Chapitre 14
J'avais tout donné et franchement j'étais fière du résultat surtout que j'avais réussi à finir sans qu'ils soient là. J'avais eu l'info par Lucas, un des joueurs de basket, Antonin ne devait pas être dans les parages de toute la journée. Il était parti tôt le matin bosser et devait passer l'après midi avec Alexis pour acheter tout ce dont il avait besoin pour son voyage. Voyage qui approchait beaucoup trop.
Son départ est prévu demain et rien que d'y penser j'ai un pincement au cœur. Je n'ai aucune envie qu'il parte et en même temps je suis si heureuse pour lui qu'il aille rencontrer son père.
— Mélanie, il arrive, me prévint Lucas.
Je le bénissais, j'étais tellement perdue dans mes pensées que je n'avais pas vu, ni même entendu la voiture d’Alexis. Pourtant, elle en fait du boucan. Je suis étonnée qu'elle ne l’ait pas encore lâché. Mais bref, il est là. Je me dépêche de ranger mon matériel et part en courant le retrouver. Je veux être là lorsqu'il verra que j'ai fini la fresque.
J’arrive à l’intercepter juste avant qu’il n’ait vu sur les terrains c’est parfait ! Il est là tout sourire en train de rire avec Alexis et pourtant je suis persuadée que dès qu’il m’a vu son visage s’est un peu plus illuminé. Comme le mien. Je sens mes lèvres s’étirer d’elles-mêmes alors qu’il avance vers moi.
— Mélanie ! Je ne savais pas que tu venais aux terrains aujourd’hui !
— Et pourtant si ! J’ai quelque chose d’important à te montrer. Ça va te plaire ! Et à toi aussi Alexis, incluais-je son meilleur ami.
Meilleur ami qui fronça les sourcils à ma phrase. Et oui, ce n’est pas parce que tu ne m’apprécies toujours pas que moi, je ne peux pas être gentille avec toi, lui envoyais-je une pique dans ma tête.
— Fermez les yeux ! leur ordonnais-je.
— Quoi ? Mais j’ai pas…
— Allez cesse de râler et fait-le, le coupa Antonin en écoutant mes directives.
J’étais tellement excitée, j’avais l’impression d’être une pile électrique montée sur ressort. Oui, oui rien que ça.
Lorsqu’Alexis enfin décidé à m’écouter ferma les yeux et posa une main sur l’épaule de son ami pour pouvoir le suivre, je m'empara de celle d’Antonin et enroula mes doigts aux siens. Autant en profiter. Je les fis tous les deux avancer à ma suite.
Je les emmena jusque devant les terrains de basket. Je bénissais Lucas d’avoir demandé à tout le monde d’arrêter de jouer pour que je puisse faire ma surprise. Antonin et Alexis m'avaient vu avancer plusieurs fois sur la fresque mais je savais que de la voir terminée allait leur faire quelque chose. Je l’espérais en tout cas.
— Si vous êtes prêts, vous pouvez ouvrir les yeux.
Je les vis ouvrir les yeux et buguer devant la fresque. J’étais tellement fière du résultat. Je trouvais que tout s’harmonisait parfaitement, autant les formes que les couleurs. J’avais tout donné. Il s’agissait là de mon plus beau chef-d’œuvre.
— Tu l’as fini !
Sans crier gare, je sentis Antonin me prendre dans ses bras et me faire tournoyer en l’air. Ce geste si spontané, si inattendu me fit rire. J’étais tellement bien là en ce moment.
— Tu es la meilleure ! cria-t-il en me reposant au sol.
Il attrapa mes joues entre ses mains et m’embrassa. Je sentis aussitôt la chaleur me monter au visage, tandis que je regoûtais pour la première fois à ses lèvres depuis ce matin-là, chez lui, où on avait dérapé.
Elles avaient un goût de fraise, je le suspectais d’avoir avalé un smoothie ou un milkshake aux fruits rouges il y avait peu. Ça lui allait plutôt bien ce goût. Surtout que ça me faisait oublier la tonne de café que je m’étais englouti pour rester en forme le midi même. J’espérais qu’il ne le sentait pas.
Il finit par lâcher mon visage et nos bouches se séparèrent. Nos yeux se croisèrent et je lus aussitôt toute l’hésitation dans son regard. Il était aussi rouge que je devais l’être mais aussi un regard fuyant. On resta là un moment, sans rien dire, sans même oser se regarder. On était devenu beaucoup plus tactile et proche depuis ce matin-là mais nous ne nous étions plus embrassés.
— On devrait aller fêter ça ! proposa Lucas nous sortant de notre bug.
— Tu as raison, approuva Jérémy, un autre du groupe de basket.
Plusieurs acceptèrent et voilà que je me retrouvais au milieu de près d’une dizaine de basketteurs à me balader en ville. On avait à peine échangé un mot avec Antonin depuis qu’on était parti. Je crois que nous étions tout autant l’un que l’autre gêné par la situation. Il est vrai que nous n’avions jamais pris le temps de parler de ce qu’il s’était passé l’autre matin. Aucun de nous n’était revenu avec cette histoire.
Je ne regrettais en rien ce qu’il s’était passé, au contraire même. Une partie de moi regrettait qu’il ne se soit rien passé de plus ensuite. J’aimais Antonin, je me l'avouais enfin et pourtant je n’arrivais pas à le lui dire.
Je suivis leur petit monde un peu partout dans les quartiers nords, nord-est de la ville. On passa un bon moment au skatepark où plusieurs s’arrêtèrent pour rouler et faire quelques figures. C’est en descendant vers le Sud pour aller à la meilleure pizzeria de la ville selon Lucas qu’on passa devant l’école d’architecture. C’est à ce moment qu’Alexis décida de s’arrêter et de se retourner vers moi.
— Je dois avouer que je ne te faisais pas confiance à la base, avoua-t-il devant les autres. Mais je dois bien reconnaître que tu as fait quelque chose de superbe pour les terrains et pour ça je ne te remercierai jamais assez. Tu es la preuve que cette école de pourris gâtés sait aussi accueillir ceux qui ont du talent. Tout n’est pas perdu dans ce monde dirigé par l’argent, ajouta-t-il à la fin.
Tous sifflèrent comme s’il venait de dire là leur slogan. Je souris pour faire bonne figure mais j’étais surtout très mal à l’aise. Je leur avais tous menti et aujourd’hui j’étais gênée. Je ne savais pas comment me sortir de ce problème.
— Tout va bien ?
J’étais tellement prise dans mes pensées que je n’avais même pas vu Antonin se rapprocher de moi.
— Oui oui, un petit coup de fatigue c’est tout.
Mais pourquoi je racontais ça ? Ça n’avait aucun sens. Surtout que par-dessus toutes les personnes présentes ce soir, c’était surtout à lui que je m’en voulais de mentir. Je ne savais pas trop où on en était aujourd’hui mais je ne pouvais continuer à lui mentir ainsi.
— Je pourrais te montrer quelque chose ce soir ?
— Une autre surprise ? Je suis grave chaud !
— Euh oui… Si on veut.
Je n’étais pas sûre que celle-ci le rende aussi heureux que la fresque. Mais il fallait que je le fasse. Je lui devais la vérité. Et il partait demain. C’était ma dernière chance de tout lui avouer avant un moment.
Je n’ouvris pas beaucoup la bouche de la soirée. Je commençais à stresser de toute avouer à Antonin et s’il profitait de la soirée comme les autres, je l’avais vu plusieurs fois me lancer des regards interrogateurs. Il avait remarqué que je n’étais pas dans mon assiette.
Je n’y pouvais rien. L’ambiance était super, les pizzas du Marzza étaient sans conteste les meilleures que j’ai pu goûter et le restaurant super. C’était, à ce que j’avais compris, le premier jour de la serveuse et elle s’en sortait très bien et était très souriante. Elle avait même réussi à m’arracher un sourire en disputant ce qui devait être deux de ses amis qui étaient venus chercher une dizaine de pizzas.
Le reste de la soirée passa ainsi et puis la pizzeria se vida petit à petit. Lucas et les autres s’étaient éclipsés au fil des heures, il ne resta bientôt plus qu’Alexis, Antonin et moi.
— Je crois qu’il est temps pour nous aussi de rentrer, annonça Alexis en se levant de sa chaise.
Antonin me regarda. Je voulais toujours lui parler mais seul à seule.
— Je te laisse rentrer seul. On va aller se balader un peu avec Mélanie.
— Ok ! Mais ne tarde pas trop, faut que tu te lèves demain pour prendre ton train.
— T’inquiètes, je ne le louperai pas.
Alexis finit par nous abandonner. Nous n’étions plus que tous les deux. Je sais qu’il attendait que je parle, après tout c’est moi qui lui avait demandé de rester mais je ne savais pas comment lui annoncer. J’eu finalement le déclic.
— Tu veux bien qu’on marche ? Je voudrais t’emmener quelque part.
On partit en ville et je nous guida dans les rues pour remonter petit à petit vers le nord de la ville mais aussi et surtout vers chez moi. Je voulais le ramener à la maison. Je me disais que ça serait plus simple pour moi de tout lui expliquer si je lui montrais où j’habitais. Et au moins, si ça se passait mal et ben je serais déjà chez moi. Je chassais cette dernière pensée de ma tête. Il n’y avait pas de raison pour que ça se passe mal.
On ne dit rien pendant tout le trajet. On resta ainsi côte à côte sans parler, sans se toucher. Et puis on arriva enfin, j’ouvris le portillon du jardin et entra.
— Qu’est-ce que tu fais ? On est où ? me demanda Antonin qui continuait à me suivre malgré ses interrogations.
— Chez moi… avouais-je presque en murmurant.
— Quoi ? Tu habites ici ? Dans cette maison ?
— Oui.
J’ouvris la porte et on entra tous les deux à l’intérieur. Je crois que c’est là en voyant le salon immense avec ses meubles tous plus rocambolesque les uns que les autres qu’il comprit. Il s’arrêta d’un coup la bouche à moitié ouverte et les yeux écarquillés.
— Je n’ai pas été totalement sincère avec toi… Je n’ai pas eu de bourse pour entrer en école d’architecture, mes parents ont largement assez d’argent pour me payer les semestres là-bas. Je fais partie de ces fils et filles à papa qu’Alexis détestent tant…
— Alors là, si je m’attendais à ça…
— Je suis désolée de t’avoir menti, je ne voulais pas, c’est juste que j’ai eu tellement peur en voyant l’abjection d’Alexis que je ne voulais pas que vous me voyez comme ça alors j’ai menti mais je regrette et…
— Mais attends ils sont là tes parents ? Il faudrait peut-être que je les salue, ou je sais pas quelque chose ? s’inquiéta-t-il d’un coup.
Sa réaction eut pour effet de complètement me désarçonner. Je ne m’attendais pas du tout à cela, était-il en train de se payer ma tête ? Au vu de son air stressé, je n’en avais vraiment pas l’impression. Au moins, sa question avait eu le chic pour totalement faire disparaître le poids de mes épaules et je me mis à rire pour évacuer toute ma nervosité.
— Non, non mes parents sont à une soirée organisée par leur boite. Ils ne vont pas rentrer avant un bon moment normalement.
— Et du coup, tu as le temps de me faire visiter ? J’ai jamais vu une maison aussi grande.
— Euh… ben oui. Mais tu es sûr que tu ne m’en veux pas ?
— Non, non, je sais que tu ne m’as pas menti en pensant à mal et puis Alexis peut vraiment faire peur quand il veut avec ça, alors d’un certain côté je comprends aussi.
— Tu ne peux pas savoir comme ça me détend ce que tu me dis là. J’en avais marre de te cacher la vérité.
— Et je suis très heureux que tu me l'aie dite ! Et donc cette visite ?
Je lui fis faire le tour de toute la maison. Je crois que le bureau de mes parents est la pièce qui lui a fait le plus d’effet. Il faut dire qu’ils n’y étaient pas allés de main morte avec l’achat de leur bureau, PC et imprimante 3D dernier cri. Je finis par lui montrer ma chambre et m’assis sur le lit pendant qu’il s’attardait sur mon propre bureau.
— Tu as vraiment du talent tu sais ? C’est magnifique et je n’abuse même pas un peu.
— Merci.
Je sentis aussitôt le rouge me monter aux joues. Je n’étais toujours pas habitué à autant de compliment et étrangement les siens me faisaient toujours plus d’effet que ceux occasionnels d’Emma ou de Martin.
Il finit par me rejoindre sur le lit et s’assit à côté de moi. Plus je le regardai et plus je le trouvais beau, même la courbure de son nez qui remontait légèrement en trompette je la trouvais mignonne. Mes yeux finirent par accrocher la petite médaille militaire qu’il portait toujours à son cou.
— Tu es prêt pour demain ? lui demandai-je.
— Je ne sais pas… Je suis très tiraillé. D’un côté il me tarde de le voir et de le rencontrer mais d’un autre j’ai peur qu’il ne veuille même pas m’adresser la parole.
— Si c’est le cas, il ne sait pas à côté de quel jeune homme incroyable il passe.
— C’est gentil. Tu sais…
Il fut coupé dans sa phrase lorsqu’une paire de phares vint éclairer ma chambre par la baie vitrée. C’était la voiture de mes parents qui étaient en train d’arriver et de se garer dans le garage. Qu’est-ce qu’ils faisaient déjà là ? Ce n’était pas normal, il ne devait pas rentrer avant une heure du matin et il était une heure et demie et merde je n’avais pas vu le temps passer.
— Tu ne peux pas rester là ! annonçais-je. Si mes parents te trouvent ici, ils vont péter un câble.
Je l’attrapai par la main et le tira à ma suite. J’ouvris délicatement la porte fenêtre comme quand je faisais le mur pour aller peindre et entraîna Antonin derrière moi après m’être assurée que la porte du garage était belle et bien fermée.
Je nous fis sortir par derrière, par un petit chemin derrière les maisons qui permettaient de couper pour aller jusqu’au pont. Je l’entraîna un peu au pas de course. Je voulais revenir dans ma chambre avant que mes parents ne se rendent compte que je n’y étais pas.
Arrivés au bout, je lâcha enfin la main d’Antonin.
— Je suis désolée de te laisser comme ça en plan mais il faut que je reparte. Donne moi des nouvelles quand tu seras de retour en ville. Je veux être l’une des premières à qui tu racontes comme ça s’est passé !
J’allais repartir en sens inverse lorsqu’Antonin posa sa main sur ma joue et ses lèvres contre les miennes. Une explosion de bonheur survint dans ma poitrine. Lorsqu’on se sépara enfin, on se regarda l’un l’autre un moment sans qu’il n’enlève ses doigts de mon visage. Il finit par murmurer trois mots qui ajoutèrent des feux d’artifices dans mon cœur.
— Je t’aime.
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