Chapitre 7

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Était venu l’heure de ma mort. Je me rongeais les ongles dans le bus qui était en train de me ramener chez moi. J’avais déjà reçu un message de ma mère me signifiant bien qu’ils m’attendaient à la maison, qu’il fallait qu’on parle. J’avais pensé à cette discussion toute l’après-midi. Si Kizo souhaitait que je me reconcentre en cours, on était mal parti. Je n’avais eu la tête à aucun d’entre eux. Il me tardait seulement demain que cette journée soit enfin finie et que je puisse passer à autre chose. Enfin, si mes parents ne me tuaient pas dès que je passerai le pas de la porte.

J’avais la boule au ventre quand je descendis du bus. Tout mon corps tremblait. La dernière fois que je m’étais vraiment fait engueuler remonter à de nombreuses maintenant quand dans un caprice j’avais jeté tout mon matériel neuf de dessin à la poubelle. J’avais eu le droit à une sacrée remontrance et je crois bien que j’avais été enfermé à la maison pendant plus d’un mois, si ce n’était pas deux.

Je pris une grande inspiration en posant ma main sur la poignée. Je soufflai un bon coup avant de l’abaisser et de franchir le seuil. Mes parents étaient tous les deux là, assis sur le canapé, attendant bien sagement que je rentre. Un silence de mort planait à l’intérieur annonciateur de ce qui m’attendait.

— Viens t’asseoir, m’ordonna ma mère.

Son ton strict et dur était à son image. Elle avait les mêmes cheveux que moi, tout aussi long, tout aussi noir sauf qu’à mon inverse, elle les tirait toujours à quatre épingles en un chignon sophistiqué d’où aucun cheveux ne parvenait à s’échapper. Ses yeux que je trouvais d’ordinaire aussi beau qu’un ciel d’été ne m'inspiraient qu’un bleu glacial en ce moment. Je comprenais bien mieux l’expression les yeux revolvers tout à coup.

Je m’assis sur le fauteuil qu’ils avaient soigneusement installé face à eux, ne sachant pas trop qui regarder. Je me contenter de fixer mes mains jouant avec la bague que je portais à la main droite et que mes grands-parents m’avaient offert à mes dix-huit ans.

— Peux-tu nous expliquer jeune fille ce qu’il s’est passé à l’école pour que ton professeur en vienne à nous appeler en pleine journée ? me demanda-t-elle accentuant chaque syllabe les rendant plus affutés les unes que les autres.

— J’ai mal dormi cette nuit, alors j’ai eu du mal à suivre ce matin. Mais ce n’est rien, ça ne se reproduira pas…

Je n’avais rien pour me défendre, je tentais tant bien que mal de trouver des arguments sachant très bien qu’ils allaient tous les découper en deux.

— Quand tu m’as demandé hier de rester chez Emma, je t’ai mise en garde il me semble, et tu m’avais promis que ça se passerait bien.

Je sentais toute la tristesse dans la voix de mon père. Il avait l’impression que je l’avais trahi, ce qui d’une certaine façon n’était pas complètement faux. J’avais inventé toute cette histoire de révision pour assister à une fête.

— Je sais, mais …

— Non, me coupa ma mère. Nous avons tout fait pour toi, nous t’avons soutenu, nous t’avons poussé à développer ton talent pour rejoindre cette école et maintenant que tu y es, tu fais n’importe quoi. J’en attendais beaucoup mieux de toi. Tu me déçois énormément.

Ses mots me faisaient mal. J’avais l’impression qu’on m’enfonçait un couteau dans le cœur. Je savais que je les avais déçu pour autant je ne pensais pas qu’elle utiliserait des mots aussi forts. J’étais terrassée, je sentis des larmes couler le long de mes joues mais je ne pris pas la peine de les effacer.

— Mélanie, tu sais que nous voulons le meilleur pour toi, c’est pour…

— Ne te laisse pas attendrir Robert, le coupa-t-elle. Elle n’est plus une enfant. Elle devrait savoir que chacun de ses actes à des répercussions. Elle n’a pensé qu’à elle et n’a pas réfléchi une seule seconde à l'image que cela allait donner de nous. Te rends-tu compte de notre gêne quand nous avons reçu cet appel en pleine réunion que j’ai dû quitter. Tu n’y penses pas à ça, pas vrai ?

Je rêvais où elle était en train de me dire que ce qui la dérangeait vraiment dans cette histoire était qu’on l’avait appelée pendant son travail. Elle n’en avait rien à faire de la raison, tout ce qui l’importait c’était l’impact que ça avait eu sur elle. Je n’en revenais pas. Je savais qu’elle portait peu d’intérêt à ce que je faisais mais là, ça dépassait l’entendement. J’étais qu’une gêne pour elle en fait.

Mes larmes devinrent rapidement des larmes de colère tandis que je sentais monter en moi une rage folle. Ne pouvaient-ils pas un tant sois peu s’intéresser à moi, à ce que je voulais, à ce que j’aspirais. Non, bien sûr que non, ils étaient bien trop accaparés par leur petite personne.

— Je pense à moi vu que personne d’autre dans cette maison ne le fait ! leur lançais-je à la figure.

— Comment oses-tu ? éleva à son tour la voix ma mère. Nous avons tellement sacrifié pour toi.

— Ah oui ? Et quoi donc ? Je serais heureuse de le savoir. La seule chose que vous sacrifiez c’est moi. Et le pire c’est que vous ne vous en rendez même pas compte.

À ces mots je me levai du fauteuil et les laissai là. Mon père tenta bien de me rappeler mais je ne voulais plus les écouter j’en avais assez de les entendre. C’était sûrement réciproque vu que ma mère n’essaya même pas de m’arrêter.

Je fermai la porte derrière moi et me laissai tomber contre, laissant sortir toutes les larmes que j’avais. J’étais triste, en colère, abattue et désespérée. Beaucoup trop d’émotions s’emparaient de moi et j’avais besoin de les extérioriser.

Je restai là pendant trente bonnes minutes me laissant aller et tentant d’oublier toute cette journée. C’est les yeux rouges et les lèvres encore salées que j’enfilai mon sweat, abaissai ma capuche et sortit par la fenêtre, j’avais besoin de prendre l’air, de souffler.

Je laissai mes pas me mener où ils en avaient envie. Moi je ne voulais rien, seulement respirer. Le petit air qui venait de s’installer en cette fin de journée me fit frémir sous mon pull, ça ne m’arrêta pas. Je marchai sans savoir où j’allais, je ne faisais que ruminer faisant tout juste attention à ne pas rentrer dans quelqu’un.

C’est en entendant un bruit qui commençait à devenir vraiment habituel que je relevai la tête et me rendis compte que je m’étais mis en route des terrains de basket. J’avais marché pendant près de quarante minutes sans m’en rendre compte.

Etrangement, le son des ballons rebondissant sur le sol m’apaisa un peu plus. Mon cœur se calla à ce rythme et doucement repris un battement régulier. Je m’approchai pour mieux voir les joueurs et me posai contre le mur à l’angle des terrains. Je n’avais pas spécialement envie d’approcher, je voulais juste les regarder jouer.

Mes yeux agrippèrent tout de suite l’un des garçons présents sur le terrain : Antonin. Il ne portait qu’un simple maillot de basket qui laissait voir ses bras puissants, tendus par l’effort de son match. C’était la première fois que je le voyais aussi concentré, aussi déterminé. D’habitude, il était plus à faire le malin pour faire rire les autres quand il foulait le terrain. Là non, il avait envie de gagner, ça se voyait même de là où j’étais.

Je le regardai dribbler ses adversaires, passer le ballon à ses coéquipiers, défendre sous son panier et tirer des shoots pour marquer des points. Quelque soit l’action, mes yeux étaient forcément ramenés sur lui. Il était magnifique alors que ses cheveux lui collaient sur son front, que ses jambes commençaient à trembler sous l’effort, que sa nuque ruisselait de sueur. Moi qui n'avais jamais trop aimé dessiner des portraits, je regrettais de ne pas avoir de papier et un crayon pour dessiner son corps tirés par l’effort.

On siffla un quart temps et c’est alors que je vis que l’arbitre n’était autre qu’Alexis. J’étais étonné de le voir dans ce rôle. D’habitude, il était le premier à se trouver sur le terrain, un ballon à la main. Antonin s’approcha de lui et je compris que son ami n’était pas au meilleur de sa forme, il boitait lorsqu’il ne sautillait pas à moitié. Il s’était fait mal, il semblerait, voilà peut être pourquoi Antonin se donnait tant de mal pour ce match. Je reconnaissais bien là en lui son côté empathique et son envie d’aider son prochain.

Il rejoignit le reste de son équipe et c’est là que nos regards se croisèrent. Je vis tout l'étonnement dans ses yeux avant qu’un grand sourire ne se dessine sur son visage. Il me fit signe de la main, de m’approcher, de le rejoindre mais je refusai de la même façon.

J’étais bien là à le regarder. Je n’avais pas envie de parler. Je n’étais pas dans la meilleure forme pour m’arrêter et discuter avec lui. Il avait beau toujours être attentionné, je ne voulais pas lui transmettre ma mauvaise humeur surtout en ce moment où je le voyais tant se démener. Il n’avait pas besoin d’entendre mon malheur.

Je vis qu’il ne comprenait pas trop mon comportement mais son match reprit alors il se reconcentra dessus. Je le regardai jouer jusqu’à la fin, jusqu’à leur victoire et alors je me sentis prête à rentrer chez moi. Cet interlude de sérénité m’avait fait du bien. Je n’avais pas pardonner à ma mère sa réaction mais j’étais quand même prête à retourner à la maison.

Je pris le bus cette fois-ci pour rentrer. Faire tout le trajet à pied une fois m'avait suffi. J'eus tout juste le temps de me poser dans ma chambre que je sentis mon téléphone vibrer dans ma poche. Antonin venait de m'envoyer un message :

Ben alors pourquoi t'es pas venu dire bonjour ou bonsoir ?

T'étais occupé je ne voulais pas te déconcentrer.

Parce que tu crois que ta présence peut me déconcentrer ?

J'en suis même sûre.


Après cette soirée mouvementée, échanger avec lui me faisait du bien. J'aurai peut-être dû le rejoindre après son match finalement. Tant pis, ça ne servait à rien de ressasser le passé.

T'as peut-être raison, mais personne saura vu que tu t'es pas approchée.

Une prochaine fois. Je voulais pas te déranger j'ai pas eu une journée facile.

Tu veux en parler ?

Non t'en fais pas ça ira mieux demain. Sinon comment va Alexis j'ai vu qu'il jouait pas, il est blessé ?


Je ne voulais pas m'attarder sur ça. Même si j'étais plus calme je savais qu'en parler me remettrait dans le mal.

C'est rien, une vieille blessure qui se réveille des fois. Mais ne t'inquiètes pas pour lui. Intéresse-toi plutôt à moi, pas à lui.

Serait-ce de la jalousie que j'entendrai là ?

Pas du tout !! Bon sinon quand est ce que je te revois ?

Il était tout aussi fort que moi pour changer de discussion quand ça l'arrangeait.

Je ne sais pas. Quand j'aurai le temps de venir travailler sur la fresque.

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