un, deux, trois, quatre... j'ai gagné ton âme.

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Un verre de whisky à la main, elle déambule dans la salle, à la recherche de la petite fille la plus innocente au premier rang, la plus naïve. Le temps passe, les enfants angoissent.

Quelle victime va-t-elle choisir ?

Soudain, elle s'arrête à la hauteur d'une enfant de neuf ans. Elle est blonde, coquette, et a le regard angélique. Maladroite par nature, l'enfant lui sourit timidement.

En guise de réponse, elle boit une gorgée de son whisky et explose le verre contre un mur avant de porter à ses lèvres le micro.

« Je vais être sincère : je déteste ce jeu. Ce jeu, c'est une version ratée du Monopoly. Une version sans règles préétablies, bien définies. On y joue avec des cartes, des dés, des couteaux pour mieux te planter, des roses et du chocolat pour mieux t'amadouer.

Je m'explique : deux personnes s'embrassent, consomment et tombent amoureuses. Du moins, c'est ce qu'il y avait marqué sur le packaging. Je tenais à le préciser, ce n’est pas aussi simple que ce qui est écrit et si je pouvais contacter le service après vente, je demanderais un remboursement immédiat. Parce que dans la réalité : c'est un bordel sans nom.

Personne n'a les mêmes cartes, les mêmes dés, les mêmes règles, les mêmes armes, la même tactique. Tu verras certaines filles obtenir la carte mariage à l’âge de quinze ans, tu les verras devenir un cliché incarné des films hollywoodiens. Et lorsqu'elles t'annonceront qu'elles ont gagné, certes, tu seras heureuse pour elles, mais ça fait un sacré bout de temps que tu es sur la table de jeu et tu aimerais bien pouvoir quitter la partie toi aussi.


Cette autre fille, là-bas, assise à l'autre bout de la table et qui a les yeux dans le vide vivra l'amour comme des drames shakespeariens. Elle accumulera les échecs amoureux, perdra de son éclat au fur et à mesure de tomber sur des gars qui confondent le jeu de l'amour avec le poker. D'autres hommes, plus cruels, penseront qu'il s'agit d'un jeu d'échecs.

D'autres filles encore, et celles-là sont les plus à plaindre, car certaines d'avoir gagné la partie, d'avoir toutes les cartes en main. Ne sois pas haineuse envers ces filles, enfin pas trop tôt. Certes, elles t'exploseront leur bonheur immense dans la gueule en pensant quitter la table en riant... Mais ces mêmes filles qui affichent leurs plus beaux sourires en te disant :

(prend une voix niaiseuse) — Toi aussi, tu gagneras la partie un jour, tout est possible. Regarde la preuve, j'ai tout. J'ai la maison, le mari, les enfants, le travail, l'amour.

Elle reprend sa voix normale :

Elles qui s'apprêtent donc à quitter la table et découvrent avec stupéfaction et horreur que l'homme ne jouait plus la partie avec elles, mais avait invité une autre joueuse dans leur dos. Ces mêmes hommes qui vont leur faire comprendre qu’elles avait gagné certes, mais dans le passé. Que ce passé était révolu, parfois totalement différent de la réalité qu'elles s'étaient imaginée et qu'elles devraient se faire une raison et revenir dans la partie tôt ou tard.

Certaines renonceront à l'intrigue principale et préféreront jouer au jeu du sexe, plus simple à comprendre et avec plus de cartes disponibles. Il y a peu d'armes, peu de bluff, peu de dés donc moins de manières d'en découdre. La règle d'or est que l'on peut changer de partenaire comme de chaussures, avec une exception néanmoins : ne jamais jouer avec un gars qui peut nous faire perdre la partie et nous faire rétrograder dans la table de jeu de l'amour. Parfois, on te partagera moult conseils pour gagner le jeu de l'amour.

On te donnera les conseils que tout le monde connaît depuis des générations pour démarrer doucement la partie. (prend un ton paternel) — Concentre-toi sur toi, ne te laisse pas écraser. Il faut absolument que tu aies la carte études et travail sans lui.

Mais tu te rendras compte que même ces précieux conseils ne peuvent résoudre toutes les impasses du jeu. Par exemple, une fille piochera la carte amitié et demandera aux autres joueuses :

(imite la voix d'une enfant ) — Comment est-ce que je suis censée me concentrer sur moi, si j'attends des réponses de sa part, ces mêmes réponses qui me permettraient d'avancer dans la partie ?

Elle remarque que la petite fille blonde va se mettre à pleurer.

(Elle l'enlace dans ses bras et essuie les larmes de l'enfant) — Les autres joueuses essayeront de l'aider, bien entendu. C'est un jeu d'entraide. Et parfois, ça peut aussi être un jeu de compétition où les cartes de l'amitié se transforment en art de faire la guerre. Bref, la plupart du temps elles essayeront de t'aider. Mais elles n'ont aucune carte en main qui s'appliquerait à tous les joueurs. Elles n'ont que des suppositions.

( prend une voix douce) — Alors, elles se baseront sur leurs parties ratées, te diront d'agir de telle manière. Mais comme je l'ai déjà dit, personne n'a les mêmes cartes ni les mêmes dés. Certains dés sont durs comme de la roche, d’autres sont doux comme du velours.

Elle retourne à son siège et se sert un autre verre de whisky.


(se tourne une dernière fois vers l'enfant) — Je n'ai aucun conseil à te donner. Je ne sais pas comment sortir de cette partie. Je déteste perdre et sans te mentir ce jeu me fait franchement chier.»

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