Chapitre 10
Notre après-midi fut bien plus calme avec Antonin. Même après le dérapage que nous avions eu le matin et que nous étions heureux d’avoir eu, nous avons continué à nous chercher. Je trouvais ça étrange de le dire mais c’était vrai, avoir fait l’amour avec lui nous avait rapproché d’une nouvelle façon. Ça nous avait permis de passer le cap, que nous n’arrivions pas à franchir jusqu’à présent.
Nous mangeâmes le midi en regardant une vidéo youtube et cette fois-ci je l’aidai à ranger notre repas. Je ne voulais pas qu’il pense que je le laissai tout faire. Je voulais me sentir utile aussi. Il attrapa un des ballons de basket qu’il avait, je m’étais moqué de lui en apercevant les quatre ballons se faisant la guerre dans un coin de l’appart. Je ne comprenais pas à quoi ça lui servait d’en avoir autant, il n’avait trouvé à me répondre que “au cas où”, et même s’il réussit à me faire rire avec ça, ça ne répondait pas du tout à ma curiosité.
En arrivant aux terrains, seulement l’un des deux était utilisé. On s’installa sur le second où Antonin commença quelques shoots. Il cherchait à m'impressionner, je le voyais aux dribbles qu’ils tentaient et aux tirs étranges auxquels il se soumettait.
— T’es pas très fort, le critiquai-je en rigolant.
— Facile à dire quand on reste assise sur le côté. Allez debout !
Il s’approcha de moi, passa dans mon dos et passa ses bras sous mes aisselles pour me mettre sur mes pieds. Sa combine réussit, il me tira par la main vers le panier me volant un chaste baiser au passage.
Il récupéra le ballon de basket qu’il mit entre mes doigts.
— Allez vas-y je veux voir ton magnifique talent.
— Te moques pas, me plaignais-je en faisant semblant de bouder.
— C’est la clinique qui se fout de la charité là madame.
Je le regardai essayant de savoir s’il avait fait exprès ou non mais devant son air très sérieux je ne pus que me tordre de rire. Il était vraiment nul en expression française et d’une certaine façon ça lui donnait un charme presque candide.
— T’as vu tu ries de moi encore !
— Désolée Antonin mais c’était plus fort que moi. Il va vraiment falloir revoir toutes tes expressions, tu es au courant de ça ? ne pouvais-je pas m’arrêter de rire.
— Ah ah ah très drôle, pendant ce temps j’attends toujours de te voir le mettre ce panier, me tira-t-il la langue.
Je tentai de reprendre mon sérieux et me concentrer sur l’anneau du panier. J’avais fait un peu de basket en sport au collège et n’avais pas été des plus douée, je savais très bien que j’allais me ridiculiser en tirant mais tant pis, je l’avais cherché.
Je shootai et le ballon toucha au moins le carré du panier même s’il n’avait pas du tout touché l’arceau ni le filet. C’était déjà ça, franchement j’étais plutôt contente de moi et de mon tir. Il n’était pas aussi nul que ce que je pensais.
Antonin partit récupérer le ballon et me le remit entre les mains, un petit sourire espiègle était apparu sur son visage. À quoi avait-il pensé encore pour me regarder ainsi.
— Je vais t’aider à bien te placer.
Et sans attendre il passa derrière moi collant tout son corps contre le mien. Je sentais son souffle caresser mon visage. Pensait-il vraiment m’aider ainsi ou cherchait-il seulement à me déconcentrer. Il posa ses mains au-dessus des miennes autour du ballon, en profitant au passage pour légèrement caresser la courbe de mes hanches.
— Tu es prête ? me murmura-t-il à l’oreille.
L’abruti avait pris sa meilleure voix suave pour me demander ça. Etrangement je n’avais plus du tout envie de jouer au basket. Pour autant je restais concentrée. Hors de question qu’il se rende compte si vite de l’impact qu’il avait sur moi, sur mon esprit, sur mon corps qui semblait déjà en redemander alors que je ne m’étais pas encore remise du matin.
Je fis oui de la tête et ensemble nous tirâmes notre panier qui comme on se l’entendait ne toucha même pas le carré. Nous nous étions complètement gênés pendant notre tir résultat le ballon n’avait même pas réussi à atteindre la hauteur du filet.
— Ce n’était peut-être pas la meilleure idée pour t’apprendre à jouer, pensa-t-il à voix haute.
— Parce que tu croyais vraiment que ça allait marcher ?
Ce garçon m’épuisait déjà et pourtant je n’avais aucune envie de rentrer chez moi. En fait, je n’avais aucune envie de me séparer de lui.
— Encore ensemble tous les deux ?
Alexis venait de nous rejoindre sur le terrain et sa phrase sonnait plus comme une critique que comme une réelle question. Moi qui avait pensé que notre relation allait un peu mieux depuis la soirée ici, ben, je m’étais bien trompée. Il ne semblait pas du tout apprécier ma présence sur son terrain. À moins que ça soit de me voir avec Antonin qui le dérangeait tant.
— Oui, j’essaie d’apprendre à Mélanie à jouer au basket. Même si on part de loin, pour ne pas dire de très loin.
Je fis la fille faussement touchée en lui donnant un coup de coude dans les côtes alors que nous nous mettions à rire. On arrêta bien vite en voyant qu’Alexis n’avait même pas esquissé un sourire.
— Ouai, se contenta-t-il de dire. J'espérais qu’on pourrait se voir un peu. Ça fait longtemps qu’on n’a pas passé du temps rien que tous les deux.
S’il ne cherchait pas à me faire fuir et ben il s’y prenait quand même très bien. J’étais à deux doigts de les laisser là tous les deux, au vu des regards meurtriers qu’il me lançait. En plus ça ne lui allait pas du tout. Sa frimousse toute mimi avec ses cheveux blonds et bouclés lui donnait un air tout gentil, tout mignon qui ne collait pas du tout avec l’air qui se donnait en ma présence. Je m'apprêtais à parler pour partir en suivant mais Antonin me devança.
— On n’a qu’à se voir ce soir. Je comptais passer l’après-midi avec Mélanie avant qu’elle ne rentre chez elle.
À aucun moment, j’avais imaginé qu’Antonin puisse remballer Alexis, même gentiment, pour moi. C’était son meilleur ami après tout.
— Je te rejoins dès qu’elle part, t’as ma parole, continua-t-il.
J’étais tellement touchée par son geste. Jamais je n’avais imaginé que quelqu’un puisse faire le choix de passer du temps avec moi alors qu’on l’attendait autre part. Je trouvais ça tellement adorable mais j’étais bien la seule à le trouver.
Alexis se contenta de souffler, hausser les épaules et râler à mi-voix avant de partir en direction de la résidence.
— Tu es sûr ? lui demandai-je. Je comprends si tu veux aller le rejoindre.
— Non, je préfère passer un peu de temps avec toi. Et puis t’en fait pas pour Alexis ça finira bien par lui passer.
— Il est comme ça avec tout le monde ? Ou c’est juste moi qui le dérange spécialement ?
— C’est compliqué… On va s’asseoir ? me proposa-t-il.
Nous nous écartâmes des terrains de basket et partîmes nous installer sur un banc dans un tout petit parc environnant. Il était à deux pas et ne comportait qu’une balançoire et une toile d’araignée. Il y avait rarement du monde qui venait là et ça m’allait, on était tranquille pour discuter. On s’assit et je me blottis contre alors qu’il passait un bras autour de mes épaules.
— Il y a quelques années Alexis était destiné à devenir un grand joueur de basket, des équipes pros avaient déjà commencé à le repérer et à entrer en contact avec lui. Il avait une super équipe et surtout un équipier en qui il avait toute confiance et à qui il s’était ouvert sur plein de sujets. Autrement dit, il vivait la meilleure vie qu’il pouvait avoir, mais ses rêves ont vite pris fin. Il a eu… un accident. Après ça, il n’a plus joué au basket de la même façon. Son équipe lui a tourné le dos. Et surtout il a été trahi par son ami qui est allé raconter au reste de l’équipe tout ce qu’il lui avait confié. Il a tout perdu à cause de ça et depuis il ne veut plus s’ouvrir à personne. Je suis l’une des seules personnes à qui il veut bien encore parler mais crois moi ça a été dur alors que je le connais depuis toujours. Aujourd’hui, il a peur que ça m’arrive à moi aussi. Il a peur qu’en m’ouvrant à quelqu’un de nouveau, je finisse détruit comme lui pense l’être.
— Je comprends… Mais il ne peut pas rester fermé pour toujours à tout le monde, il passerait à côté de beaucoup de choses. Il passerait à côté de sa vie.
— C’est ce que je m’efforce de lui répéter mais il pense qu’il n’a déjà plus de vie. Alors maintenant il fait tout pour que moi je vive ma vie à fond, que j’atteigne mes rêves.
— Et c’est quoi tes rêves ? lui demandai-je.
C’est vrai que nous n’en avions jamais parlé. D’habitude, je parlais surtout de moi, du boulot à l’école d’archi, des dessins que j’adorai peindre et de comment ça m’était venu mais jamais il ne m’avait vraiment parlé de lui. Il ne s’était jamais ouvert en profondeur.
— Je ne sais pas, justement. Je n’ai pas encore trouvé. J’enchaîne les petits boulots en intérim en espérant trouver un jour ma voie. Pour l'instant, on ne peut pas dire que ça soit vraiment une réussite.
— Tu finiras bien par trouver. Je ne m’en fais pas pour toi, le réconfortai-je.
— Et toi alors, l’école d’archi c’était un rêve ?
Je me blottis un peu plus contre lui, posant ma tête contre son épaule. C’était une bonne question ça, enfin c’était surtout la première fois qu’on me la posait, ou du moins, qu’on attendait vraiment que j’y réponde.
— Pas vraiment non… C’était plutôt une décision de mes parents. Ils pensent que c’est une bonne voie dans laquelle s’engageait et qui me permettra de bien m’en sortir. Ils ont raison en soit, avouai-je.
— Ils peuvent avoir raison. Ce n’est pas pour autant que c’était le bon choix. Si toi tu n’as pas pris cette décision, que tu aurais préféré en faire une autre alors c’est que ta vie est ailleurs.
— Peut-être mais maintenant je suis bloquée là. Je ne vais pas arrêter l’école maintenant et puis mes parents ne me le pardonneraient jamais, ça tu peux le croire.
— C’est pour ça que tu ne voulais pas rentrer chez toi hier ? me demanda-t-il en déposant un baiser dans mes cheveux. Tes parents sont durs ?
— Surtout ma mère. Elle pense prendre les meilleures décisions pour moi et tout savoir de la personne que je suis mais elle est loin du compte… Mon père est un peu plus présent, un peu plus compréhensif mais il se fait rapidement entraîner par les idées de ma mère. Dans ces cas-là, il se tait et fait comme moi : il attend que l’orage passe.
— Au moins, ils sont tous les deux présents… murmura-t-il plus pour lui que pour moi.
— Et toi ? Ton père ? Où est-il ? Il habite dans le coin ?
— Aucune idée…
J’entendis toute la lassitude et la tristesse dans sa réponse. J’avais l’impression de toucher du doigt quelque chose d’encore plus fragile que le décès de sa mère. Pour autant, je sentais qu’il avait envie d’en parler. J’attendis patiemment qu’il veuille bien s’ouvrir à moi sur ce sujet.
— Je ne l’ai jamais connu. Je ne sais même pas s’il est au courant que j’existe. De ce que ma mère me racontait, elle ne lui a jamais dit qu’elle était enceinte et ils ont fini par perdre contact. Tout ce que je sais c’est qu’ils se sont rencontrés ici alors qu’il était en permission, que ça a tout de suite été le coup de foudre entre eux mais qu’il a dû bien vite rentrer. Tout ce que j’ai de lui, c’est cette médaille.
Il enleva la chaîne qu’il portait autour du cou et me la tendit. Je voyais enfin ce que c’était et comprenait ce qu’elle représentait. Il s’agissait d’une médaille militaire en acier. On trouvait d’habitude un numéro de matricule et le nom du militaire à qui elle appartenait. Celle-ci était cassée. Seuls les chiffres étaient entier, du nom il n’en restait que le début : Mer. Ce n’était pas grand chose mais en même temps il avait au moins une information sur lui.
— Tu ne voudrais pas essayer de le retrouver ? lui demandai-je.
À sa place, je serai curieuse de savoir qui il est, j’aimerai le rencontrer, apprendre à le connaître. Surtout que d’après Antonin, il n’était même pas au courant de son existence. J’étais persuadée qu’il serait content de savoir qu’il a un fils.
— Je ne sais pas… Et puis même que veux-tu que je fasse pour le retrouver, je n’ai pas son nom entier et même pas son prénom.
— Non mais tu as son matricule. Je suis sûre que tu dois pouvoir le retrouver grâce à ça. Attends, laisse-moi regarder.
Il n’avait pas dit non et juste ça me faisait penser que lui aussi voulait le trouver. Je sortis mon téléphone de ma poche et lançais Google. J’étais sûre qu’aujourd’hui, avec toutes les informations qu’on pouvait trouver sur internet, on allait bien réussir à dénicher quelque chose.
Je fouillai plusieurs sites les uns après les autres, je sentais Antonin suivre avec beaucoup de concentration mes recherches. Il était curieux lui aussi. Je finis par trouver un site internet qui semblait être le graal pour nous.
— Regarde sur celui-là. Ils proposent de faire des recherches pour retrouver des soldats et on peut le faire à partir d’un matricule. C’est exactement ce qu’il nous fallait. Tu veux le tenter ?
— Tu es sûre que c’est une bonne idée ? Je me suis fait à l’idée de ne pas connaître mon père.
Il m’enserra la taille, posant son menton dans le creux de mon épaule. Il était stressé et je le comprenais très bien. Après on pouvait toujours relativiser.
— Dit toi que ça ne t’engages à rien. Tu peux demander des informations et au final ne jamais t’en servir. Personne viendra vérifier qu’elles servent à quelque chose. Et puis s’il faut, ils n’auront rien du tout ce qui ne fera rien changer à la situation actuelle. Après si tu ne veux pas, si tu ne te sens pas prêt, on le fait pas. C’est à toi de prendre cette décision, à toi et à toi seul.
Il resta un moment à fixer l’écran de mon téléphone sur lequel était affiché le formulaire à remplir pour obtenir des informations. Il posa ensuite ses yeux sur la médaille qu’il tenait dans sa main et qu’il n’avait toujours pas repasser autour de son cou.
— D’accord, finit-il par dire. On peut le remplir ensemble.
J’étais heureuse qu’il passe cette étape, j'espérais vraiment qu’il allait avoir plus d'informations sur son père, au moins un prénom. Je trouvais ça important de savoir d’où on venait, ça nous aidait à nous construire. Même s’il m’arrivait de ne pas supporter mes parents, j’étais heureuse de les avoir auprès de moi.
À présent, il ne nous restait plus qu’à attendre. On nous annonçait deux à trois semaines de battement entre l’envoie de la demande et la récupération des résultats. L’attente promettait d’être longue, le mois allait sembler ne jamais prendre fin, je le voyais venir de très loin.
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