Chapitre 4
C’était la troisième fois que je venais aux terrains. J’avais à chaque fois sorti une excuse bidon à mes parents pour qu’ils me laissent sortir sans trop poser de questions. Aujourd’hui, j’étais censée être chez Emma pour l’aider en histoire de l’art. Comme si Emma avait besoin de moi pour être dans les meilleures de notre promo.
J’avais enfin fini la première peinture : une immense ballon de basket qui explosait une flaque de couleur en rebondissant sur le sol. J’étais assez fière du rendu final. Il fallait dire que c’était toujours différent entre ce que j’imaginais sur le papier et ce que j’arrivais vraiment à taguer sur les murs.
J’avais eu le droit à beaucoup de compliments autant de ceux qui venaient s’entraîner presque tous les jours, autant des joueurs d’autres équipes qui passaient à l’occasion pour affronter ceux d’ici.
Je trouvais ça fou. Il n’y avait rien d’officiel, on parlait de petits terrains de quartier accessibles à tous à tout moment, pourtant il y avait une véritable organisation entre toutes les équipes pour qu’ils s’affrontent. Je les avais vu tenir des feuilles de match, ils avaient mis en place un véritable tournoi avec ceux qui souhaitaient participer.
— Hey ! me lança Antonin en arrivant dans mon dos.
J’étais toujours aussi étonnée de le voir avec un ballon de basket sous le bras alors que je ne l’avais que très rarement vu jouer avec les autres. Il échangeait quelques paniers avec Alexis à l’occasion mais chaque fois qu’un match avait lieu il venait s’asseoir à côté de moi et les regardait du bord du terrain.
— Je t’ai apporté un café, m’annonça-t-il en me tendant un gobelet. J’ai pas retenu ce que tu m’avais dit que tu buvais alors j’en ai pris un au pif, j’espère qu’il sera bon.
Je trouvais déjà ça adorable qu’il se soit arrêté exprès pour moi pour me prendre un café que j’allais pas faire la difficile. Je lui pris la tasse des mains et effleura ses doigts. Je ne sais pas trop pourquoi mais ce micro contact me donna envie de me rapprocher de lui et de le toucher un peu plus.
Je bus une gorgée de café tentant d’oublier l’image qui venait d'apparaître dans mon esprit. Mais à quoi je pensais à la fin, ça ne me ressemblait pas. Il fallait dire qu'aussi rien de tout ça ne me ressemblait. Jamais je n'aurais imaginé traîner dans un des quartiers est de la ville avec des jeunes qui semblaient ne vivre que pour le basket et qu’il y a deux semaines je ne connaissais même pas. Pourtant j’étais bien ici. Personne ne me jugeait pour ce que je faisais, personne ne se mettait à ma place et me disait quoi faire. Enfin à part peut-être Alexis mais lui était un cas à part.
Antonin m’avait dit de ne pas y faire attention qu’il avait du mal avec les nouvelles têtes pourtant j’avais l'impression qu’il y avait plus que ça. J’avais l’impression de le déranger comme si ma seule présence ici l'embêtait. Sauf que j’avais rien fait et puis c’était Antonin qui m’avait invitée. S’il n’était pas content, il n’avait qu’à voir avec son ami.
— Merci, il est parfait, le rassurais-je avec un sourire.
C’est fou comme il était simple de sourire avec lui, il avait cet effet sur moi. J’étais bien quand il était là.
— On organise une petite fête ce soir à la résidence. Ça te dirait de venir ? J'aimerais bien que tu sois là…
Est-ce qu’il était gêné ? J’en avais bien l’impression. Il m’avait invitée mais ne m’avait pas regardé une seule fois alors que d’ordinaire il avait cette habitude de regarder les gens dans les yeux quand il parlait. Ce petit air lui allait à ravir, ça lui donnait un petit charme en plus et je me surpris à sourire à ses manières. J’avais très envie de dire oui, mais en même temps, il y avait mes parents.
— Je ne sais pas, j’ai cours demain.
— Tu auras qu’à rentrer tôt, enfin, pas trop tard, se corrigea-t-il en souriant. Tu verras, nos soirées sont les meilleures ! Tu ne seras pas déçue d’être venue.
— Bon d’accord, je vais essayer de passer. Mais je ne promets rien, il faut d’abord que j’arrive à convaincre mes parents.
— Yes ! se réjouit-il. Allez hop rentre chez toi et revient tout à l’heure. Je t'attends pour dix-neuf heures, capito ?
Je ris à cette expression et fit semblant de fuir en courant les mains en l’air. Je l’entendis s’esclaffer derrière moi et ce rire suffit à me combler, comme si l’entendre être si joyeux, me rendait heureuse à mon tour.
Pendant tout le trajet en bus, il ne me tardait que d’y retourner pour passer la soirée avec Antonin, pourtant le plus dur restait encore à faire : convaincre mes parents. J’allais devoir trouver une bonne excuse pour ressortir ce soir et pour expliquer le fait que j’allais rentrer tard une veille d’école.
En arrivant je les trouvais, pour mon père sur la table du salon en train de trafiquer sur son ordinateur portable, pour ma mère, je l’entendais faire les cent pas à l’étage. Sûrement était-elle au téléphone. Cette disposition me convenait parfaitement, convaincre mon père était souvent la partie la plus facile. Plus facile oui mais pas pour autant aisée. Dès qu’il me vit m’approcher de lui, il leva la tête et retira les lunettes qu’il portait seulement pour travailler.
— Alors cette séance de révision ? me demanda-t-il.
— Super, on a bien avancé mais il nous reste encore un chapitre à revoir.
— Ce n’est pas grave vous pourrez le reprendre plus tard. Il ne faudrait pas que l’aide que tu portes à Emma nuise à tes propres révisions.
Ça s’annonçait un peu plus compliqué que prévu. Depuis quand mon père était si porté sur mes révisions d’habitude c’était plutôt ma mère qui faisait ce genre de remarques.
— Je sais oui, mais tu sais Emma est plus douée que moi en géométrie. On aurait pu la travailler en suivant. Comme ça c’est du donnant donnant, on est toutes les deux gagnantes dans cette affaire.
— Et ça te ferait rentrer à la maison à quelle heure ça ? Tu sais qu’on aime pas avec ta mère que tu traînes dehors le soir.
Ho que oui j’étais au courant. Entre les fêtes où je n’avais pas pu aller et celles où ils m’avaient mis la honte en venant me chercher à vingt-deux heures en jouant les parents poules, je le savais.
— Mais je vais rester dormir chez elle, ripostai-je sans réfléchir.
Qu’est-ce qui m’avait pris de dire ça ? Je n’avais nulle part autre où dormir, je n’allais pas rester chez Antonin. Bien que cette idée ne me semblait pas si désagréable. Non, non, non, je ne pouvais pas penser à ça. Puis merde je me débrouillerai d’une façon ou d’une autre et maintenant que j’avais lancé ça et que mon père me regardait de travers j’avais intérêt à appuyer ce que je disais.
— Elle habite pas très loin de l’école, j’aurai aucun problème à aller en cours demain. Au contraire, même, surtout qu’Emma est une élève studieuse, c’est inconcevable pour elle d’arriver en retard en cours.
J’abusais un peu, mais il valait mieux si je voulais réussir à le convaincre. Ce qui semblait plutôt en bonne voie. Il s’était adossé à sa chaise en croisant ses mains sur son ventre. Quand il faisait ça d’habitude c’est qu’il venait de résoudre un problème qui lui avait pris du temps pour le travail. J’espérais que là, la solution était de me laisser aller “dormir chez Emma”.
— Bon d’accord très bien. Mais attention jeune fille, si j’apprends que tu as été en retard en cours demain, tu en entendras parler. Suis-je clair ?
— Très. Merci papa ! lui lançais en filant dans ma chambre.
Faire ses affaires vite, se préparer vite, et s’enfuir vite avant qu’il ne change d’avis ou que ma mère arrive pour mettre son grain de sel dans cette histoire. J’en profitai également pour envoyer un message à Emma. Tant pis pour mon jardin secret j’avais besoin d’elle et je préférai tout raconter à ma meilleure amie que de louper cette soirée. Je croisais les doigts pour qu’elle comprenne ma situation.
Je finissais tout juste de boucler mon sac avec des affaires de rechange pour demain que mon téléphone vibrait sur le rebord de mon bureau. Je lui avais demandé si elle pouvait m’héberger de toute urgence chez elle pour cette nuit sans rien lui expliquer d’autres pour le moment. Je n’étais donc pas surprise qu’elle s’inquiète pour moi dans sa réponse.
“Rien de grave, je t’explique quand j’arrive, je vais au bus là”, lui envoyai-je.
“Je t’attends !!!!” reçus-je dans la seconde.
J’espérais vraiment qu’elle allait bien vouloir m’aider et j’espérais aussi ne pas la décevoir avec mon histoire. On était loin de ses super anecdotes avec Lucas ou de celles de Martin avec les garçons qu’il rencontrait. Etais-je vraiment en train de comparer ma relation avec Antonin à celles de mes amis ? J’en avais bien l’impression. Il fallait vraiment que j’arrête de me voiler la face, j’appréciais vraiment Antonin…
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