des signes, les femmes sentent ça, vous le savez. Il lui arrivait parfois de rentrer un peu plus tard, après la prière. Alors, quand elle n’est pas revenue, j’ai pensé qu’elle était partie avec quelqu’un d’autre. Pendant trois ans, elle a erré, de la Syrie à la France. Alors je me suis dit qu’elle avait repris la route.

— Vous ne croyez pas qu’elle vous en aurait parlé ? Vous l’avez accueillie, soignée, c’était la moindre des politesses.

— Oui, bien sûr, ça m’a fait mal de penser qu’elle était partie sans un mot, mais qu’est-ce que j’aurais dû faire ? Si j’étais allée voir la police en disant que j’hébergeais une immigrée clandestine, j’aurais pu avoir des ennuis. Alors on a tourné la page, jusqu’à ce que Karim me téléphone.

— Oui, je comprends, reprit Marie, de toute façon, ça n’aurait rien changé.

Un employé de la morgue vint interrompre la discussion, les invitant à le suivre vers une salle où étaient alignées plusieurs rangées de caissons en acier inoxydable. Il en ouvrit un et fit coulisser un plateau, laissant apparaître le corps d’une femme.

— Vous reconnaissez cette femme ? demanda Salma.

— C’est bien Nawal Asmudi, répondit Myriem en éclatant en sanglots. Qu’est-ce qu’on va faire d’elle maintenant ?

— Si vous le souhaitez, dès que la procédure sera terminée, nous vous préviendrons et vous pourrez vous charger d’elle, sinon, je crains que son corps ne soit utilisé pour des études d’anatomie.

— Je ferai ce qu’il faut avec Karim.