Je suis anorexique, je traverse un épisode dépressif caractérisé, etc. etc. mais qui je suis, moi, réellement, je me pose toujours la question.

Je te laisse Journal, il est l’heure de manger. Ca me stresse, ça m’angoisse, manger devant les gens, ingurgiter, avoir des choses qui passent dans, et traversent, mon corps… ça me dégoûte, mais je suis obligé de manger, on vérifie même mes portions à la fin des repas, pour vérifier que j’ai bien avalé des trucs…

Repas terminé, c’était horrible, comme d’habitude.

Je me sens énorme, dès que je mange ; je regarde mon ventre, il me semble proéminent, immonde, on dirait qu’il s’y cache un nid de vers et de rats gloutons prêts à dévorer tout ce qui s’offre à eux. C’est pour ça que je mange aussi peu : pour les combattre, espérer qu’ils meurent, que le nid se défasse, et que mon ventre repose enfin en paix.

Je voudrais les lacérer - j’ai essayé - les faire sortir, partir, les tuer par quelque moyen que ce soit.

Pourtant, Allie est rond, il a des bourrelets adorables au ventre, et j’adore y fourrer la tête, parce que c’est doux, et moelleux.

Mais moi je déteste être doux et moelleux. Je veux être une tige rigide de fer, un squelette en acier, aussi dur et implacable qu’un couteau.

Sinon, je me dégoûte.
C’est comme ça.

Et à la fin de chaque repas, j’ai encore un peu plus envie de mourir.