Les Ombres du Passé
Je suis rentrée chez moi ce soir-là, mais quelque chose en moi a changé. La fissure, la lueur bleue, et Noah. Tout ça, c’est comme une scène que je vois en boucle dans ma tête, un film qui ne s’arrête jamais. C’est comme si le monde autour de moi devenait plus flou, plus lointain. Je suis dans ma chambre, assise sur mon lit, les yeux fixés sur le plafond. Je n’arrive pas à dormir. Chaque bruit me fait sursauter, chaque ombre me semble suspecte.
Ma mère est partie se coucher tôt ce soir. D’habitude, elle m’engueule si je suis trop tard, mais là, elle n’est même pas venue vérifier si je mangeais ou si je révisais. Elle m’a à peine adressé la parole depuis le matin. Je me demande si elle me voit encore, si elle voit ce qui se passe autour de moi. Peut-être que c’est moi qui suis devenue invisible, ou peut-être que c’est elle qui a cessé de vraiment me regarder. C’est une pensée qui me tord le ventre.
Je me lève enfin et me dirige vers la fenêtre. Il fait nuit, mais les rues sont toujours animées. Les lumières des voitures, des enseignes, et le bruit lointain de la ville créent une atmosphère étrange, presque irréelle. Je ferme les yeux un instant, me concentrant sur le bruit de la ville. Mais ce soir, il y a quelque chose de différent. Un silence caché sous le brouhaha. Une pression dans l’air. Comme si tout ce qui se passe à l’extérieur n’était qu’un masque pour quelque chose de plus sombre.
Je prends mon téléphone, mais je n’ai pas envie d’y trouver un message. Pas de message de Noah, ni de mes amis. Pas ce soir. J’ai l’impression que si je le regarde, ça va briser quelque chose. Comme si l’instant présent, tout ce que je vis maintenant, était trop fragile pour être perturbé.
Je suis sur le point de poser le téléphone quand un message arrive. De Noah.
“Viens me retrouver. Ce soir. Tu dois voir ça. Il est temps.”
Je n’ai même pas à réfléchir. Je me lève, j’enfile mes chaussures sans me poser de questions et je sors, encore une fois. La rue est plus calme maintenant, mais l’air semble chargé d’électricité. Un frisson parcourt ma peau. Je sais où il veut que j’aille. Ce parc. Celui avec l’arbre. Celui où les fissures sont apparues.
Je me précipite à travers les rues, ma respiration s’accélérant à mesure que je m’approche du lieu. Pourquoi je vais le retrouver, d’ailleurs ? Qu’est-ce qui me pousse à y aller ? C’est comme si quelque chose dans l’air m'attirait là-bas, quelque chose que je ne peux pas expliquer. Une force invisible. Je suis hypnotisée par cette idée, comme si ce que j’allais découvrir là-bas allait me donner des réponses. Mais à quel prix ?
J’arrive enfin dans le parc. Tout est silencieux. La lune brille dans le ciel, mais tout ici semble… figé. L’air est épais, presque tangible. Je me sens comme une étrangère dans cet endroit, mais je n’ai pas peur. Pas encore. Il y a un calme étrange, presque solennel, qui me fait oublier que j’étais en train de courir à travers les rues il y a quelques minutes.
Je le vois au loin, juste sous l’arbre. Noah. Il est là, comme une ombre parmi les ombres. Il ne se retourne même pas quand j’arrive, mais je sais qu’il savait que je viendrais. Il attend, presque patient, comme s’il savait déjà ce que je pensais.
Je m’arrête à quelques mètres de lui. La fissure est là, encore plus grande qu’avant. Elle se déploie sous mes yeux comme une bouche béante, prête à engloutir tout ce qui passe. J’ai envie de reculer, mais je suis paralysée. Cette lumière bleue, cette sensation que le monde est en train de se tordre autour de moi… ça me fait mal.
Noah tourne lentement la tête vers moi, ses yeux perçant l’obscurité. Il y a une sorte de gravité dans son regard, une compréhension silencieuse.
« C’est ça, » dit-il d’une voix basse, presque comme un murmure. « Tu sens que tout ça est réel maintenant, n’est-ce pas ? »
Je ne sais pas quoi répondre. Parce que, oui, je le sens. C’est comme si tout se mettait en place. Comme si cette fissure, cette lumière, étaient les réponses à toutes mes questions. Mais j’ai peur. Une peur sourde, qui me prend à la gorge, qui me fait me demander ce qui se cache derrière tout ça.
Noah s’avance d’un pas, se tenant près de la fissure. Ses yeux ne quittent pas la lumière. « Il faut que tu voies ça. Tu es prête à voir la vérité ? »
Je n’ai pas le temps de répondre. Il tend la main vers la fissure et l’effleure. Un éclair de lumière traverse l’air. La terre tremble sous mes pieds. C’est comme un choc électrique, un frisson qui me traverse tout le corps. Je ferme les yeux, mais je ne peux pas m’échapper. J’entends un bruit, un bourdonnement, comme une voix qui résonne dans ma tête. Puis tout devient silencieux.
Quand j’ouvre les yeux, je ne suis plus dans le parc. Le monde autour de moi est… différent. Le sol est devenu une mer de sable noir, les arbres sont déformés, leurs branches tordues dans des angles impossibles. C’est un paysage désertique, un monde parallèle qui m’engloutit. Et là, devant moi, un portail. Une porte lumineuse, qui brille d’une lumière bleue intense, comme une invitation.
Noah est à mes côtés, mais il semble plus distant, comme s’il avait pris une autre forme. Une forme plus ancienne, plus… sage.
« Bienvenue, » dit-il, sa voix transformée. « Bienvenue dans le vrai monde. »
Je reste là, figée, le regardant. Mon cœur bat à tout rompre, mais il n’y a plus de retour. Je suis dans ce monde maintenant. Et la seule chose que je sais, c’est que je n’en sortirai pas indemne.
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