Prologue
Il y a des moments où tout te semble trop calme pour être vrai. Le genre de calme où tu te demandes si t’as pas oublié quelque chose, où tout est trop figé. C’est ça, en fait, le pire. Pas le chaos. Pas l’angoisse. Juste ce moment où tout semble se suspendre. Comme si t’étais dans un rêve où tu sais qu’à tout instant, tout peut basculer. Mais t'as jamais assez de courage pour sauter.
Je me réveille, et l’air dans ma chambre est exactement le même qu’hier. Il fait chaud, mais pas trop. Le soleil filtre à travers mes rideaux gris, un peu trop sales, mais on dirait qu’ils sont là pour me rappeler que, parfois, faut juste faire avec ce qu’on a. Tu vois, cette sensation que tout dans ta vie est déjà réglé, à la limite du parfait. Sauf que... non. Je sens quelque chose qui cloche. Un vide. Comme un décalage. Un truc qu'on cache, un truc que personne n'ose regarder. Mais il est là. Tout autour de moi.
Je traverse la ville en écoutant le bruit des pas des autres. Tout le monde va à son rythme. Tout le monde est trop occupé à ne pas se regarder, à pas se voir. Mais moi, je vois. C’est ce que je déteste. Voir les fissures. Ces moments où je me surprends à regarder une scène dans la rue, un détail précis, un visage qui me semble familier, puis... tout change. Un instant, l’univers était là, solide. Et l'instant d’après, il devient flou, presque translucide. Comme si le temps lui-même hésitait, ou faisait une pause. C’est... dérangeant. Ça me fout un froid. Mais personne ne remarque. Ils n’ont jamais rien remarqué.
Et puis il y a Noah. Je ne sais pas pourquoi il est dans cette ville, pourquoi il est dans ma vie. Il débarque un jour, sans prévenir, un peu comme un fantôme. Il sait. Je le vois dans ses yeux. Lui aussi, il voit les fissures. Et je ne sais pas si c’est ça qui me fait peur le plus : qu’il sache, ou qu’il n’en sache rien. Mais il n’est pas du genre à poser des questions. Juste à disparaître quand tu t’y attends le moins.
Alors, voilà. C’est comme ça que tout commence. Je suis là, dans ce monde figé, à attendre un signe. Un truc qui me dirait qu’il est encore temps de comprendre pourquoi ça ne colle pas. Pourquoi cette réalité, aussi parfaite soit-elle, est en train de se craqueler tout autour de moi. Parce que, au fond, tout ça ne m’appartient pas. C’est juste un moment, un entre-deux. Un entre deux mondes. Et un jour, je serai la seule à m'en souvenir.
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