Le naufragé
« C’est pas croyable, je suis vivant !! »
Voilà, j’ouvre ce journal de bord et c’est de la capsule de survie H436-4 dont je vous parle. Aussi incroyable que cela puisse paraître, j’ai réussi à m’en sortir.
D’où je suis, je confirme que le vaisseau B-623-XVA-B12 est bien en flamme et d’après la puissance des explosions qui le traversent, il sera complètement détruit dans quelques minutes. Nous sommes le vendredi 14 septembre 2472, temps terrien. Il est 10h26 et je me présente, Tony Bracialetti matricule M1-2441-01-3924-538-6. J’étais cuistot sur le pont E3-649-757. Je n’arrive toujours pas à y croire, je fais partie des survivants !
Je crois que ce 14 septembre est bel et bien ‘ma’ journée !
Il faut dire qu’il est du genre précautionneux le Tony : À peine arrivé sur le vaisseau, j’avais minutieusement repéré l’emplacement des capsules de survie. Que ce soit à côté de ma bannette (pour les néophytes : du hamac qui me servait de chambre à coucher) ou des cantines (ou je passais la majeure partie de mon temps).
Je revenais de mon service du matin et comme il se doit, je m’étais arrêté à la cafétéria afin de refaire le monde avec mon pote Dudu. Après avoir descendu trois bières d'affilée et payé mon billet de loto, je revenais vers ma carrée (ma chambre) quand l’alarme retentit !
Les gyrophares rouge vif précisaient que ce n’était pas un exercice d’entrainement et la panique dans les couloirs… le confirmait !
Ça cavalait en hurlant dans tous les sens. Mort de rire ! Ces cons-là n’avaient même pas l’idée de se rapprocher des navettes de sauvetage.
De mon côté, le problème ne se posait pas, je n’avais pas le grade requis pour obtenir une place dans les ‘dites’ navettes, il ne me restait qu’une infime chance de trouver une capsule de sauvetage encore libre.
C’est donc la peur au ventre, que je me précipitais vers l’accès le plus proche d’une d’entre elles. Et là, je n’en croyais pas mes yeux, il y en avait encore une de disponible. Trois avaient déjà été tirées et il restait la MIENNE !
Un large sourire aux lèvres, je m’installais à son bord et verrouillais le cockpit. Sans état d'âme, j'armais l’éjection et go : un survivant de plus !
Et dire que je venais de croiser un crétin à galon qui passa comme une flèche devant cette capsule sans même la voir.
Pauvre gars, il n’allait pas courir bien longtemps !
Alors, je vous donne mes impressions comme elles arrivent. La capsule n’est pas bien grande, pas bien large et pour finir pas bien haute non plus. Restons simple, y’a un fauteuil et si on se calle bien dedans y’a pas de problème.
Les gars qui ont pondu cette capsule ne se sont pas foutus du monde côté matos. Plein de cadrans partout, des loupiottes qui clignotent en tous sens, VERTES (important la couleur, car quand ça clignote rouge ce n’est pas la même histoire).
De toute façon, tout ce barda technique n’a aucun sens pour moi. Les seules infos qui me parlent sont écrites en claire sur le carreau du cockpit :
- Système de détresse activé
- Système de survie opérationnel
Malgré plusieurs tentatives, la radio reste muette. J’ai pourtant pris grand soin de ne pas donner mon grade ou mon matricule. Bien conscient que ces enfoirés de gradés ne déplaceront pas leur navette pour un sous-fifre de mon genre. De toute façon, on ne m’a pas répondu et comme je n’ai reçu aucun message non plus, je suis bel et bien tout seul, comme un con !
Hors de question que je touche à quoi que ce soit d’autre, tout ce bordel semble bien compliqué et j’ai les miches de déclencher l’ouverture du cockpit sans faire gaffe.
Jour 2
Je ne vais pas vous mentir, je n’ai pas passé une bonne nuit ! Bien évidemment je ne me plains pas et préfère ma place à celle des gus restés sur le vaisseau. Mais la capsule s’avère ‘inconfortable’ pour parler correct. Moi, je dirais plutôt : c’est de la merde !
Très vite, j’ai du farfouiller un peu partout pour trouver les rations de survie et l’eau. Pour le reste nada ! Pas un gramme de quoi que ce soit en plus, ni clope ni petite canette de jaja !
Réflexion faite, ça semble plutôt logique, partant du principe que le gars n’est pas censé rester dans la capsule indéfiniment (et à mon grand regret, ce point-là pouvant lui aussi être discuté !).
Assez vite, il m’a fallu trouver les chiottes (toilettes pour les intimes). J’ai dû me rendre à l’évidence, la trappe dans le siège devait bien servir à ça. Après mettre débarrassé de ma combinaison, j’ai testé le système.
Je dirais que ça fonctionne, ce n’est pas la classe, mais ça a le mérite d’être efficace et sans odeur. Chapeau les ingénieurs !
Jour 3
Alors la soyons clair, j’ai mal au cul et je ne vois pas bien comment je vais pouvoir arranger cela. Donc, voici ma seconde impression (après 2 jours dans la capsule) :
Les gars qui ont bossé sur cette capsule sont des pignoufs, des bons à rien. Quand on fabrique ce type de trucs, on doit le tester !
Fermons cette parenthèse. De mon côté, même si je ne me l’avoue pas vraiment, je commence à déprimer. Je reste attentif au tableau de pilotage, car je sens bien que si quelque chose doit se passer dans un avenir proche, ça sera de ce côté-là. Un poil stressant !
Jour 4
Bon, le mal de dos est apparu. Non pas qu’il ait remplacé le mal au cul, non, non. Ils se sont juste additionnés. Et c’est moi qui règle la facture.
Plus grave, les lumières de la capsule se sont éteintes et seul un néon bleu reste désormais allumé. Déjà, rien que ça, c’est flippant !
En plus, sur le cockpit, un nouveau message s’est affiché :
- Attention, la baisse d’énergie disponible entraine le passage des systèmes non vitaux en mode veille !
Bien sûr, dit comme ça, ça parait logique. Mais il faut ajouter cela au contexte et surtout après trois jours de fauteuil non-stop ! Dès lors je vous assure que je n’en mène pas large.
Jour 6
Hier, je n’ai pas eu le courage d’ouvrir le journal de bord. J’ai commencé à rationner la bouffe. Aujourd’hui, je rationne, le rationnement. N’ayant pas grand-chose à foutre de ma journée, je repense à diverses histoires de filles, de beuveries et de bastons.
On est bien peu de chose …
Je passe le reste de ma journée à rêvasser. Je me vois sauvé par un vaisseau croisière. Véritable héros, je suis adulé par la foule de nana en délire. Et je finis dans le lit de miss univers 2472 ; que du bonheur !
Jour 7
Aujourd’hui, bonne nouvelle, finis-le mal au cul !
Ba oui, j’ai plus de cul. En faite je déconne. J’en ai toujours un, simplement je ne le sens plus ! Alors j’espère que cela ne va pas trop me pénaliser pour chier. Encore que, n’ayant plus rien à bouffer, de ce côté-là je devrais être tranquille.
Furax, je repense aux 30 crédits que me doit le gros Dudu et que je ne reverrai plus. Le dit gros Dudu a sûrement disparu dans l’explosion du vaisseau. Vu la masse du gars, les navettes ne l’auront pas accepté et encore moins les capsules de survies : vieille charogne !
Un nouveau message s’affiche sur le cockpit :
- ATTENTION Cryo-préservation activée dans deux jours !
Je reste sans voix. Les fumiers ! Ils vont me congeler. Un compte à rebours implacable s’affiche alors en plein écran, 1 jour 59 minutes 59 secondes.
Jour 8
Que dire de plus, je reste hypnotiser par ce décompte à la con !
Je ne suis pas un crétin et je sais bien que la plupart des gens décongelés ne sont plus que des légumes à la sortie. De toute évidence, je suis le prochain sur la liste des plantes vertes.
Et voilà, le compte à rebours change de format et de couleur.
- 23 Heures 59 minutes 59 secondes
Pour égayer le cockpit, la couleur passe du vert à l’orange. Bravo les ingénieurs !
Jour 9
Ce matin, je me réveille avec une dalle pas croyable. Même les nichons de miss univers me laissent froid. Je n’arrive pas à m’enlever de la tête cette pub crétine sur un paquet de chips !
Dorée et craquante, cette pensée suffit à me faire saliver.
Je donnerai bien ma solde pour un simple paquet de chips !
Puis le compte à rebours change à nouveau de format et de couleur.
- 59 minutes 59 secondes
Et passe de l’orange au rouge. Donc, je confirme, le rouge devient bien la couleur que j’aime le moins. Je reste lucide, cela ne peut pas aller beaucoup plus loin comme ça.
Après les fourmillements, j’ai tout le bas du corps qui s’est mis en grève. Quel espoir me reste-t-il d’être retrouvé rapidement ?
Alors que cela fait près de neuf jours que je dérive vers nulle part.
Surpris, j’élève quelques protestations en voyant sortir de plusieurs coins de la capsule du gaz réfrigérant. Quel comble ! Il me reste encore une minute !
On ne déconne pas avec ces choses-là !
Mais mes protestations restent vaines, enfin elles seront tout de même notées dans le journal de bord. Ba oui ! Là y’a tromperie !
Les ingénieurs devront rebosser là-dessus !
Alors que je remontais, la fermeture éclaire de ma combinaison, elle se coinça sur un petit bout de papier. D’un geste sec, je saisis le gêneur pour me rendre compte que c’était mon billet de loto. Vraiment, quelle sale habitude de perdre son argent dans cette escroquerie.
Looser ! Voilà à quoi se résumera parfaitement bien ma vie !
Mais je garde espoir, le Dudu a peut-être survécu lui aussi et il me doit toujours 30 crédits !!
Loin de la minuscule capsule de survie qui dérive seul au fin fond de l’univers, John Goldush, présentateur vedette de la chaine CBS News Sidéral démarra son émission par cette nouvelle incroyable :
- Mes chers téléspectateurs, en ce jour : Lundi 24 septembre 2472, la nouvelle vient de m’être confirmée ! Nous avons un vainqueur pour la loterie spéciale galactique de cette année ! J’ai donc l’honneur et le privilège de vous informer que l’heureux possesseur du billet gagnant : 12-44-10-13-92-45-38-6-3-64-97-57, sera l’un des hommes le plus riche de l’univers en 2472 ! D’après nos calculs, la somme en jeu est plus que conséquente et devrait avoisiner les deux cent vingt milliards de crédits. L’énormité de cette somme s’explique par le cumul des sommes en jeu non versées ces six dernières années. (John pointa alors son doigt vers la caméra et ajouta) Alors à toi l’heureux possesseur du billet gagnant, tu as un mois pour te faire connaître et empocher le pactole, passé ce délai, la somme sera remise en jeu l’an prochain !
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