17 Enfants
Il faut dire que la famille qui habitait dans le premier appartement avait, à elle seule, 17 enfants. Je me suis toujours demandée comment ils arrivaient à tous dormir dans un appartement identique au nôtre. Même en utilisant le salon comme chambre et avec des lits superposés, ça restait juste encore, apparemment ils y arrivaient. La mère avait un enfant tous les ans.
Un jour, alors que les femmes de l’immeuble s’interrogeaient sur une possible nouvelle grossesse de la mère, je suis allée l’interpeller en lui demandant si elle était encore enceinte et allait avoir de nouveau un bébé. Ma mère m’a filé une baffe pour avoir osé demander ce que toutes les autres femmes auraient bien voulu savoir.
Le père était un grand brun avec une moustache, très hautain, il marchait toujours fièrement la tête bien haute. Il était très sévère avec ses enfants, parfois il les frappait. Il avait une maîtresse, qui habitait l’immeuble d’en face. Lorsqu’il sortait du hall pour aller à sa voiture, il faisait toujours un petit signe de la main à sa maîtresse, et nous les mômes dans son dos, on refaisait tous simultanément le même petit coucou de la main. Dans le groupe, il y avait parfois certains de ses propres enfants. Il était furieux.
Un jour, je l’ai agressé verbalement parce qu’il avait frappé violemment un de ses enfants devant moi. Les mères pouvaient donner des baffes, mais les pères c’était autre chose, c’était bien plus grave. Si bien qu’à la suite de notre altercation, il en a parlé à mon père. Mon père m’a accompagnée chez lui et m’a obligée à m’excuser auprès de ce grand méchant. En m’expliquant ensuite que je ne devais pas parler comme ça à un père, même si c’était mal qu’il batte son enfant.
Aucun des enfants de cette famille n’était avec nous dans nos classes. Dès qu’ils quittaient la maternelle, ils allaient systématiquement tous en classe de perfectionnement, une classe spécialisée pour les enfants en grande difficulté scolaire. Aucun des enfants n’était bien malin, on leur faisait croire tout ce qu’on voulait. Un jour un de leurs enfants, Bébert, s’était fait renversé par une voiture, il avait eu la jambe cassée et plâtrée. Tous les gosses étaient bouleversés par cet accident, ça a été l’occasion pour les mères de nous rappeler tous les dangers de la route.
À l’heure du goûter, la mère appelait tous ses enfants. Elle était installée derrière la table de la cuisine et avait de très gros pains, des miches, et des pots de confiture ou de compote géants, comme ceux que l’on a dans les cantines. Ses enfants tendaient les mains pour avoir une grande tartine. Une main de plus ou de moins, elle ne le remarquait pas. Si bien que régulièrement, je prenais le goûter chez eux en glissant ma main au milieu de celles de ses enfants.
Pour les toilettes, c’était pareil. Monter trois étages pour aller aux toilettes, ça me faisait perdre du temps de jeu dehors. Cette famille habitait au premier étage, c’était moins haut que chez nous. J’entrais précipitamment chez eux, sans frapper et j’allais directement uriner, sans même demander la permission. Et je ressortais en toute innocence, comme si rien ne s'était passé. Parfois, je tombais sur le père qui me lançait un regard noir. J’expliquais rapidement que c’était urgent et que je pouvais plus me retenir, et je m’enfuyais précipitamment.
Annotations