Chapitre 2

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J’avais réfléchi tout le weekend à la proposition d’Antonin. D’un côté, je n’avais aucune idée de qui il était et bien qu’il avait été très gentil avec moi je ne savais pas si c’était une bonne idée que de le rejoindre pour peindre son terrain de basket. D’un autre, jamais on ne m’avait proposé un tel projet et j’adorai ce challenge.

Finalement, je m’étais décidée à lui envoyer une réponse dimanche soir. J’étais bien trop motivée par ce que je pourrais peindre sur tout un terrain que ma prudence avait complètement été dévorée par mon imagination. J’avais mille et une idées qui me tournaient en tête. Alors j’avais fini par lui envoyer un simple sms : “D’accord”.

Il avait tout de suite compris que c’était moi vu qu’il m’envoya aussitôt des émojis en fête. Je n’eus pas le temps d’envoyer autre chose qu’il me harcelait déjà de messages, me donnant l’adresse, me demandant quand j’allais passer et quand j’allais pouvoir commencer.

Franchement, j’admirais son enthousiasme. Même par message il arrivait à communiquer son excitation. Et moi qui avait déjà trop d'idées en tête, voilà que je n’avais plus qu’une envie : les coucher sur le papier pour voir ce que ça pouvait donner.

Le retour à l’école le lendemain fut compliqué. Je n’avais aucune envie de me pencher sur les cours. Je passai mon cours d’anglais à griffonner sur mes feuilles des premières esquisses. Je donnais tout ce que j’avais dans mes coups de crayon n’écoutant que d’une oreille Miss Perenzi. Il fallait aussi avouer que sa matière n’était pas des plus intéressantes, enfin c’était surtout sa manière de faire qui ne l’était pas. J’avais l’impression de voir et revoir encore et encore les mêmes choses et ce depuis le collège alors j’avais vite décroché.

— Qu’est-ce que tu fais ? me murmura Emma aussi peu attentive que moi.

— Rien je gribouille.

Je ne sais pas pourquoi je n’avais aucune envie de raconter à mon amie, ma rencontre avec Antonin et encore moins que j’allais peindre pour son terrain de basket.

— Du gribouillage vraiment ?

Elle m’arracha une des feuilles que j’avais mise de côté et la regarda sous toutes ses coutures.

— J’ai l’impression que tu y mets tout ton talent pour du simple gribouillage, me fit-elle remarquer en me rendant mon brouillon.

— Ça m’occupe l’esprit. Et si tu me racontais ton weekend plutôt.

— Ho oui ! Surtout qu’on a fait plein de choses avec Lucas.

Et voilà, le moulin à parole qu’était mon amie était lancé. Il suffisait de parler garçon pour qu’elle soit inarrêtable et c’était pire quand elle parlait du sien. Si on l'écoutait, Lucas était l’homme parfait, il avait toutes les qualités et bien sûr aucun défaut. Il était beau, intelligent, sportif, savait s’habiller et parlait avec ses parents qui il fallait l’avouer était encore plus extravagant et compliqué à suivre que les miens.

Quand la sonnerie de la pause de midi retentit, j'étais heureuse. Je rangeais mes affaires, prenant soin de bien ranger mes premiers croquis dans ma pochette pour ne pas les perdre. On retrouva Martin dans la queue de la cantine où il nous attendait tous les lundis midis.

— Alors ce cours d’anglais, toujours aussi prenant ? nous nargua-t-il.

Monsieur était bilingue, il était donc dispensé de cours.

— Roh ferme la, lui répondit Emma en soufflant. J’ai cru que la fin n’allait jamais sonner. J’ai une faim de loup en plus !

Je n’avais aucune idée de comment elle faisait. Emma était un peu plus petite que moi pourtant elle mangeait pour quatre et ne prenait jamais un kilo. Elle faisait partie de ces gens élus de la nature qui avaient eu le droit à tout. Moi je devais absolument faire attention à ce que j’avalais sous peine de voir mes cuisses doubler de volume en un claquement de doigt.

— T’as fait quoi pendant notre cours du coup ? demanda Emma.

— Pas grand chose. Je me suis posé à la bibliothèque et j’ai dessiné un peu. J’ai essayé de représenter ma maison sous différents angles et franchement je suis plutôt content du résultat, il faudra que je le montre à Kizo.

Monsieur Kizo était notre professeur d’art appliqué, c’était là l’un des seuls cours qui m’intéressait vraiment et dans lequel je m’investissais.

— Ah ! Donc t’as fait comme Mélanie en fait.

— Comment ça ? s’intéressèrent-ils tous les deux à moi.

— Elle n'a rien écouté de la matinée, elle n'a pas arrêté de dessiner. Je suis sûre qu’elle nous cache quelque chose.

Tous les deux me fixèrent en même avec de grands yeux attendant de moi que je leur explique tout. Sauf que j’en avais aucune envie, c’était mon petit jardin secret et j’y tenais. Il fallait que je trouve une excuse, que j’invente une autre raison. Si je me contentais de me taire, il était sûr qu’ils continueraient de me cuisiner jusqu’à ce que je craque et leur révèle tout et il en était hors de question.

— C’est rien, juste un service que m'ont demandé mes parents.

Ohlala mais qu’est-ce que je racontais. J’avais sorti la première chose qui m'était venue en tête et franchement ce n’était pas la meilleure idée. Jamais ils n’allaient gober ça. Ils avaient tous les deux bien compris qu’à part pour m’interroger sur les cours mes parents ne s’intéressaient pas vraiment à ce que je faisais. Il fallait que j’enchaîne et rapidement.

— L’entreprise pour laquelle ils bossent avait besoin d’une nouvelle identité visuelle donc mes parents m’ont demandé d’y réfléchir pour se faire bien voir, c’est tout.

Mais qu’est-ce que je racontais. Niveau mensonge il valait mieux repasser.

— Ah c’est pour ça ? Tu aurais pu me le dire plus tôt tu sais.

Alleluia ! Je ne savais pas comment mais Emma avait gobé mon bobard. Elle était déçue et se reconcentra sur son assiette de pâtes aux champignons me laissant tranquille avec ses questions. J’étais vraiment désolée de lui mentir mais j’étais vraiment heureuse de tout garder pour moi.

Quand je tournais mon regard vers Martin je compris tout de suite que lui ne croyait pas du tout en mon histoire. Ses yeux bleus perçant étaient fixés sur moi alors que son sourcils relevé disait clairement pour lui : “Je ne suis pas dupe, t’es en train de raconter n’importe quoi”.

Je lui fis mon plus beau regard de chien battu, le priant de ne pas en remettre une couche et heureusement pour moi Martin était un ange. Il leva les yeux au ciel mais abandonna aussi, pour le moment. Il était comme Emma, et moi au passage, accro aux potins. Alors j’étais persuadée qu’il n’allait pas lâcher l’affaire très longtemps, juste assez pour me laisser le temps d’espérer m’en sortir avec une pirouette.

Nous continuâmes notre déjeuner tranquillement au milieu du brouhaha du self de l’école. Il était très spacieux et assez grand pour contenir l’ensemble des étudiants et du personnel ce qui en faisait un véritable centre de vacarmes.

Nous avions presque fini nos desserts quand je vis les problèmes s’avancer vers nous à grand pas.

— Mélanie ! Je te cherchais.

Et bien sûr c’était sur moi que ça tombait. Roman était sans conteste l’archétype même du mec populaire, méga riche et sportif des films qu’on voyait à la télé. Et comme dans les feuilletons, il ne manquait pas non plus d’être le type le plus énervant de tous les personnages.

— Les binômes pour le projet combiné d’art appliqué et d’architecture urbaine sont tombés et on a été mis ensemble.

J’allais pleurer. J’avais rien demandé et je me retrouvais forcée de travailler avec lui. Je voyais du coin de l'œil, Martin et Emma en train de souffler, rassurés de ne pas se le coltiner.

— Je compte pas faire ce travail seul alors j’espère pour toi que t’es prête à bosser. Si tu fous rien je manquerai pas de le dire aux profs pour qu’ils te retirent du projet. Je t’enverrai un message pour te dire quand je serai disponible pour qu’on puisse travailler ensemble. D’ici là commence à réfléchir et à faire des premiers modèles.

— T’en fais pas Roman, je vais bosser. J’ai toujours bossé alors t’as pas à me menacer comme ça.

— Je ne te menace pas, je t’informe, me reprit-il.

Il rajusta ses cheveux en passant une main dedans en me toisant une dernière fois de haut, salua rapidement Martin et s’en alla sans rien attendre de plus.

— Bon courage, me souhaita Emma avec un petit sourire.

— Ça aurait pu être pire, tenta de me consoler Martin. Au moins Roman est un bosseur et il a souvent de bonnes idées.

— Tu parles, il va juste me dévorer dès qu’on essaiera de travailler ensemble. C’est toi même qui nous a dit qu’il fallait à tout pris ne pas tomber avec lui quand on nous a annoncé les projets.

— Je sais …

Martin connaissait Roman depuis le collège à peu près. Leurs parents bossaient occasionnellement ensemble ce qui avait forcé les deux garçons à se fréquenter, même si Martin n’a jamais réussi à s’entendre avec Roman. Il nous avait raconté que toutes les fois où il avait tenté de se rapprocher de monsieur parfait, il n’avait eu le droit qu’à un regard noir le toisant de bas en haut, un soufflage de nez et surtout aucun mot.

Dans la catégorie, je me crois meilleur que tout le monde, Roman arrivait loin en tête et il allait falloir que je fasse avec pour réussir notre examen.

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